Organisation pluridisciplinaire autour de la santé de l’athlète : relations entre entraîneurs, sportifs et staff médical

Publié le : 29 novembre 2020 à 09h50

Article rédigé par Nathan Touati et Antoine Fréchaud

Alors que les bienfaits pour la santé d'un exercice physique modéré ont été le sujet de nombreuses études durant ces dernières années, la hausse de l’intensité et du volume d'entraînements/compétitions au niveau professionnel augmente considérablement les risques pour la santé physique et mentale de l'athlète.

De nombreux articles de recherche portant sur la surveillance et prévention des blessures, des maladies chez les athlètes ont été publiées au cours des 10 dernières années. En ce qui concerne les blessures et les maladies chez les sportifs pratiquant l'athlétisme, les données sont principalement des études de surveillance lors de grandes compétitions avec comme limitation de ne documenter que les blessures et les maladies pendant la phase de compétition. L'influence des blessures et maladies chroniques (par « chronique », nous entendons une blessure ou maladie présente avant et après la compétition) n'était généralement pas prise en compte. Sur les 2079 athlètes participant aux Jeux olympiques de 2012, 17,7% ont subi des blessures et 10,5% ont déclaré avoir été malade pendant les Jeux olympiques. Une étude de cohorte prospective chez des athlètes professionnels suédois a mis en évidence la prévalence importante des blessures par surutilisation et l'importance de surveiller la santé des sportifs.

Certaines données soulignent que la grande majorité (80%) des sportifs britanniques d'athlétisme sélectionnés pour participer aux Jeux olympiques de Londres 2012 avaient des blessures ou des maladies nécessitant une prise en charge avant, pendant et après les Jeux. Parmi ces athlètes, près de 25% ont subi une intervention chirurgicale au cours de leur carrière sportive et 15% ont subi des interventions chirurgicales après les Jeux. Ces données soulignent l'importance de mettre en place des stratégies appropriées pour gérer la santé des athlètes de manière continue et pas seulement lors des grandes compétitions.

La médecine du sport pour les athlètes professionnels est un défi sur de nombreux fronts et la prise de décision du return-to-play (RTP) est complexe. Creighton et al ont proposé un modèle décisionnel en 3 étapes pour le RTP (état de santé du sportif, évaluation des risques liés à la participation et modifications de la décision) dans le but de clarifier le processus utilisé par les cliniciens lors de la prise de décision du RTP.

L'intégration et la communication entre les disciplines sont des éléments essentiels pour un RTP réussi, afin d’optimiser les performances d’entraînement et de compétition tout en gérant la santé à long terme de l'athlète ce qui, sont souvent deux éléments contradictoires chez le sportif. En effet, de grandes performances nécessitent des entraînements qui ne sont pas forcément bénéfiques pour une bonne santé comme une charge de travail très importante qui exposent le système musculosquelettique aux blessures, une ingestion de quantités excessives de sucres pouvant augmenter les risques de développer du diabète.

Il est bien reconnu que la structure organisationnelle (ex. club) peut également affecter la performance des équipes de manière positive comme négative. L'optimisation de la structure des équipes médicales et des entraîneurs gérant l'athlète doit donc être une priorité stratégique pour tous les clubs et organisations sportives.

 

 

Défis actuels et solutions

Voici quelques exemples de challenges actuels et solution proposés par Dijkstra et al.:

 

Challenge #1 : Les médecins sont employés par des clubs ce qui pourrait influencer leur objectivité lors de prises de décisions cliniques.

Potentielle solution : Définition claire du rôle de « gouvernance clinique  interne » (au sein du club) et « externe » (d’après les organismes de santé nationaux).

Challenge #2 : Dans certains cas, les médecins sont « cliniquement » guidés par des membres de l'équipe non médicale ou des non-cliniciens. Cela conteste potentiellement la confidentialité médicale des athlètes, l'accès aux dossiers médicaux et la responsabilité clinique dite « ultime » (« ultime » se réfère à celui/celle qui disposera du dernier mot).

Potentielle solution : Employer des médecins du sport avec des dispositions contractuelles détaillant leur responsabilité clinique « ultime ».

