La tendinopathie d’Achille : explication et traitement

Publié le : 9 avril 2022 à 12h36

Article rédigé par Thibaut GARÇON - MKDE

 

DESCRIPTION

Au niveau des membres inférieurs, les blessures de type « tendinopathies » sont des pathologies fréquentes chez les athlètes notamment chez certaines populations de sportifs tels que les coureurs (course de fond, trail, …) ou encore les sauteurs (volley, basket, …).

Le terme « tendinopathie » désigne un état clinique caractérisé par la douleur, le gonflement et les limitations fonctionnelles des tendons et des structures voisines, conséquence d'un échec chronique de la réponse de guérison. Les tendinopathies entraînent une morbidité importante et, à l'heure actuelle, il n'existe que peu de modalités de prise en charge scientifiquement prouvées (A lire également : Tendinopathie patellaire : description et traitements)

Le tendon d'Achille est le tendon le plus grand et le plus résistant du corps humain, mais il est sujet à des blessures telles que la tendinopathie. Les blessures au tendon d'Achille représentent les atteintes de « tendons » les plus fréquentes des membres inférieurs. Elles peuvent être prises en charge de manière essentiellement conservatrice, avec de bons résultats cliniques, mais lorsque cette approche échoue, la chirurgie doit être envisagée.


 

ANATOMIE

Le tendon d'Achille naît des aponévroses des muscles gastrocnémien, soléaire et plantaire. Il s'insère à 2 cm en distal de la proéminence du calcanéum avec un diamètre antéro-postérieur de 5 à 6 mm.  

La vascularisation de l'insertion du tendon d'Achille provient principalement d'un plexus artériel le long du calcanéum, alimenté par les artères fibulaires et tibiales postérieures.

Les tendons sains sont essentiellement dépourvus de nerfs, mais la proximité du nerf sural avec le tendon d'Achille est pertinente pour envisager des diagnostics différentiels, tels qu'une irritation ou un névrome du nerf sural, et pour décider des approches chirurgicales.

Enfin, les bourses sous-cutanées et rétro calcanéennes entourent ce dernier réduisant ainsi la friction entre le tendon d’Achille et les tissus adjacents.

 

ÉTIOLOGIE

La physiopathologie exacte de la tendinopathie d'Achille est encore inconnue. On pense qu'elle a une origine multifactorielle, avec une interaction entre des facteurs intrinsèques et extrinsèques le plus souvent liés à une trop grande charge externe de travail.

Des changements dans le volume d'entraînement, une mauvaise technique de course à pied, des blessures antérieures et des facteurs environnementaux comme l'entraînement sur des surfaces dures, glissantes ou inclinées, sont des facteurs qui peuvent prédisposer l'athlète à une apparition de tendinopathie d'Achille.

Une meilleure compréhension des facteurs de risque peut aider à développer des interventions (préventives notamment) plus efficaces.

 

ÉPIDÉMIOLOGIE 

L'incidence de la tendinopathie d'Achille est de 2 à 3 / 1000 patients dans la pratique de la médecine générale, et son incidence augmente à plus de 50% dans certaines populations actives (par exemple, les coureurs).

Plus spécifiquement, elle représente 6 à 17% de toutes les blessures liées à la course à pied, et les sportifs qui participent à des activités physiques à impact répétitif telles que la course et le saut présentent une incidence et une prévalence à vie, respectivement, de 9 à 52% chez des athlètes non professionnels.

 

 DIAGNOSTIC & ÉVALUATION  

Plusieurs classifications sont connues à ce jour. Dans un premier temps, selon la durée des symptômes, on parlerait donc de :

  • Tendinopathie réactive: durée des symptômes inférieure à 6 semaines
  • Tendinopathie chronique: pendant 3 mois ou plus.

