Optimiser le retour au sport après une tendinopathie d’Achille

Publié le : 6 avril 2021 à 21h58

Article rédigé par Thibaut Garçon

 

La tendinopathie d’Achille est une blessure commue que ce soit dans le monde du sport de loisir ou professionnel. Les principales raisons participant à son développement résident entre autres dans une surutilisation de l’ensemble du triceps sural (lors de la course à pied, de saut, ou de changements de direction …) pouvant entrainer une absence prolongée de la pratique sportive, et peuvent même mettre fin à la carrière de près de 5 % des athlètes professionnels. La douleur est le plus souvent localisée au niveau de la partie moyenne du tendon d’Achille avec une sensibilité accrue au toucher.

Des taux de récidive aux alentours de 27 % ont été rapportés dans la littérature, en particulier chez des sportifs ayant adopté des périodes de récupération trop courtes (0-10 jour) (2). Ces résultats pourraient être liés du fait que, bien que les symptômes aient complètement disparu, les déficits de la fonction musculo-tendineuse peuvent encore persister, ce qui expose l’athlète à un risque de réapparition de la pathologie. De ce fait il faut alerter tout professionnel de santé sur le risque de récidive élevé et d’une attention très particulière à adopter pour des athlètes atteints de tendinopathie d’Achille. Un suivit après la rééducation avec un programme de prévention adapté est une démarche thérapeutique importante à entreprendre.

Il est donc primordial que la décision de retour au sport (Return To Sport ou RTS dans la littérature scientifique) soit prise avec soin, sur la base de multiples facteurs et avec la participation de tous les acteurs concernés (athlète, médecins, coach, kinésithérapeutes …).

 

 

Comment définir le RTS (Return to sport) dans le cadre d’une tendinopathie d’Achille ?

Après avoir évalué le patient et diagnostiqué la tendinopathie d’Achille, la prise en charge initiale est basée sur un programme le plus souvent conservateur (hors cas particuliers de douleurs persistantes, atteintes connexes à la tendinopathie). Le programme doit être le plus global possible et respecter les attentes du sportif en fonction du type de tendinopathie. (voir notre article « Revue du modèle du “continuum” des tendinopathies et ses implications cliniques » en lien avec ce sujet).

 

Il faut donc penser, après cette première phase de rééducation, au retour du sportif dans son environnement. Le RTS est en lien étroit avec le RTP (Return To Play) et peut être considéré comme l’une des étapes de ce dernier lors du début de retour aux entrainements et la transition jusqu’au retour à la compétition. Le RTS peut être défini de plusieurs manières. Afin de comprendre les enjeux et les critères permettant de valider le RTS de manière efficiente et en toute sécurité, l’image ci-après vous explique les grandes parties du RTS.

 

Définition du RTS, issu des travaux de Habets et ses collaborateurs (2018) et adapté par NeuroXtrain

 

De manière plus spécifique, l’« Absence de douleur » est l’un des critères prioritaires à inspecter chez les athlètes et notamment le fait de retrouver un niveau d’activité physique souhaité sans douleur résiduelle, d’adapter le RTS en fonction des compétences avant la blessure, de ne pas « en demander trop ». Enfin « optimiser la rééducation » avec une prise en charge la plus rapide possible et en adaptant cette dernière pour minimiser le risque de récidive puis passer au retour au sport de l’athlète avec des bases solides.

 

Optimiser le RTS

Après avoir défini qu’est-ce que le RTS, il est maintenant temps de savoir comment favoriser ce retour dans les meilleures conditions et comment objectiver cette reprise sans risque majeur.

Les différentes étapes peuvent être scindées en sous-partie dont les principales catégories vous sont détaillées en suivant (1) :

 

Douleur :

Une grande variabilité d’indicateurs permet de quantifier le niveau de douleur acceptable pour un RTS. Les valeurs retenues peuvent être de 1 à 2 sur une échelle numérique de 0 à 10 lors des activités de la vie quotidienne ou encore un maximum de 30 mm sur une échelle EVA de 0 à 100 mm lors de l’activité sportive pratiquée. La douleur ne doit pas être en augmentation pendant l’effort.

 

Entrainement fonctionnel :

Le fait de compléter un entrainement dans son ensemble, de maitriser des gestes ou des capacités propres au sport caractérise cet entrainement fonctionnel. Certains auteurs généralisent une marche fonctionnelle si l’on peut marcher à une vitesse d’environ 6,5 km/h sur une distance de plus de 15 km en cumulé chaque semaine.

 

Gain de force musculaire :

Un retour à une force complète, comparable au côté sain avec une absence d’asymétrie reste primordial pour évaluer une force musculaire adéquate. L’asymétrie de force des membres inférieurs peut être également calculée avec un index qui inclue certains tests fonctionnels (Hop test, Star exécution balance test…, voir plus d’informations sur le lien disponible dans la section source de l’article (3)) et la différence doit être au maximum de 10% entre les deux membres inférieurs. La force du triceps sural ne doit en aucun cas être négligée et reste un marqueur fort de reprise ou non.

