Sportives de haut niveau : l’excellence de leurs performances

Publié le : 5 avril 2020 à 10h38

Article rédigé par Nathan Touati 

 

Au fils des années, les performances ne cessent d’augmenter, chez les hommes comme chez les femmes. Cependant, les fonctionnements physiologiques différents en fonction du sexe entraînent des limitations dans la réalisation de records. Les femmes possèdent beaucoup plus de contraintes physiologiques que les hommes, entre les hormones, les menstruations, la grossesse, etc. Nous allons donc étudier les caractéristiques de l’athlète féminine entre performance et comportement physiologique puis nous aborderons la grossesse ainsi que la période post-partum chez une athlète de haut niveau.

Beaucoup d’entre vous ont surement déjà entendu parler de la triade de la sportive : lorsqu’une femme pratique une activité physique très intense, elle peut exprimer différents symptômes : des troubles menstruels (aménorrhée), des troubles du comportement alimentaire (anorexie/boulimie) et une déminéralisation des os.

Crédits: NeuroXtrain

Au-delà du niveau hormonal, quelles sont les différentes caractéristiques entre les athlètes hommes et femmes ?

Anatomique : Dans les disciplines athlétiques où le contrôle de l’équilibre est très important (par exemple, la gymnastique), la stature plus courte et le bassin plus large donnent aux femmes un centre de gravité inférieur, ce qui leur procure un avantage substantiel. En revanche, un bassin plus large peut produire un varus des hanches, une augmentation de l’antéversion fémorale et du valgus du genou ayant pour résultat un angle Q accru, qui est connu pour être un facteur prédisposant pour des problèmes patello-fémoraux ou ligamentaires (LCA).

Musculaire : Diverses études ont montré que lorsque seule la qualité musculaire (types de fibres, recrutement des fibres, temps de réaction à la contraction, etc.) est concernée, les muscles des hommes et des femmes ne sont pas si différents. Il semble, cependant, que les différences de force et de puissance entre les sexes sont une conséquence de la quantité musculaire et non pas de leur qualité. Des études ont également montré que les athlètes féminines ont une souplesse accrue des ischiojambiers qui pourrait être responsable d’une exposition augmentée à un risque de blessure du ligament croisé antérieur (LCA)

Ligamentaire: Les athlètes féminines ont une laxité articulaire générale plus importante que leurs homologues masculins. Cela peut être attribué à la masse musculaire (moindre chez les femmes) qui ne parvient pas à retenir l’amplitude de mouvement excessive. Ces observations sont particulièrement vraies pour le genou, la cheville et l’articulation du coude. Plusieurs études ont montré que la laxité articulaire et l’hyperextension augmentent considérablement le risque de blessure au LCA chez les sujets féminins.

Voici les principales différences anatomiques entre les femmes (A) et les hommes (B). Évidemment, chaque posture est différente, ce sont des caractéristiques anatomiques générales qui ne s’appliquent pas à tous les hommes et toutes les femmes.

Crédits: . https://doi.org/10.3325/cmj.2007.6.767 CC 4.0

A

B

1 : Développement inférieur de la musculature de la cuisse

2 : Souplesse plus importante

3 : Vaste médial moins développé

4 : Valgus du genou

5 : Antéversion fémorale

6 : Pelvis plus large

7 : Échancrure fémorale plus petite

8 : Rotation externe du tibia  

 

1 : Musculature de la cuisse plus développée

2 : Moins de souplesse

3 : Hypertrophie du vaste médial

4 : Varus du genou

5 : Pelvis plus étroit

6 : échancrure fémorale plus grande

7 : Rotation interne ou neutre du tibia

 

 

 

