Tendons et tendinopathies: description, guérison et traitements

Publié le : 22 juin 2019 à 21h22

Réédité le 26 Juillet 2020 à 10h18

Article rédigé par Antoine Frechaud et Nathan Touati

 

Dans cet article, nous allons étudier le tendon, source de blessures, mais également de grandes performances grâce à sa capacité élastique, primordiale pour le retour d’énergie. L’article sera divisé en plusieurs parties, tout d’abord une description générale du tendon, une partie sur les tendinopathies et le mécanisme de guérison et pour terminer nous verrons les traitements actuels et en développement.

Descritpion générale

Le tendon est un « pont mécanique ». Il permet la transmission de la force musculaire aux os et aux articulations, d’autre part il permet la contraction du muscle pour réaliser le mouvement souhaité. Il existe différents types de tendons qui reflètent la morphologie du muscle et leur fonction spécifique. Le tendon n’est pas seulement la zone terminale ou initiale de chaque muscle, mais implique le tissu musculaire entier.

Les tendons sont plus rigides que les muscles, ont une plus grande force de tension et peuvent résister à de très grandes charges avec des déformations minimales. Cette propriété des tendons rend les muscles capables de transmettre des forces aux os sans engendrer de trop grandes pertes d’énergie. Par exemple, les tendons fléchisseurs du pied peuvent supporter plus de 8 fois le poids corporel et stocker environ 40 % de ce poids pour une hystérèse élastique pendant la marche.

Le tissu tendineux peut adapter sa structure cellulaire sous des stimuli physiologiques (entrainement) ou pathologiques (traumatismes), selon l’environnement hormonal systémique et l’âge.

Crédits: Lipman et al. 2017

Tendinopathies

Définition : Les tendinopathies regroupent les affectations douloureuses au niveau du tendon.

Les propriétés mécaniques du tendon sont déterminées par l’organisation structurale macromoléculaire et la composition biochimique de la matrice extracellulaire (MEC). Lorsqu’un tendon est chargé, l’étendue de la déformation tissulaire dépend de la vitesse à laquelle la charge est appliquée.

À faibles contraintes (tension), les tendons se déforment davantage et absorbent plus d’énergie, tandis qu’à contraintes élevées les tendons se déforment moins, deviennent plus rigides et sont plus efficaces pour transporter la charge mécanique (voir schéma ci-dessous). Pendant l’activité physique, les tendons emmagasinent l’énergie élastique lorsqu’ils sont étirés et libèrent cette énergie au fur et à mesure qu’ils se raccourcissent.

Au fur et à mesure que les tendons sont étirés, les liaisons non covalentes entre les résidus d’acides aminés sont rompues, ce qui dégage de l’énergie sous forme de chaleur. Dans les situations d’étirement cyclique à haute fréquence, certaines régions du tendon peuvent ne pas être en mesure de dissiper efficacement cette chaleur. Ceci cause potentiellement une dénaturation irréversible des protéines de la matrice et peut mener à une tendinopathie ou à la rupture aigüe du tendon.

Crédits : Université Laval

Les déformations inférieures à 4 % de la longueur du tendon permettent généralement au tendon de revenir à sa longueur d’origine une fois la charge réduite, mais au-dessus de 4 % de déformation, les fibres de collagène peuvent commencer à se fragiliser, et au-delà de 8 %, le tendon est susceptible de se rompre.

Crédits : Zilter et al. Revue Médicale Suisse.

Les blessures aux tendons représentent 30 à 50 % de toutes les blessures dans le sport.

Il a été démontré que le nombre total d’heures consacrées à la pratique sportive est un facteur de risque connu pour développer une tendinopathie rotulienne chez les joueurs de football d’élite.

 

Quelles sont les différences entre tendon sain et pathologique ?

Plusieurs éléments sont caractéristiques de la tendinopathie au niveau cellulaire comparé aux tendons sains, les tendons tendinopathiques ont :

  • Une désorganisation marquée et séparation des fibrilles de collagène avec une augmentation concomitante de la substance fondamentale mucoï

 

  • Le diamètre des fibrilles de collagène est plus variable et une teneur accrue en collagène de type III contribue à la faiblesse mécanique du tendon malade.

 

  • Les fibroblastes tendineux adoptent un aspect arrondi plutôt qu’aplati et ont tendance à être répartis de manière inégale dans le tissu.

 

  • Une autre caractéristique de la tendinopathie est la néovascularisation avec des capillaires envahissant le tendon depuis le paratenon (gaine de protection qui entoure le tendon). Ces capillaires sont généralement accompagnés par la croissance de fibres nerveuses sensorielles qui libèrent des substances nociceptives et déclenchent de la douleur.

