Fracture de fatigue du 5ème métatarse chez les sportifs

Publié le : 15 mai 2021 à 13h31

Article rédigé par Clément Boudot 

 

Les blessures osseuses liées à une contrainte mécanique représentent un spectre de blessures allant de la riostite, causée par une inflammation du périoste, à une fracture de fatigue complète comprenant une rupture corticale totale. Il s'agit de blessures de surutilisation relativement courantes chez les athlètes, causées par une charge sus-maximale répétitive sur un os au fil du temps. Les fractures de fatigue des membres inférieurs sont des blessures courantes chez les personnes qui pratiquent des activités d'endurance, à fortes contraintes mécaniques, comme la course à pied, et nécessitent donc l'expertise d'un praticien pour le diagnostic et la prise en charge. Elles sont fréquemment associées à une augmentation du volume ou de l'intensité de la charge d'entraînement.

Les fractures de fatigue des membres inférieures représentent 80 à 90 % de toutes les fractures de fatigues. L'incidence des fractures de fatigue chez les coureurs avoisine les 16 % de toutes les blessures.

Le diagnostic précis des fractures de fatigue dépend de la zone anatomique. Quoi qu'il en soit, une reconnaissance précoce de ce dernier est primordiale pour minimiser le risque que les microfractures deviennent des macrofractures.

Une classification des fractures de fatigue fut établie établie entre les fractures à haut risque et les fractures à faible risque.

Les fractures de fatigue à haut risque sont celles qui présentent un risque accru de propagation de la fracture, de retard d'union ou de non-union. Ceci est normalement dû au fait qu'elles sont situées du côté de l’os où les contraintes mécaniques imposées sont les plus importantes, ou qu'elles se développent dans une zone à la vascularisation limitée. Les fractures de fatigue à haut risque les plus courantes sont celles de la diaphyse tibiale antérieure, de la base du cinquième métatarsien, de la malléole médiale, du col du fémur latéral, de l’os naviculaire du tarse et des sésamoïdes de l’hallux.

 

Étiologie

La classification des lésions de fracture de fatigue est basée sur les résultats de l'IRM, qui est l’outil de diagnostic le plus sensible.

Les résultats de l'IRM utilisent le système de classification de Fredericson. L’échelle de Fredericton est une échelle commune pour toutes les fractures de fatigue:

  • Grade 1: Œdème périoste uniquement.
  • Grade 2: Œdème de la moelle osseuse (uniquement sur les séquences pondérées en T2)
  • Grade 3: Œdème de la moelle osseuse (sur les séquences pondérées en T1 et T2)
  • Grade 4: (4a) Multiples zones discrètes de changements de signal intracortical ; (4b) Zones linéaires de changement de signal intracortical en corrélation avec une fracture de stress franche.

 

Pour les fractures de fatigue du 5ème métatarse, une échelle propre à cette pathologie existe, l’échelle de Torg:

  • Grade 1: Ligne de fracture aiguë, pas de sclérose intramédullaire ni de réaction périostée.
  • Grade 2: Ligne de fracture élargie avec sclérose intramédullaire et réaction périostée.
  • Grade 3: Ligne de fracture élargie avec sclérose intramédullaire complète et réaction périostée.

 


Physiopathologie

L’os est en perpétuel renouvellement grâce notamment à l’activité des ostéoblastes et des ostéoclastes qui permettent le remodelage des os. Les ostéoclastes « détruisent » l’os existant et les ostéoblastes renouvellent ce tissus osseux « détruit ». Il existe une homéostasie entre ces deux activités afin de maintenir une densité osseuse.

Les fractures de fatigue reflètent un mauvais équilibre entre la capacité de l'os à subir des contraintes et la charge mécanique quotidienne qui lui est exercée.

Dans un os sain, l'activité ostéoblastique permet de réparer les zones de traumatisme ou de blessure, y compris celles résultant d'une activité physique. Cependant, si la période de récupération n'est pas suffisante pour que les ostéoblastes génèrent du tissu osseux  nouveau, le taux de résorption par les ostéoclastes dépasse la formation d'os nouveau, et ainsi, l'os s'affaiblit. Accumulé au fil du temps, cela conduit à des réactions de stress, et si l'entraînement n'est pas modifié, celles-ci deviennent des fractures de fatigue franches.