 

Gain des amplitudes articulaires :

Les amplitudes articulaires de la cheville doivent être comparables au côté sain et doit être mesurées en prenant comme référence le membre sain également, certains tests simples à mettre en place permettent de quantifier la mobilité de cheville notamment de test de Lunge (ou test de mesure centimétrique de la distance orteil-mur en charge).



Endurance cardio-vasculaire et endurance musculaire du membre inférieur blessé :

De manière très générale, l’athlète se doit retrouver une endurance cardio-respiratoire identique à son état pré-blessure et si les équipements le permettent, essayer de calculer cette endurance via des épreuves d’effort en centre ou adapter en cabinet ou dans un centre sportif (via les constantes présentes sur des vélos, tapis de course en demandant un objectif et vitesse ou distance par exemple). De plus, et pour être plus spécifique au tendon d’Achille, le test de montée sur la pointe des pieds unipodal sur la jambe lésée doit être au minimum de 20 répétitions (sur 3 séries) pour quantifier une endurance du triceps sural correcte.

 

Propriétés anatomiques/physiologiques du complexe musculo-tendineux :

Différents aspects du tendon doivent être pris en compte afin d’entreprendre un RTS optimal. Comme dans n’importe quelle pathologie, il faut s’assurer de la bonne cicatrisation du tendon et si possible se doter d’appareils en imagerie de type ultrasons ou de consulter un centre de radiologie adapté. D’autres indicateurs peuvent orienter la bonne cicatrisation comme l’absence de douleur, de gonflement ou du ressenti propre de l’athlète. Enfin, les capacités proprioceptives doivent être égales au côté sain.

L’ensemble de ces sous-parties représentent les axes à mettre en place au fur et à mesure de la rééducation. Il faut ajouter à cela que le RTS ne peut être optimal qu’avec une prise en charge progressive en collaboration étroite avec le patient, médecin ou coach pour une alliance thérapeutique efficace. Les données psychologiques doivent aussi être des éléments à inspecter comme les objectifs de l’athlète ou la confiance vis-à-vis de sa blessure et de son RTS. En l’absence d’éléments contre-indiquant le retour au sport comme un gonflement trop important, une sensibilité au toucher trop importante par exemple lors de nos examens cliniques ou d’autres marqueurs (maladie, perturbations vasculaires…) demandant des investigations spécifiques, le RTS se doit de suivre les éléments indiqués ci-dessous pour permettre un retour aux terrains et ainsi finir la phase de rééducation et entamer une nouvelle phase, celle de la réathlétisation.

Résumé des objectifs du RTS, élaboré en lien avec les travaux de Habets et ses collaborateurs (2018), adaptés par NeuroXtrain

 

Conclusion

La tendinopathie d’Achille reste comme tout autre tendinopathie, une pathologie complexe et nécessite une vigilance toute particulière dans la gestion de la charge de travail et de sa rééducation. Toute notre prise en charge initiale doit permettre un retour au sport (RTS) dans un environnement sain pour l’athlète et éviter les récidives.

Actuellement, les décisions pour le RTS dans le cadre des tendinopathies d’Achille (dans sa partie moyenne essentiellement) semblent être basées sur de multiples critères, qui sont tous liés au niveau de la douleur, au niveau des mouvements fonctionnels, de la force musculaire, de l’amplitude du mouvement, de l’endurance, de l’avis médical, des facteurs psychosociaux et des propriétés anatomiques/physiologiques du tendon d’Achille. Il est important d’ajouter que, pour la plupart des critères que nous avons identifiés, aucun consensus clair n’ait été donné à l’heure actuelle, ce qui limite leur utilisation pratique.

 

Tout le contenu de cet article est présenté à titre informatif. Il ne remplace en aucun cas lavis ou la visite dun professionnel de santé.

 

Sources :

(1) Habets, B., van den Broek, A. G., Huisstede, B. M. A., Backx, F. J. G., & van Cingel, R. E. H. (2017). Return to Sport in Athletes with Midportion Achilles Tendinopathy : A Qualitative Systematic Review Regarding Definitions and Criteria. Sports Medicine, 48(3), 705‑723 - Article sous License Creative Commons 4.0 BY

(2) Gajhede-Knudsen, M., Ekstrand, J., Magnusson, H., & Maffulli, N. (2013). Recurrence of Achilles tendon injuries in elite male football players is more common after early return to play : an 11-year follow-up of the UEFA Champions League injury study. British Journal of Sports Medicine, 47(12), 763‑768.

(3) Lien annexes (Limb symmetry index) : https://www.matassessment.com/blog/lsi

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