 

Cependant, peu de littérature sur la tendinopathie d'Achille réactive et des définitions incohérentes de celle-ci sont à ce jour disponible. Par conséquent, il a été décidé de ne pas utiliser cette sous-classification mais plutôt une classification basée sur la localisation de la douleur (voir figure ci-après)

 

Concernant les critères diagnostics (et basé sur la classification différentielle présentée auparavant), une tendinopathie d'Achille de la proportion moyenne se base de la présence de tous les résultats suivants :

 

  • Symptômes localisés entre 2 et 7cm de l'insertion du tendon d'Achille.
  • Douleur de la partie médiane du tendon d'Achille à la mise en charge (sportive).
  • Épaississement local de la partie médiane du tendon d'Achille (il peut être absent dans les cas où les symptômes sont de courte durée).
  • Douleur locale à la palpation de la partie médiane du tendon d'Achille.

 

Diagnostiquer une tendinopathie d'Achille d’insertion en fonction de la présence de tous les résultats suivants :

 

  • Symptômes localisés à la région d'insertion du tendon d'Achille (dans les 2 cm de l'insertion du tendon d'Achille).
  • Région d'insertion du tendon d'Achille douloureuse à la mise en charge (sportive).
  • Épaississement local de l'insertion du tendon d'Achille (il peut être absent dans les cas où la durée des symptômes est courte).
  • Douleur à la palpation locale de l'insertion du tendon d'Achille.

 

Classification selon la BJSM (2021), traduit et adapté par NeuroXtrain

 

Il convient de réaliser des examens d'imagerie supplémentaires (radiographie du calcanéum, échographie du tendon d'Achille ou IRM de la cheville) si :

 

  • Les symptômes ne correspondent pas aux quatre critères diagnostics.
  • Les symptômes correspondent aux quatre critères diagnostics, mais il y a une évolution ou un changement inattendu des symptômes pendant le suivi.
  • Une intervention chirurgicale est envisagée.

 

Cette utilisation d’imagerie est donc utile pour vérifier une suspicion clinique ou pour exclure d'autres troubles musculo-squelettiques (voir plus loin la partie « diagnostic différentiel »).

Un bilan initial (mais aussi le suivit de la rééducation) peut être accompagné d’un questionnaire à faire remplir au patient. Dans le cadre de la tendinopathie, le questionnaire validé est le VISA-A.

 

FACTEURS DE RISQUES

Selon une revue systématique du BJSM de 2019, il existerait des preuves limitées pour les facteurs de risque suivants :

 

  • Un antécédent de tendinopathie ou de fracture du membre inférieur
  • Une augmentation de la pronation du pied lors de la phase d’appui
  • Un schéma de marche anormal avec une diminution de la progression vers l'avant du pied lors de la propulsion
  • Une diminution de la force isocinétique des fléchisseurs plantaires
  • Un entraînement par temps de froid
  • Une consommation modérée d'alcool
  • Une clairance de la créatinine <60 ml/min chez les patients ayant subi une transplantation cardiaque.
  • Utilisation d'antibiotiques à base d'ofloxacine

 

Bien que d'autres facteurs de risque potentiel, tels qu'un IMC élevé, les mesures de la posture statique du pied et le niveau d'activité physique, soient souvent considérés comme des facteurs de risque, il n'existe actuellement aucune preuve scientifique de leur association avec la tendinopathie d'Achille. (À lire également : Optimiser le retour au sport après une tendinopathie d’Achille)

 

TRAITEMENTS & PRÉVENTION

Traitements

L’objectif initial d’un traitement de rééducation doit se baser sur un bilan complet en lien avec les éléments cités ci-dessus. Ce dernier doit s’accompagner :

 

1- De l’éducation du patient :

 

  • Explication de l'état de santé.
  • Explication du pronostic.
  • Éducation sur la douleur et prise en compte des facteurs psychologiques.

 

2- Des indications et conseils de remise en charge :

 

  • Explication du « stress mécanique », des principaux facteurs de risque de la surcharge de travail et de ses conséquences structurelles.
  • Arrêt temporaire des activités sportives provoquant la douleur.
  • Remplacement temporaire des sports provocateurs par des activités sportives non provocatrices.
  • Augmentation progressive de la contrainte.
  • Utiliser une échelle de douleur pour surveiller le niveau des plaintes liées aux activités sportives et adapter ces activités en fonction de l'échelle de douleur.