Les fractures de fatigue montrent que la réponse à une contrainte quotidienne entraîne une augmentation de l'activité ostéoclastique dépassant le taux d'activité ostéoblastique. Il s'ensuit un affaiblissement de l’os.

 

Quelle prise en charge lors d’une fracture de fatigue du 5ème métatarse?

Fréquente chez les joueurs de football, de football américain ou de basket-ball, cette blessure apparait sur les radiographies comme une ligne sclérosée ou radiotransparente à la face proximale du cinquième métatarsien. Cependant, les changements radiographiques peuvent être absents chez jusqu'à 69 % des patients. Dans de tels cas, l'examen d'imagerie de seconde intention est désormais l'IRM. La tomodensitométrie (CT) peut être utile pour évaluer l'union de la fracture si un traitement conservateur est tenté.

 

Torg 1:

Il existe une tendance croissante à la prise en charge chirurgicale de ces blessures chez les athlètes de haut niveau et les athlètes pratiquant des sports à charge répétitive de haute intensité (course, saut). Une revue systématique récente de Mallee et al., montre un bénéfice de la gestion chirurgicale, en termes de temps et de taux de retour au sport.

Les taux de retour au sport rapportés après une prise en charge chirurgicale varient de 75% à 100%, avec des temps de retour de 13,8 semaines.

Les taux de retour pour la gestion conservatrice varient de 33% à 100%, avec des temps de retour de 19,2 semaines. La gestion conservatrice reste cependant une option réaliste pour le sportif de tout niveau confondu.

Comme la gestion conservatrice reste une alternative reconnue à la chirurgie, tous les athlètes à qui l'on conseille d’opter pour un traitement chirurgical doivent être pleinement informés des options de traitement disponibles.

Les risques et les avantages des traitements chirurgicaux et conservateurs doivent être expliqués en détail.

Pour la prise en charge conservatrice, le principal avantage est d'éviter la chirurgie, tandis que le principal risque est le développement d'une non-union.

Pour la prise en charge chirurgicale, le principal avantage est d’améliorer le temps et le taux de retour au sport, tandis que le principal risque est celui de l'infection et des dommages structurels.

 

Torg 2 et 3:

Il est recommandé de prendre en charge, les fractures de fatigue classées Torg 2 et Torg 3, chirurgicalement, mais une prise en charge conservatrice peut être réalisée.

En ce qui concerne la prise en charge post-chirurgie, il est conseillé de décharger le pieds pendant 3 semaines avec la jambe dans un plâtre, puis de porter progressivement du poids pendant les 3 à 6 semaines suivantes dans des chaussures de protection.

Une rééducation accélérée doit être évitée, car elle augmente considérablement les risques d'échec du traitement.

Pour une prise en charge conservatrice, les recommandations actuelles en matière de rééducation conseillent 6 semaines sans mise en charge dans un plâtre ou une botte, suivies de 6 semaines de mise en charge partielle dans une attelle fonctionnelle, puis d'un retour progressif au sport sous la direction des kinésithérapeutes.

Indépendamment du type de traitement, le sport au niveau pré-blessure ne doit commencer qu'une fois que l'on a la preuve de l'union clinique et radiologique de l’os.

 


Traitement conservateur

Le traitement conservateur repose principalement sur la modification des facteurs de risque qui ont mené à la blessure.

La gestion des facteurs de risque tels que les contraintes biomécanique, la nutrition et le surentraînement sont la clé d'un traitement à long terme réussi.

Les facteurs de risque externes tels que les programmes d'entraînement et l'équipement peuvent jouer un rôle dans la gestion du risque de fractures de fatigue.

Lorsque la régénération osseuse n’est pas assez importante, cela peut s’avérer être un facteur de risque pour le développement des fractures de fatigue. Par conséquent, la mise en place de période de récupération avec un entraînement alternatif (comme du vélo, natation, ou autre sport porté, entraînement croisé) améliore le temps de récupération sans diminuer les niveaux de forme physique.