Une psychologie différente

En outre, il est important de noter qu’à l’origine, dans la plupart des cultures occidentales temps la participation sportive était considérée comme exclusive pour les hommes. La réussite, l’agressivité et le désir de gagner  étaient traditionnellement décrits comme des qualités masculines et non féminines. La philosophie s’organise autour de ce concept : «l’athlète masculin gagnant vient de prouver sa masculinité, tandis que la femme gagnante a souvent besoin de justifier sa féminité».  Ce genre de préjugé, en combinaison avec certains traits de personnalité, peut conduire à des épisodes de dépression et d’anxiété parce qu’une athlète féminine peut sentir qu’elle n’est pas à la hauteur des attentes perçues de son sexe. Les athlètes féminines ont des scores plus faibles lors d’évaluation sur la domination et la confiance et plus élevés sur l’impulsivité, la tension et l’anxiété générale que les athlètes masculins. Il convient de noter que la pression de « gagner à tout prix », d’un parent ou d’un entraîneur trop imposant, et l’isolement social causé par une participation aux compétitions de haut niveau peut également augmenter le risque de l’athlète de développer certains problèmes, tels que les troubles de l’alimentation. Ces caractéristiques sont connues pour être des facteurs contribuant au développement du syndrome de la triade de la sportive expliquée précédemment.

Compte tenu des différences musculaires, physiologiques et anatomiques, des risques de blessures supplémentaires (jusqu’à 4x pour une rupture du ligament croisé antérieur), de potentielles grossesses, de la psychologie du sport de haut niveau, les performances que réalisent les femmes aujourd’hui sont impressionnantes et plus qu’honorables.

 

Grossesse et post-partum chez les sportives de haut niveau

Être athlète de haut niveau, ce sont des heures et des heures d’entraînement, sous tous les temps, des compétitions aux quatre coins du monde, une pression quotidienne, une quête éternelle d’amélioration de ses performances. C’est aussi des victoires, des défaites, de la joie de la déception. Mais dans tout ça, les athlètes restent humains et ont également la volonté de donner la vie. Comment les femmes font-elles pour allier grossesse et sport de haut niveau ? Un arrêt de 9 mois est-il envisageable ? Et comment se passe l’après ? Comment revenir à son niveau après avoir accouché ?

Avant toute chose, il faut savoir que la science manque d’études et de recherches de qualités sur la grossesse et le postpartum chez les femmes. Aux alentours de 30 ans, beaucoup de femmes atteignent un niveau performance très élevée. Grâce aux avancés scientifiques et technologiques notamment sur la récupération, les traitements en cas de blessures, leur condition physique épate. Certaines souhaitent alors avoir un enfant et retrouver la compétition une fois la grossesse terminée. 

Continuer la compétition alors que l’athlète est enceinte est quelque chose de réalisable. En effet, il a déjà été observé des femmes participant aux Jeux Olympiques alors qu’elles étaient enceintes. Cependant, cela dépend du sport pratiqué, en effet les sports tels que la plongée, les sports de contact ou les sports à risques de chutes sont à éviter.

Alysia Montano, médaillée de bronze aux championnats du monde de Moscou et Daegu sur 800 m, avait fait parler d’elle en prenant le départ de la finale du 800 m au championnat américain à cinq et huit mois de grossesse.

Crédits : https://gotracktownusa.com/inside_track/2015/04/alysia-montano-olympian-inspired-motherhood/

En l’absence de contre-indication médicale ou obstétricale, toutes les femmes enceintes sont encouragées à rester physiquement actives pendant au moins 150 minutes par semaine en réalisant une activité aérobique d’intensité modérée.

L’exercice aérobique d’intensité modérée tout au long de la grossesse est connu pour avoir comme conséquence des taux réduits de césariennes,une incidence plus faible du diabète gestationnel et des problèmes de tension artérielle.

C’est un peu différent pour les athlètes : certaines études suggèrent que les athlètes enceintes peuvent rencontrer plus de risques de fausse couche, naissance prématurée, un accouchement plus long, des dysfonctionnements du plancher pelvien ainsi que des douleurs au bas du dos.

Une information importante à prendre en compte : le drainage de calcium du squelette maternel pendant la fin de la grossesse et la perte de calcium due à la production de lait maternel pourrait potentiellement entraîner un risque accru de fractures de fragilité pendant la période post-partum.

