L’économie d’énergie lors de la course chez les coureurs

Publié le : 27 juillet 2019 à 00h07

Réédité le 21 Juin 2020 à 10h01

Articlé rédigé par Nathan Touati et Antoine Frechaud 

Il y aurait-il une technique afin d’économiser son énergie durant la course dans le but de maximiser sa performance et sa récupération ? Prenons l’exemple du kangourou : ce dernier dépense moins d’énergie quand il court/bondit à 30 km/h qu’à 20 km/h.  Comment est-ce possible ? Grâce à son tendon d’Achille démesuré, il utilise le principe de l’élastique à merveille. À chaque bond il utilise l’énergie dite « gratuite » pour son prochain saut. L’énergie dite « payante » quant à elle, est l’énergie nécessitant un effort de la part du coureur qui amène donc à la dépense d’énergie et de la fatigue.

Un petit rappel utile pour la suite de l’article :

Nous allons voir ici les facteurs intrinsèques et extrinsèques à la biomécanique de la course.

 

Facteurs intrinsèques :

Ces facteurs peuvent être catégorisés comme spatio-temporels, cinématiques (mouvement, angles …), cinétiques (forces responsables du mouvement) et neuromusculaires.

 

Spatio-temporels:

La fréquence et la longueur de la foulée dépendent l’une de l’autre et définissent la vitesse de course. Si la vitesse de course est maintenue constante, une augmentation de la fréquence ou de la longueur de foulée entraînera donc une diminution de l'autre. Les coureurs semblent choisir naturellement une fréquence ou une longueur de foulée économiquement optimale, ou du moins très proche. Cette optimisation innée et subconsciente de la biomécanique est appelée auto-optimisation.

Il est intéressant de noter que la fréquence ou la longueur de foulée optimale mathématique d’un coureur entraîné est en moyenne 3% plus rapide ou 3% plus courte que la fréquence ou la longueur préférée.

Mais attention, un passage à 6% de réduction de la longueur de foulée s’avère destructeur sur l’économie de course.

De plus, des diminutions de l'oscillation verticale (hauteur à laquelle l’athlète saute à chaque foulée) ainsi qu’une amélioration de l’économie ont été montrées, lorsque les individus courent pieds nus, probablement en raison d'un déplacement vertical moins important pendant la phase d’appui.

Une autre étude a montré qu'une diminution de l'oscillation verticale peut légèrement améliorer l’économie d’énergie, mais uniquement si la hauteur absolue du centre de masse* du corps n'est pas modifiée.

*Le centre de masse d’un objet est la position moyenne de la masse d’un objet. Si vous avez exactement la même masse à votre gauche, ainsi qu'à votre droite, en haut et en bas, devant et derrière, alors vous êtes au centre de masse.

 

Eriksson et al. ont démontré que l'oscillation verticale pouvait être réduite avec succès par des feedbacks visuels et auditifs, et que les coureurs trouvaient plus naturel de modifier l'oscillation verticale plutôt que la fréquence de pas.

L'augmentation du temps absolu passé dans la phase oscillante a été associée à une meilleure économie de course par plusieurs chercheurs.

 

Cinématique:

L'une des rares variables cinématiques à bénéficier d'un fort soutien de la part des études comme bénéfique pour l'économie est une jambe moins étendue au décollement des orteils. Des études ont montré qu'il est possible d'atteindre cet objectif en réduisant la flexion plantaire et/ou en réduisant l'extension du genou lorsque le coureur décolle du sol.

 

Angle de cheville et de genou lors de la phase de décollement des orteils (toe off), phase propulsion après 10 semaines de travail biomécanique.

Une extension moindre des jambes pourrait produire une plus grande force de propulsion, en permettant potentiellement aux muscles extenseurs de jambes d’opérer dans une position force-longueur plus optimale ainsi qu’avec un « Gear ratio » plus important.

 

Le Gear Ratio, c’est quoi ?

Gear ratio: "the ratio of external ground reaction force moment arm (EGRFMA) to internal muscle-tendon moment arm"

 

EGRFMA / Internal muscle-tendon moment arm

 

Le premier composant est la distance entre l'articulation et le point d'application de force. (ex: centre de la cheville et point d'application de la force).

Le second composant est la distance entre l'articulation et l'insertion du tendon concerné. (ex: centre de la cheville et centre de l'insertion du tendon d’Achille)

 

Crédits: Dr. Isabelle Moore 2017.

Points importants :

 

  • Un gear ratio faible correspond à une attaque sur l’avant du pied. Cela entraine une charge mécanique important au niveau du tendon d’Achille. Il est en général produit lorsque l’on ralentit.