 

Dès lors, un renforcement des muscles du mollet se met en place sur une période d’au moins 12 semaines(voir figure ci-après). Il est nécessaire d’adapter les exercices de renforcement en fonction du sport pratiqué (les contraintes d’un sauteur ne sont pas les mêmes que celle d’un coureur). Pour la tendinopathie d'Achille d'insertion, envisagez d'abord d'effectuer les exercices sur une surface plane.

 

 

Présentation d’un protocole de remise en charge progressive présenté par le BJSM (2021), traduit et adapté par NeuroXtrain

 

Après 3 mois d'éducation du patient, de thérapie d'exercice structurelle et de suivi des conseils de mise en charge, s'il n'y a toujours pas d'amélioration, discutez des options de traitement supplémentaires. Attention, cette décision doit être prise collégialement entre le thérapeute en charge de la rééducation, le médecin et le patient. Les options thérapeutiques supplémentaires peuvent être les suivantes :

  • La thérapie par ondes de choc.
  • Les thérapies par injection (plasma riche en plaquettes, acide hyaluronique, …) et l'acupuncture (ou dry needling).
  • Autres modalités passives (utilisation d'une attelle de nuit ou utilisation de suppléments de collagène).

 

Prévention

Sachant qu’un retour au sport de manière trop brutale est associé à une plus grande probabilité de récidive, les principaux axes de prévention sont les suivants :

  • Discutez de la rapidité de la reprise du sport avec le patient en lui expliquant les tenants et aboutissant de cette approche.
  • Veillez à une augmentation progressive de la charge (sportive) après une période de rééducation ou après une longue période d'inactivité.
  • Envisagez de poursuivre un renforcement des muscles du mollet même après votre période de rééducation.

 

DIAGNOSTICS DIFFÉRENTIELS

 

À lire également :

 

Rupture du tendon d’Achille : traitement, pronostic et RTP

Tendinopathies et blessures dans l’E-sport

Tendinopathies : quels sont les traitements les plus efficaces (Excentrique, « Progressive loading », HSR …)

 

Tout le contenu de cet article est présenté à titre informatif. Il ne remplace en aucun cas l’avis ou la visite d’un professionnel de santé.

  

Sources :

De Vos, R. J., van der Vlist, A. C., Zwerver, J., Meuffels, D. E., Smithuis, F., van Ingen, R., van der Giesen, F., Visser, E., Balemans, A., Pols, M., Veen, N., den Ouden, M., & Weir, A. (2021). Dutch multidisciplinary guideline on Achilles tendinopathy.British Journal of Sports Medicine, 55(20), 1125‑1134 – Article sous License Creative Commons CC BY-NC 4.0

 Aicale, R., Oliviero, A., & Maffulli, N. (2020). Management of Achilles and patellar tendinopathy: what we know, what we can do.Journal of Foot and Ankle Research, 13(1) – Article sous License Creative Commons 4.0

 Van der Vlist, A. C., Winters, M., Weir, A., Ardern, C. L., Welton, N. J., Caldwell, D. M., Verhaar, J. A. N., & de Vos, R. J. (2020). Which treatment is most effective for patients with Achilles tendinopathy ? A living systematic review with network meta-analysis of 29 randomised controlled trials.British Journal of Sports Medicine, 55(5), 249‑256 – Article sous License Creative Commons CC BY-NC 4.0

 Van der Vlist, A. C., Breda, S. J., Oei, E. H. G., Verhaar, J. A. N., & de Vos, R. J. (2019). Clinical risk factors for Achilles tendinopathy : a systematic review.British Journal of Sports Medicine, 53(21), 1352‑1361 – Article sous License Creative Commons CC BY 4.0

 

Écrire un message
* informations obligatoires
(ne sera pas publié)