Acute : Chronic Workload Ratio: un outil afin de sécuriser le retour des athlètes

Publié le : 25 août 2019 à 11h54

Réédité le: 19 Avril 2020 à 11:00

Article rédigé par Nathan Touati et Antoine Frechaud

 

Après la période de rééducation, les athlètes sont renvoyés à la compétition le plus tôt possible, mais comment savoir s’ils sont réellement prêts à supporter des telles charges de travail qui en découlent ? Beaucoup de technologies permettent d’évaluer la condition physique des sportifs tel que des GPS ou des tests d’efforts. Dans cet article nous allons voir une méthode statistique permettant d’estimer le risque de blessure lors de retour à la compétition : l’acute/chronic workload ratio (ratio de la charge aiguë de travail sur la charge chronique).

Le RTP:

Récemment, la définition du RTP a été décrite comme la continuité de différentes étapes :

OFR (On field rehabilitation) : il s’agit de la rééducation se réalisant sur la surface sur laquelle l’athlète à l’habitude de pratiquer son sport. Il ne s’entraîne pas encore avec le reste de l’équipe.

RTT (Return to training) : C’est le retour à l’entraînement avec l’équipe.

RTP (Return to play) : L’athlète en question, reprends donc les entraînements et les compétitions, comme un joueur « normal »

RTPerf (Return to performance) : Lorsque l’athlète retrouve ou améliore son niveau de performance.

 

Crédits: NeuroXtrain

Nous allons voir à présent quels sont les signes permettant de sécuriser un maximum le retour à la compétition.

Un des premiers composants à prendre en considération est de s’assurer avec certitude que le joueur est capable de faire face aux demandes et charges de travail lors des entraînements et des matchs. Il faut savoir qu’une rapide et excessive augmentation de la charge de travail à laquelle les athlètes sont exposés peut avoir de graves conséquences sur leur santé. Sur le graphique suivant, nous pouvons observer les rapports entre charge de travail et incidence de blessures :

Crédits: Gabbett et al.

L’incidence des blessures est proportionnelle à la charge de travail.

 

Un petit peu d’histoire :

En 1975, Banister et al.  ont suggéré que « la performance d'un athlète en réponse à l'entraînement peut être estimée à partir de la différence entre une fonction négative (« fatigue ») et une fonction positive (« condition physique »). S'appuyant sur le modèle de Banister, il a été suggéré plus tard que le stimulus d'entraînement idéal est celui qui maximise la performance en utilisant une charge d'entraînement appropriée, tout en limitant simultanément les conséquences négatives de l'entraînement (c.-à-d. blessures et fatigue). Par conséquent, il est important pour les praticiens de comprendre et de surveiller la charge d'entraînement afin qu'ils puissent évaluer les niveaux de forme physique passés et actuels de leurs athlètes.

Blanch et Gabbett. ont récemment introduit le concept de l’ACWR (Acute Chronic Workload Ratio) afin d’évaluer le risque de blessure par rapport à la charge de travail réalisée.

Le ratio décrit « l’acute training load » (charge de travail aigu) sur la « chronic workload » (charge de travail chronique).

La charge de travail aiguë représente donc le niveau de « fatigue » de l’athlète alors que la charge de travail chronique se définit comme la « capacité physique ». Le ratio consiste donc à évaluer l’état de fatigue de l’athlète par rapport à ses capacités physiques. Les résultats obtenus permettent d’évaluer dans quelle zone l’athlète se trouve afin d’estimer son risque de blessure :

Crédits: Gabbett et al.

< 0.80: l’athlète est sous entraîné : il encoure un risque de blessure accru.

0.80 – 1.30 (Charge de travail optimale- risque de blessure minimisé – “The Sweet Spot”).

> 1.50 (Zone de danger – Risque de blessure important pour l’athlète)

 


Blanch et Gabbett ont établi un tableau visant à évaluer les pourcentages de risques de blessures:

Crédits: Gabbett et al.

Par exemple, un athlète qui a suivi, sur la semaine écoulée, 100 % de la charge prévue par les entraîneurs (acute workload = charge aiguë), mais qui sur les 4 dernières semaines en conséquence de la rééducation et/ou de la réathlétisation n’a en moyenne soutenue que 30 % de la charge programmée (chronic workload = charge chronique). Il s’expose donc à une probabilité de blessure de l’ordre de 61.4 % sur la semaine suivante s’il se met en situation compétitive.

À noter qu’une charge d’entrainement augmentée de plus de 15% par rapport à la charge de la semaine précédente élève le risque de blessure entre 21 et 49%. Une augmentation hebdomadaire de la charge d’entrainement inférieure à 10% est recommandée.

 

Mais comment le calculer ?

 La rationalisation de la charge d’entraînement repose sur deux grands types de paramètres :

 

  • la charge externe correspond aux caractéristiques de l’exercice (intensité, volume), pouvant être mesurée par des paramètres comme la distance totale parcourue, le temps total d’entraînement, le % d’une répétition maximale (RM), le nombre et l’intensité des sprints, mais également les nouveaux outils tels que des accéléromètres tridimensionnels, GPS, capteurs de puissance …

 

  • la charge interne qui est définie comme l’ensemble des adaptations aiguës et chroniques (positives ou négatives) de l’organisme à la charge externe. Cette dernière est souvent appréhendée par les variables psychométriques (RPE : rate of perceived exertion, échelle de Borg …) ou les variables physiologiques et biologiques (fréquence cardiaque, lactatémie, concentration en créatine-kinase [CK]...).