 

  • Enfin, il n’y a pas d’infiltration de cellules inflammatoires dans le tendon proprement dit, bien qu’une inflammation puisse être observée au sein du tissu péritendineux.
Crédits : Mead et al. 2017

Mécanisme de guérison

Ce processus comporte trois étapes qui se chevauchent :

(1) inflammation ;

(2) prolifération cellulaire et

(3) Remodelage de la MEC.

 

La phase inflammatoire commence avec la formation d’un hématome peu de temps après la blessure. Les cellules sanguines, telles que les plaquettes, les neutrophiles, les monocytes et les érythrocytes, sont attirées sur le site de la lésion par les cytokines pro-inflammatoires. Les composants de la MEC, principalement le collagène de type III, sont synthétisés par des fibroblastes recrutés. Ensuite, des facteurs angiogèniques sécrétés initient la formation d’un réseau vasculaire responsable de la stabilisation préliminaire du site de la lésion.

 

Après quelques jours, la phase de prolifération se déroule accompagnée de la synthèse abondante de composants de la MEC tels que les protéoglycanes et les collagènes (principalement le collagène de type III), qui sont disposés de manière aléatoire. D’autres dispositifs de cette étape sont la cellularité accrue (densité cellulaire) et l’absorption de grandes quantités d’eau.

 

La phase de remodelage inclut deux sous-étapes ; elle commence six à huit semaines après la blessure et prend environ un à deux ans, selon l’âge et l’état du patient. La première sous étape, la consolidation, se caractérise par une diminution de la cellularité et de la production matricielle, car le tissu devient plus fibreux notamment grâce au remplacement du collagène de type III par le collagène de type I. Ces dernières commencent alors à s’organiser le long de l’axe longitudinal du tendon, rétablissant ainsi sa rigidité et sa force de tension.

Après environ dix semaines, le stade de maturation se produit, qui comprend une augmentation des liaisons croisées de collagène et la formation d’un tissu tendineux.

 

En général, la guérison des tendons est composée de deux mécanismes qui se chevauchent : la guérison extrinsèque et intrinsèque.

  • La guérison extrinsèque a lieu avant la guérison intrinsè Elle implique l’invasion des cellules inflammatoires de la périphérie au site de dommages, qui à son tour synthétisent la matrice initiale de collagène et favorisent le processus de réparation.

 

  • La guérison intrinsèque contribue au processus de réparation par le recrutement et les cellules souches/progénitrices locales. Le tendon guéri ne retrouve généralement pas les propriétés mécaniques du tissu non blessé. La force réduite du tissu cicatriciel comparé au tendon indigène résulte d’une intégration réduite des fibres de collagène avec un rapport plus élevé de type III de collagène (diamètre plus petit) au collage de type I.

 

En conséquence, le tendon s’épaissit et se raidit pour surmonter la force mécanique inférieure et, par conséquent, la qualité du tendon et son activité fonctionnelle sont réduites.

 

Traitements

 

Traitement

Effets proposés

Résultats

Conservatif  

Exercices excentriques

Promotion de la réorganisation du tissu avec des améliorations au niveau de la structure du tendon et des propriétés mécaniques.

Résultats positifs incluant une douleur réduite,

une amélioration de la force, et une réduction de temps en dehors de la

compétition.

AINS

Réduction de la douleur et de l'inflammation durant la guérison du tendon.

Résultats à court terme positifs pour la douleur.

 

Bénéfices à long terme non-significatifs

 

Potentiel d’inhibition d’une guérison « normale »

Corticostéroïdes

Réduction de la douleur et de l’inflammation dans le tissu péritendineux.

Résultats à court terme positifs pour les améliorations fonctionnelles et la douleur.

 

Bénéfices à long terme limités ou inexistants.

 

Risque de complication.

Oxyde nitrique (1)

Augmente la prolifération des tenocytes et la synthèse du collagène.

Bénéfices ne sont pas évidents à court terme comme à long terme.

Prolothérapie (2)

Irritation cellulaire pour favoriser l’inflammation.

Insuffisant nombre d’études pour démontrer des améliorations.

PRP (Plasma Riche en Plaquettes)

Augmente la quantité de factures de croissance et de cytokines.

Insuffisant nombre d’études pour démontrer des améliorations.

Opératif

Ténotomie percutanée longitudinale (3)

Favorise la régénération cellulaire et l’angiogenèse.

Résultats à long terme positifs avec un minimum de complication.

Microténotomie percutanée ultrasonique (4)

Évacuation du tissu pathologique.