Le terrain et l'équipement peuvent contribuer a l’apparition des fractures de fatigue. Les coureurs qui changent de terrain ou qui courent sur des terrains avec un dénivelé important sont plus susceptibles de subir des fractures de fatigue. Il est donc pertinent de limiter le dénivelé et les changements de terrains pendant la rééducation et pour les entraînements futurs chez les personnes susceptibles de subir des fractures de fatigue.

L'utilisation de semelles peut être efficace chez certains athlètes pour réduire les facteurs de stress des extrémités inférieures en augmentant l'absorption des chocs. En outre, la diminution de l'absorption des chocs par les chaussures peut être évitée en les changeant tous les 6 mois ou environ tous les 500 kilomètres pour limiter les blessures de surutilisation.

Les facteurs intrinsèques tels que la nutrition et les variations biomécanique sont controversés dans la littérature pour la prévention des facteurs amenant à la fracture de fatigue.

La littérature actuelle indique que des niveaux élevés de calcium (1 500-2 000 mg) et une supplémentation en vitamine D (800-1 000 UI) peuvent être des éléments pouvant participer à la prévention des fractures de fatigue. Cependant, la littérature est contradictoire. Les bisphosphonates ont été couramment utilisés pour traiter les fractures de fatigue, mais le risque d'un dépôt osseux anormal à long terme et l'absence d'autorisation de la « Food and Drug Administration » (= FDA) pour cette intervention suscitent des inquiétudes. Les athlètes doivent être évalués pour détecter les carences, les troubles alimentaires et les carences induites par les médicaments avant d'ajouter des suppléments.

Des facteurs tels que la circonférence du mollet, la masse musculaire, un genu valgus important, une adduction excessive de la hanche, une éversion du pied et la triade de l'athlète féminine (RED-S syndrome) peuvent prédisposer les athlètes aux fractures de fatigue (voir notre article : Sportive de haut niveau : L’excellence de leurs performances. Cependant l’un des facteurs les plus importants à prendre en compte reste la charge d’entraînement qui peut être surveillé grâce à l’ACWR ratio (Voir notre article : Acute : Chronic Workload ratio : un outil afin de sécuriser le retour des athlètes). L’ACWR ratio est un outil de mesure utilisant des unités arbitraires afin de calculer la quantité de charge de travail de la dernière semaine (charge aigue) sur les 4 dernières semaines (charge chronique).



Nouvelle technologie

 

Crédits image: podosmart.tech


Les semelles PodoSmart, sont des semelles connectées permettant de récolter des données sur la marche et la course à pied des patients. Les données sont récoltées sur une application afin d’extraire, d’analyser les datas et de suivre l’évolution du patient. Les semelles embarquent une centrale inertielle enregistrant les mouvements et orientations du pied dans l’espace. Elles permettent de calculer les paramètres spatio-temporels, cinématiques et les biomarqueurs qui seront affichés dans l’application telles que l’angle pronation/supination, l’écart latéral à l’oscillation, la vitesse, la cadence et bien d’autres données.

 

Tout le contenu de cet article est présenté à titre informatif. Il ne remplace en aucun cas l’avis ou la visite d’un professionnel de santé.

 

Sources:

Kiel, J., & Kaiser, K. (2020). Stress Reaction and Fractures. In StatPearls. StatPearls Publishing. Article sous Creative Commons Attribution 4.0 International License.

Kahanov, L., Eberman, L. E., Games, K. E., & Wasik, M. (2015). Diagnosis, treatment, and rehabilitation of stress fractures in the lower extremity in runners. Open access journal of sports medicine, 6, 87–95. Article sous Creative Commons Attribution Non Commercial License.

Robertson, G. A., & Wood, A. M. (2017). Lower limb stress fractures in sport: Optimising their management and outcome. World journal of orthopedics, 8(3), 242–255. Article sous Creative Commons Attribution Non Commercial license (CC BY-NC 4.0).

 

 

 

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