Lésions musculaires et tendon intramusculaire

Publié le : 30 mai 2021 à 09h26

Article rédigé par Clément Boudot 

 

La vision traditionnelle de l'unité muscle-tendon implique une délimitation distincte entre le corps musculaire et le ou les tendons du muscle menant à son attache osseuse.

L'amélioration de la résolution par IRM et d'excellentes études de dissection anatomique prouvent que dans de nombreux muscles, le tendon s'étend dans le corps musculaire. Le tendon intramusculaire sert de support central auquel s'attachent les fibres musculaires.

Les lésions du corps musculaire peuvent se produire au niveau d'une jonction myotendineuse ou myofascial intramusculaire. Lors de ces lésions, il y’a une rupture des attaches myofibrillaires du tendon intramusculaire, ce qui entraîne des saignements et un œdème. Parfois, la lésion peut également entraîner une déchirure partielle ou complète du tendon intramusculaire lui-même. Cette rupture se produit souvent à la manière d'une fermeture éclair avec l'œdème et le sang qui suivent les fibres musculaires déchirées. Il en résulte un aspect caractéristique sur l'IRM et les échographies en forme de plume d’oiseau.

Crédit: Brukner & Connell BJSM 2016

 

Lorsque le tendon intramusculaire est endommagé, la blessure est considérée comme une déchirure plus grave. Les lésions du tendon intramusculaire des ischio-jambiers ont été associées à des délais de retour au sport prolongés. Il en est de même pour les lésions tendineuses intramusculaires des muscles droit fémoral, gastrocnémien et soléaire.

 

Différence entre tendon extra-musculaire et tendon intramusculaire?

Malgré les similitudes dans la structure collagénique du tendon et du tendon intramusculaire, il existe plusieurs raisons pour lesquelles une blessure du tendon intramusculaire n’est pas analogue à celle du tendon extra-musculaire.

Sur le plan structurel, la section transversale du tendon intramusculaire est sensiblement plus petite que celle du tendon extra-musculaire.

Au niveau histologique, il est peu probable que le tendon intra-musculaire présente les faisceaux fasciculaires bien alignés et la matrice interfasciculaire spécialisée observés dans le tendon extra-musculaire. Le tendon intramusculaire est composé principalement de collagène de type 1, et son organisation est plus réticulaire aux niveaux endomysium, périmysium et épimysium, car il accumule les forces musculaires à partir d'angles de pennation variables (l'angle de pennation est l'angle que forment les fibres musculaires par rapport à l'axe selon lequel le muscle exerce une force de contraction).

Sur le plan fonctionnel, le tendon extra-musculaire peut tolérer des taux de déformation élevés pour stocker et libérer de l'énergie. Les déformations résultantes, qui peuvent atteindre 8 à 10 %, proviennent principalement des mouvements entre les faisceaux de fascicules dans la matrice interfasciculaire, plutôt que des fibres de collagène du tendon elles-mêmes. En revanche, le tendon intramusculaire est considérablement plus rigide, avec des déformations de 2 % à 2,6 % au niveau du triceps sural lors de son activation.

En définitive, l'absence de faisceaux fasciculaires et de matrice interfasciculaire se traduit par un tendon intramusculaire fonctionnellement plus rigide, qui ne peut pas stocker et libérer de l'énergie comme un tendon extra-musculaire.

D'un point de vue pathologique, le tendon extra-musculaire est plus exposé à une pathologie tendineuse dites de « surutilisation », devenant finalement de nature dégénérative avec une faible capacité de guérison, car il y a peu ou pas de vascularisation. Avec le temps, les régions collatérales du tendon semblent se remodeler et augmenter le diamètre du tendon pour répartir la charge. Les ruptures se produisent rarement dans la région dégénérative, où une réponse d'inflammation, de prolifération et de maturation est déclenchée, résultant en une nouvelle matrice et un tendon considérablement plus large.

Il est peu probable que les tendons intramusculaires présentent une pathologie de surutilisation, car ils ont une perfusion vasculaire plus élevée que le tendon extra-musculaire. Cependant, à la différence de la réponse des cellules satellites de la guérison myotendineuse et comme pour la rupture d'un tendon extra-musculaire, les ruptures de tendons intramusculaires se traduisent par un saignement et une réponse d'inflammation, de prolifération et de maturation, ce qui entraîne la formation d'un tissu cicatriciel hypertrophique du tendon intramusculaire. La rétraction du tendon intramusculaire est généralement limitée, car le muscle environnant agit comme une attelle, ce qui diffère dans les ruptures de tendons extra-musculaire. Ainsi, la chirurgie est rarement indiquée.

 

 

La douleur, généralement localisée à la jonction entre le tendon et l'os, est la principale caractéristique clinique des lésions des tendons extra-musculaire, ce qui diffère quelque peu de l'échec structurel récurrent et de la douleur variable des lésions du tendon intramusculaire. Alors que l'innervation en nerfs sensoriels des tendons extra-musculaire réside principalement dans le ritendon qui alimente uniquement la périphérie du tendon, on connaît très peu l’innervation du tendon intramusculaire. Cliniquement, en particulier dans les déchirures de tendons intramusculaires du soléaire et des ischio-jambiers, les symptômes peuvent être une sensation de tension progressive ou une douleur aiguë, ce qui complique encore l'évaluation clinique et les pronostics.