Réduction des symptômes de la douleur sur un suivi de 3 ans.

 

Notes:

(1)  : Les thérapies à l’oxyde nitrique sont devenues de plus en plus populaires ces dernières années pour la gestion des tendinopathies. L’approche la plus courante consiste à administrer par voie transdermique de la nitroglycérine dans la zone concernée, où elle est convertie en oxyde nitrique bioactif par l’oxyde nitrique synthase endogène. Aux niveaux cellulaire et moléculaire, l’oxyde nitrique augmente la prolifération des ténocytes et la synthèse du collagène, tandis que l’inhibition de l’oxyde nitrique synthase diminue la surface en coupe transversale des tendons en cicatrisation et réduit la charge mécanique nécessaire à la défaillance des tendons.

(2) : La prolothérapie consiste en l’injection d’une solution irritante dans, ou autour du tendon touché

(3) : La ténotomie percutanée longitudinale est une procédure au cours de laquelle le chirurgien effectue une ou plusieurs incisions parallèles à l’axe longitudinal du tendon.

(4) : La microténotomie percutanée ultrasonique est récemment devenue disponible comme méthode pour traiter les tendinopathies. Utilisant l’énergie ultrasonique, cette technique à pénétration minimale (« minimally invasive method » permet de débrider le tissu pathologique via une aiguille placée dans le tendon.

 

Illustration : Prolothérapie + PRP

Crédits: Docteur Mouly Phillipe

Ondes de chocs : les ondes de chocs semblent également procurer de très bons résultats dans le traitement des tendinopathies du tendon d’Achille chroniques notamment au niveau de la fonction et de la douleur sans forcément entrainer d’effets indésirables.

 

Conclusions :

  • La réadaptation, avec un accent sur l’entrainement excentrique, devrait être une thérapie de première ligne dans le traitement du tendon.

 

  • Les AINS peuvent être utilisés pour un soulagement symptomatique à court terme. Cependant, l’utilisation prolongée devrait être évitée en raison du risque de complications et de l’absence de bénéfices à long terme prouvé

 

  • Les autres thérapies comprennent la prolothérapie, les injections de PRP et les patchs d’oxyde nitrique. Les données pour ces dernières ne sont pas concluantes, mais leurs effets indésirables sont faibles et peuvent donc être recommandés pour les athlètes qui échouent le traitement de première intention.

 

  • Les corticostéroïdes doivent être utilisés avec prudence dans le traitement des troubles de la douleur du tendon, car leur utilisation peut augmenter le risque de rupture spontané

 

  • La chirurgie devrait seulement être poursuivie quand les mesures conservatrices ont échoué ou si une lésion pathologique évidente nécessitant une intervention chirurgicale est présente dans le tendon.

 

Recommandations pour les tendinopathies en kinésithérapie :

Crédits: NeuroXtrain

Les nouvelles technologies concernant l’accélération de la guérison des tendinopathies restent limitées par la biologie complexe du tendon. Récemment, il a été découvert que les tendons possèdent, similairement aux autres tissus mésenchymateux, des cellules souches tendineuses/progénitrices [TSPCs].

L’enjeu des nouvelles technologies dans le tendon viserait donc à comprendre et agir au niveau biologique par la thérapie génétique favorisant la production de facteurs de croissance, ou de cellules souches permettant la reconstruction du tendon. Ces approches sont encore en cours de développement.

 

Tout le contenu de cet article est présenté à titre informatif. Il ne remplace en aucun l’avis ou la visite d’un professionnel de santé.

  

Sources :

Lipman K, Wang C, Ting K, Soo C, Zheng Z. Tendinopathy: injury, repair, and current exploration. Drug Des Devel Ther. 2018; 12:591 – 603. Published 2018 Mar 20. doi:10.2147/DDDT.S154660. Creative Commons Attribution – Non Commercial – unported, v3.0 – License.

Mead MP, Gumucio JP, Awan TM, Mendias CL, Sugg KB. Pathogenesis and Management of Tendinopathies in Sports Medicine. Transl Sports Med. 2018; 1 – 1 – :5–13. doi:10.1002/tsm2.6

3 Commentaires

thib

Merci à vous, très instructif. Je suis menuisier, et on dirait bien qu'à a peine 32 ans beaucoup de dégâts faits faute de comprendre leur fonctionnement... dommage ! On devrait plus expliquer la morphologie et etapes d'usure comme vous le faites plutôt de parler de concept très relatifs de posture et intensités d'effort...

Mj

Incroyable acticle

Yvan Campbell

Super article messieurs, bien écrit et bien étouffé, good job comme on dit ici au Québec !

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