 

  • Un gear ratio élevé correspond à une attaque talon ou arrière du pied. Cela permet de protéger le tendon d’Achille. Les forces seront alors absorbées à d’autres niveaux (genou, cuisses, hanches, etc.). Il est en général produit lors de la propulsion.

 

  • Le gear ratio est une réponse biomécanique à l’impact du pied sur le sol.

 

Les coureurs plus âgés (60 - 69 ans) ont un Gear Ratio plus élevé que les coureurs plus jeunes (21 - 32 ans). Cela semble être une stratégie de sécurité qui peut réduire la charge mécanique au niveau du tendon d'Achille.

À mesure que les coureurs deviennent plus économiques dans leur course, ils produisent un Gear ratio plus favorable pendant le freinage en alignant l'axe des jambes avec la force de réaction au sol. Ils maintiennent également un Gear Ratio élevé pendant la propulsion, ce qui est la stratégie la plus efficace.

Les entraîneurs spécialisés peuvent également influencer le GEAR RATIO. Les évidences scientifiques (Keonyoung et al.) montrent qu'il existe un certain niveau de rigidité des chaussures qui optimise l'économie lors de la course en allongeant l’EGRFMA et en réduisant les forces de propulsion, tant que cela n'interfère pas avec la flexion naturelle des orteils.

Bien que l’on ne soit pas en mesure de précisément déterminer l’external ground reaction force moment arm" une approximation peut être calculée, basée sur le point d’impact du pied. Cela veut dire qu’une attaque avec l’avant du pied possèdera un plus long « EGRFMA » ainsi qu’un plus petit gear ratio qu’une attaque talon ou arrière du pied. Cette information rejoint  le concept de la stratégie des coureurs plus âgés qui réduisent naturellement la charge mécanique au niveau du tendon d’Achille, car nous savons qu'une attaque sur l’avant du pied augmente la demande sur le tendon d’Achille contrairement à une attaque talon.


Activité neuromusculaire:
 

Une plus grande activité musculaire des membres inférieurs a été signalée comme un mécanisme potentiel réduisant l’économie d’énergie lors de la course.

La VO2max (consommation maximale d’oxygène) est liée à l'activité musculaire et à l’économie de course par le fait que les muscles ont besoin d'utiliser de l'oxygène pour s'activer, et ainsi contrôler les mouvements et stabiliser les articulations. Par conséquent, certains chercheurs pensent qu'une activation musculaire plus importante, telle que mesurée typiquement par électromyographie de surface (EMG), ce qui conduit donc à une économie de course diminuée, car les muscles ne recevraient pas assez d’oxygène par rapport à leurs besoins dus à leur activité, tonus. Ils nécessiteraient alors une plus grande VO2max.

 

Facteurs extrinsèques:

Les facteurs extrinsèques sont en relation avec l’interaction entre la chaussure et le sol, la surface de course, l’équipement.

Chaussures: Une méta-analyse récente a suggéré qu'une masse de chaussures (par paire) inférieure à 440 g n'affectait pas l’économie d’énergie lors de la course, mais qu'une masse de chaussures supérieure à 440 g affectait négativement l'ER.

Amortissement: Par conséquent, des chaussures avec un amorti limité ou sans amortissement (pieds nus, par exemple) obligeraient un individu à amortir activement le corps en utilisant les muscles des membres inférieurs. Ces résultats montrent donc que courir sans amortissement a une demande métabolique plus importante que courir avec amortissement, même lorsque la masse ajoutée de la chaussure est similaire. Cependant, les résultats de Divert et al. suggèrent une autre alternative. La marche pieds nus entraînerait des améliorations de l’efficacité mécanique en raison du travail plus important effectué pour la même V02max par rapport à la marche à pied avec chaussures.

 

Nouvelles technologies :

Under Armour HOVR Infinite :  Taille 42.5 306g drop de 8mm.

Il s’agit d’une chaussure très confortable avec une bonne sensation d’amortissement. Équipée d’une puce Bluetooth dans la semelle droite, elle fournit des données intéressantes grâce à l’application Under Armour : longueur de doubles foulées, fréquence de pas, longueur de pas, etc. permettant donc un feedback des caractéristiques de course.

Crédits: Under Armour

Tout le contenu de cet article est présenté à titre informatif. Il ne remplace en aucun cas l’avis ou la visite d’un professionnel de santé.

Cet article n'inclut pas de partenariat commercial avec les produits cités. Ils ne sont présentés qu'à titre d'exemple en rapport avec l'article.

 

Sources:

Moore IS. Is There an Economical Running Technique? A Review of Modifiable Biomechanical Factors Affecting Running Economy. Sports Med. 2016;46(6):793–807. doi:10.1007/s40279-016-0474-4. Article sous Licence Creative Commons 4.0. Modifications apportées: Traduction. 

Liens web :

 

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