Évidemment, il y a toujours quelques exceptions : Marit Bjørgen est une skieuse de fond norvégienne. Elle s’est entraînée pendant sa grossesse, a donné naissance à un bébé en bonne santé, a remporté quatre médailles au Championnat du monde suivant et est devenue l’athlète la plus couronnée de tous les temps aux Jeux olympiques d’hiver en février 2018. Malheureusement, elle a subi deux fractures de stress au niveau du sacrum pendant sa période post-partum.

Crédits: https://www.eurosport.fr/ski-de-fond/pyeongchang/2018/huitieme-titre-olympique-pour-marit-bjoergen-record-egale_sto6653741/story.shtml

L’exercice intensif à 90 % de la fréquence cardiaque maximale maternelle, en particulier dans les conditions chaudes et humides, pourrait entraîner une situation hypoxique pour le fœtus. C’est également le cas pour l’entraînement intensif en altitude de 1500 à 2000m en raison de la diminution de la saturation en oxygène artériel fœtal.

Les chercheurs se font rares dans le domaine de l’entraînement de haute intensité pendant la grossesse, cependant Karel se distingue avec des résultats intéressants : ses recherches ont indiqué que les athlètes féminines peuvent s’entraîner en toute sécurité à des intensités élevées tout au long des grossesses simples (sans complications). En fait, les femmes bien entraînées peuvent bénéficier de l’entraînement à des volumes élevés pendant la grossesse, car, lors de son étude, ce dernier n’aurait pas menacé la santé de la mère ou du fœtus et a même maintenu la condition physique initiale chez les athlètes enceintes permettant un return to play plus rapide. 

 

Entraînement anténatal 

L’entraînement anténatal pourrait permettre d’accélérer le return to play et de diminuer le risque de blessure en post-partum. Plusieurs éléments sont à prendre en compte :

  • État psychologique de la maman, complications durant la grossesse, santé de la mère et du foetus.
  • Mouvement spécifique au sport que l’athlète devra réaliser en revenant de sa grossesse. Adapter en fonction du type de mouvement.
  • La condition physique.

En plus d’un entraînement afin de maintenir la force musculaire une approche spécifique au sport visant à conserver les schémas neuromusculaires peut s’avérer efficace pour le maintien de performance par la suite : lors du troisième trimestre lorsque les femmes se tiennent debout elles démontrent une activation accrue sur l’EMG (électromyographie : mesure de l’activité musculaire) des muscles extenseurs lombaires et pelviens. Ces éléments montrent comment les muscles extenseurs du tronc développent des réponses adaptatives à l’augmentation du volume abdominal. Comprendre toutes les adaptations musculaires du corps de la femme permettra d’axer les exercices en fonction de son sport et de ses capacités.

L’entraînement sans impact est à privilégier tout de même en fin de grossesses en raison des potentiels dysfonctionnements du plancher pelvien. Il est également important de prendre en compte que les femmes enceintes peuvent se retrouver essoufflées plus rapidement à cause de l’augmentation du volume sanguin nécessaire à l’apport d’oxygène et de nutriment pour le fœtus.

 

Nouvelles technologies :

Les nouvelles technologies vont surtout s’axer afin de « tracker » le cycle menstruel des athlètes, car il s’avère que cela peut aider notamment à prévenir le risque de blessure, en effet : les femmes possèdent plus de risques de se blesser au ligament croisé antérieur lors de la première moitié du cycle.

Voici différentes applications permettant de tracker son cycle menstruel :

Cycle tracking d’Apple : Compatible avec l’Apple Watch et facile d’utilisation, la combinaison téléphone + montre peut être une bonne option pour avoir son suivi quotidien.

Crédits : https://support.apple.com/fr-fr/HT210407

Clue : Il s’agit de l’une des applications de tracking du cycle menstruel la plus populaire qui saura surement satisfaire la majorité. 

Crédits : https://helloclue.com

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