 

Suite à ces deux composantes, plusieurs modèles se mettent en place afin d’établir le ratio :

  • Celui de Banister et al.: utilisant le training impulse (« TRIMP »). Il s’agit d’un indice  permettant de quantifier la charge d’entraînement de l’athlète en prenant en compte le volume et l’intensité de la charge à partir de l’évolution de la fréquence cardiaque (maximale,repos et durant l’exercice). Voici la formule de ce dernier :

 

TRIMP (Unité arbitraire)= Durée d’entrainement (min) X fréquence cardiaque moyenne durant l’exercice (bpm)

 

Ce modèle possède tout de même ses limites lors de réalisation d’exercices maximaux et supramaximaux puisque l’intensité varie et donc la fréquence cardiaque aussi. En effet, un athlète qui travaille à haute intensité de manière intermittente peut se retrouver avec le même TRIMP qu’un athlète ayant réalisé un effort beaucoup plus long mais beaucoup moins intense.

 

  • Une autre méthode est celle de Foster qui estime la charge d’entraînement à partir de la difficulté subjective de la séance (RPE) en la multipliant par sa durée (min). Cette dernière présente la possibilité de quantification d’activités et d’intensités très variées et peut également se comporter comme un indicateur de surentrainement. Le résultat serait donc comptabilisé comme des unités arbitraires.

 

Ex :  Admettons qu’un athlète ait signalé un RPE de 6/10 et s'est entraîné pendant 100 minutes, la charge de travail de l'athlète pour la journée serait de 600 unités arbitraires (UA) (6 x 100 = 600). Si l'athlète s'entraînait deux fois en une journée (p. ex. une séance technique et une séance de renforcement), la charge de travail de ces deux séances serait additionnée pour calculer la charge de travail aigüe pour cette journée donnée (p. ex. 600  + 800 = 1 400 UA). Ce processus devrait être reproduit pour chaque athlète, et pour chaque jour d'entraînement et de match.

La charge de travail chronique est généralement la charge de travail moyenne de 4 semaines (28 jours). Cette valeur est importante, car elle fournit une indication claire de ce qu'un athlète a fait avant le présent jour d'entraînement ou de match. Par conséquent, il est généralement considéré comme une indication de la «forme ou capacité physique» d'un athlète. Par exemple, admettons qu'un athlète avait une charge de travail hebdomadaire moyenne (aigu) composée des données suivantes :

 

Semaine 1 - 1400 UA

 

Semaine 2 - 1200 UA

 

Semaine 3 - 1800 UA

 

Semaine 4 - 1600 UA

 

Dans ce cas, la valeur chronique de la charge de travail sur 4 semaines serait la moyenne de ces quatre charges de travail (1400 +1200 +1800 + 1600 / 4 = 1500 AU). Il s'agit d'un exemple simple de ce que représente la charge de travail chronique sur 4 semaines, mais il est important de comprendre qu'une valeur chronique de la charge de travail sur 3 semaines (21 jours) est également couramment utilisée.

Le ratio serait alors de 1400/1500 soit 0.93. Si nous reprenons le schéma vu précédemment, l’athlète se trouverait alors dans la zone dans laquelle le risque de blessure est minime.

Ce ratio se présente comme un outil de rééducation et de réathlétisation très intéressant afin d’évaluer l’état de l’athlète afin de sécuriser son RTP et de minimiser les risques de blessures. Il peut s’inscrire dans le programme d’évaluation des risques avec les tests isocinétiques, les indicateurs de sommeil, etc. afin de réaliser une évaluation globale et complète.

Cependant il est important de noter que les statistiques présentent leurs limites :

  • Ce modèle est soumis à un paradoxe conséquent : Il existe bel et bien une relation entre l’entrainement à haute intensité et l’incidence de blessure. Pourtant, une très bonne condition physique s’obtenant à partir d’entrainement à haute intensité réduit le risque de blessure.
  • Il est basé sur des données subjectives : les athlètes ne vont pas forcément toujours dire la vérité.

 

Tout le contenu de cet article est présenté à titre informatif. Il ne remplace en aucun cas l’avis ou la visite d’un professionnel de santé.

 

Sources :

Gabbett, T., 2016. The training—injury prevention paradox: should athletes be training smarter and harder?.British Journal of Sports Medicine, 50(5), pp.273-280 Articles sous licence Creative Commons 4.0 à usage non commercial: Modifications apportées: Traduction. https://creativecommons.org/licenses/by-nc/4.0/

Buckthorpe M. Progressive loading and managmeent during the On-Field Reconditionning. 2018.

Sedeaud A., J.M. Sène, N. Krantz, G. Saulière, I. Moussa, J.F. Toussain. L’importance de la quantification de la charge d’entraînement : exemple d’un modèle.

 

 

 

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