Challenge #3 : Les managers ou entraîneurs orientent les athlètes vers des services médicaux spécialisés sans impliquer l'équipe médicale / le médecin responsable du club.

Potentielle solution : Le service médical est responsable de tous les aspects médicaux cliniques, y compris le renvoi des athlètes pour des investigations ou des traitements spécialisés. Les athlètes ont droit à plus d'un avis médical ; il est important d'élaborer et de s'entendre sur un protocole / une politique d'orientation claire.

Challenge #4 : L'entraîneur principal influence / régit les décisions cliniques de l'équipe médicale ou du médecin.

Potentielle solution : Dans un environnement dicté par l’excellence des performances, les conseils cliniques ne sont pas toujours écoutés. Le directeur de la performance à qui l'équipe médicale est responsable peut, en collaboration avec l'athlète et après avoir reçu l'avis médical, choisir une voie de traitement alternatif. La procédure et la documentation autour de ce processus doivent être claires. Cependant, il est inacceptable qu'un non-clinicien (entraîneur) prenne / annule des décisions médicales lorsque l'athlète n'a pas la capacité de prendre une décision claire (p. Ex., RTP en cas de commotion cérébrale).

 

Schéma adapté de Dijkstra et al. 2014. Le « modèle de gestion de la santé et du coaching ».

 

Toutes les spécialités opèrent dans les secteurs « SANTÉ » et « PERFORMANCE » (coaching).

La santé (blessures, maladies et prévention) est gérée par des médecins spécialistes en médecine du sport (dirigés par le médecin en chef) en coopération avec les thérapeutes (kinésithérapeutes, ostéopathes, etc) et les scientifiques (préparateurs physiques, nutritionnistes, etc).

Le coaching est géré par l'entraîneur principal.

Les services de santé et de coaching fonctionnent en synergie, mais aussi « de manière indépendante » avec parfois une autonomie appropriée qui doit être respectée.

 

L'équipe autour de l’athlète : relations, rôles et responsabilités.

La relation entre un médecin et un entraîneur est importante pour la réussite des athlètes, en particulier lorsqu'ils participent à des compétitions majeures. Une relation de confiance et de respect mutuel améliorera la qualité de la prise de décision en matière de performance et par rapport à la santé des athlètes.

Les médecins spécialistes en médecine du sport sont les gestionnaires de cas cliniques pour tous les athlètes ce qui est particulièrement important pour les athlètes ayant des problèmes de santé aigus ou chroniques (suivi). Les médecins devraient toujours travailler en collaboration avec une gamme d'autres spécialistes médicaux, thérapeutiques et scientifiques et être soutenus par l'infrastructure comme indiqué ci-dessus.

La majorité des athlètes et des entraîneurs devraient travailler en étroite collaboration avec l'équipe médicale. Les décisions doivent être fondées sur un processus clair tenant compte des aspects sanitaires pertinents et des objectifs de performance individuels spécifiques.

Les auteurs de cette étude pensent que l'équilibre fourni par des médecins du sport et des kinésithérapeutes spécialisés et expérimentés est un élément important pour assurer les meilleurs soins, responsabilisations et résultats possibles sous la direction de la structure. En ce qui concerne plus particulièrement les responsabilités du médecin et du kinésithérapeute, le médecin est responsable du diagnostic et de la prise en charge initiale de la pathologie, des « check-ups » réguliers et de la décision du RTP avec une approche pluridisciplinaire. Le kinésithérapeute est responsable de la rééducation et de la prescription d'exercices nécessaires à la prise en charge des blessures et d'assurer la liaison avec l'entraîneur et le préparateur physique pour assurer une transition appropriée du retour à l'entraînement et à la compétition.

 

Tout le contenu de cet article est présenté à titre informatif. Il ne remplace en aucun cas l’avis ou la visite d’un professionnel de santé.

 

Source:

Dijkstra, H. P., Pollock, N., Chakraverty, R., & Alonso, J. M. (2014). Managing the health of the elite athlete: a new integrated performance health management and coaching model. British journal of sports medicine, 48(7), 523–531. https://doi.org/10.1136/bjsports-2013-093222. Article sous Licence Creative Commons 4.0 CC-BY-NC

 

Écrire un message
* informations obligatoires
(ne sera pas publié)