 

Implication clinique ischio-jambiers

Les blessures aux ischio-jambiers sont une cause majeure de perte de temps dans le sport et particulièrement dans le football. Les problèmes anatomiques mis en évidence dans cet article peuvent contribuer aux résultats incohérents de la gestion des blessures aux ischio-jambiers.

Garrett et al. ont observé dans une étude de tomodensitométrie (technique d’imagerie permettant  d’analyser les tissus en coupes sagittal, axial, coronal et obliques) que le tendon proximal du biceps fémoral et sa jonction muscle-tendon s'étendent sur 60 % de la longueur du muscle, tandis que le tendon distal et sa jonction muscle-tendon s'étendent sur 66 % de la longueur du muscle. Ainsi, les zones de jonction muscle-tendon s'étendent sur toute la longueur du corps musculaire, que ce soit sur la partie proximale ou distale.

De même, dans le muscle semi-membraneux, le tendon proximal s'étendait à 78 % et le distal à 52 % dans le corps musculaire.

 

Crédits: learnmuscles.com

 

Il a été mis en évidence grâce à l’IRM que la majorité des lésions des muscles ischio-jambiers se produisaient à la jonction myotendineuse du tendon intramusculaire et ont décrit l'aspect caractéristique d'un œdème en forme de plume d’oiseau à l’IRM.

Comin et al., ont noté que l'apparence du tendon central dans ces blessures est variable. Dans certains cas, le tendon conserve son intégrité structurelle malgré la perturbation des fibres musculaires environnantes, alors que dans d'autres cas, cette intégrité semble altérée et le tendon prend un contour irrégulier ou ondulé.

Ils ont ensuite examiné 62 blessures aux ischio-jambiers chez des athlètes pratiquant le football australien. 12 des participants présentaient une rupture du tendon intramusculaire du biceps fémoral à l’IRM.

Trois des 12 participants présentant des lésions du tendon intramusculaire du biceps fémoral ont subi une intervention chirurgicale pour réparer le tendon rompu. La durée médiane de guérison était de 91 jours.

Les neuf autres futs traités de manière non chirurgicale ont eu un temps de guérison moyen de 72 jours. En comparaison, les blessures du biceps fémoral sans rupture tendineuse intramusculaire ont eu un temps de guérison de 21 jours.

Dans une étude prospective de 18 sprinters d'élite souffrant de lésions des muscles ischio-jambiers, de Askling et al., le sous-groupe dans lequel la blessure impliquait le tendon proximal avait un temps de guérison significativement plus long pour retrouver le niveau d'avant la blessure par rapport au sous-groupe sans atteinte du tendon proximal.

Pollock et al., ont examiné 65 blessures aux ischio-jambiers chez 44 athlètes d'athlétisme d'élite. Ils ont classé les blessures selon le British Athletics Muscle Injury Classification System dans lequel les blessures sont classées numériquement par gravité (1=petite, 2=modérée, 3=étendue) et alphabétiquement par site (a=myofascial, b=myotendineux, c=intratendineux). L'étude a comparé le temps de retour à l'entraînement complet et les taux de récidive entre les différents types de blessures.

L'étude a démontré que les lésions qui s'étendent dans le tendon étaient associées à un risque considérablement accru de récidive de la blessure et à un délai plus long de retour à l'entraînement complet.

Une différence significative a également été constatée au sein des classifications 1a-3c pour le délai de retour à l'entraînement complet. Il a été démontré que la gravité de grade 3 et le site intratendineux (c) étaient associés à une augmentation du temps de retour à l'entraînement sans limitation.

Les blessures de grade 3c avaient un temps de retour moyen de 84 jours par rapport aux blessures de grade 2b avec un temps de retour de 21 jours et aux blessures de grade 2c de 27 jours. Aucune différence significative n'a été constatée entre les grades 1 et 2 ou entre les classifications (a) et (b).

Il a été montré que le grade n'était pas associé à la récurrence, mais que les lésions intratendineuses (c) étaient associées à un risque plus élevé de récurrence. Ce taux de récidive significativement accru était de 63 % pour les blessures 2c et de 57 % pour les blessures 3c. En comparaison, le taux de récidive des blessures 2b n'était que de 6 % et il n'y a eu aucune récidive dans aucune classe de blessure myofascial (a).

Le temps de guérison prolongé et le taux plus élevé de récurrence des blessures sont des implications cliniques importantes à prendre en compte, en particulier pour les athlètes de haut niveau. L'utilité de l'IRM dans le cas d’une lésion des ischio-jambiers fait l'objet d'un vif débat. Dans ce contexte clinique, les auteurs soutiennent qu'une IRM de haute qualité est indiquée pour identifier les éventuelles ruptures tendineuses qui accompagnent le biceps fémoral.

 

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Crédits: flowin.com

 

Tout le contenu de cet article est présenté à titre informatif. Il ne remplace en aucun cas l’avis ou la visite d’un professionnel de santé.

 

Sources:

Brukner, P., Cook, J. L., & Purdam, C. R. (2018). Does the intramuscular tendon act like a free tendon?. British journal of sports medicine, 52(19), 1227–1228. Article sous licence Creative Commons 4.0 CC-BY-NC

Brukner, P., & Connell, D. (2016). 'Serious thigh muscle strains': beware the intramuscular tendon which plays an important role in difficult hamstring and quadriceps muscle strains. British journal of sports medicine, 50(4), 205–208. Article sous licence Creative Commons 4.0 CC-BY-NC

 

1 Commentaire

Tristan

Cet article est il publié sur une base de donnée valide? merci

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