Tendinopathie patellaire : explication et traitement

Publié le : 18 juin 2022 à 15h54

Article rédigé par Clément BOUDOT - MKDE

 

DESCRIPTION

La tendinopathie patellaire (= TP) ou « Jumpers knee » est une pathologie répandue dans les sports de saut ou de course. Cette pathologie est due à une répétition excessive de microtraumatismes sur le tendon patellaire qui suite à cette surcharge va engendrer des douleurs sur la face antérieure du genou. En effet la TP peut-être très invalidante chez les sportifs de sauts comme le basket ou encore le volley-ball pouvant amener à larrêt complet de lactivité.

La place des blessures associées aux tendinopathies est importante (Tendons et tendinopathies: description, guérison et traitements), puisqu'elle représente 30% de toutes les affections musculo-squelettiques vues en médecine générale. Elle touche aussi bien les personnes sédentaires que les personnes actives et est responsable de 30 à 50 % de toutes les blessures sportives.

Les programmes de remise en charge progressive sont généralement les traitements de première intention dans le cadre de la tendinopathie, et leur efficacité pour réduire la douleur et améliorer la fonction a été démontrée. Différents types d'exercices ou de programmes de remise en charge ont été étudiés, les plus répandues étant les programmes d’exercices excentriques.

 

ANATOMIE

Le quadriceps est composé de 4 muscles différents :

  • Le droit fémoral,
  • Le vaste interne,
  • Le vaste externe et,
  • Le vaste intermédiaire

Le quadriceps est innervé par le nerf fémoral.

Ces quatre muscles ont comme point commun leur insertion. En effet leur insertion se fait sur la patella via le tendon quadricipital. Ce tendon quadricipital va donner par la suite le tendon patellaire qui passe en avant de la couche de graisse de Hoffa et vient s’insérer sur la tubérosité tibiale.

 

 

Une particularité du quadriceps est à prendre en compte, un seul des 4 muscles cités précédemment est bi-articulaire. En effet le droit fémoral a pour origine la crête iliaque antéro-inférieure, le rendant prédisposé à la rupture de son tendon dorigine.

 

ÉTIOLOGIE

De multiples théories ont été proposées pour l’étiologie de la tendinopathie rotulienne : mécanique, vasculaire et liée à un conflit. Cependant, la théorie de la surcharge chronique est la plus fréquemment rapportée. La surcharge répétée des tendons extenseurs du genou entraîne leur affaiblissement progressif, pouvant finalement aboutir à une rupture. Un remaniement microscopique se produit à l'intérieur du tendon à des charges élevées et conduit à des altérations au niveau cellulaire, qui affectent négativement ses propriétés mécaniques. Les microtraumatismes du tendon peuvent provoquer une dégénérescence individuelle des fibrilles en raison de la contrainte exercée sur le tendon. Lorsque la dégénérescence des fibrilles se poursuit, une tendinopathie chronique s'ensuit.

 

ÉPIDÉMIOLOGIE

Jusqu'à 45 % des athlètes de saut d'élite et 14 % des athlètes de saut de loisir présenteront des symptômes de TP à un moment donné dans leur carrière. La prévalence de TP chez les joueurs de basket-ball et de volley-ball d'élite est de 45 % et 32 % respectivement. Cook et al., ont rapporté que plus d'un tiers des patients qui présentaient une TP n'étaient pas en mesure de reprendre leurs activités sportives dans les six mois suivant la blessure. Une étude de suivi prospective a rapporté que plus de 50 % des athlètes présentant une TP ont été contraints de se retirer du sport. Une autre étude récente a également révélé que seuls 46 % des athlètes souffrant de TP étaient capables de retrouver un niveau d'activité complet et sans douleur après 12 mois de rééducation supervisée.

 

DIAGNOSTIC & ÉVALUATION

Le diagnostic de la tendinopathie patellaire est principalement clinique. En effet le patient présentant cette pathologie va se plaindre de douleur sur la face antérieure du genou lors de l’activité physique. En fonction du stade de l’atteinte, le patient peut avoir des douleurs en début d’activité sportive puis au fur et à mesure de la pratique la douleur diminue pour avoir enfin un pic des douleurs lors de l’arrêt de la pratique. Le patient peut également présenter des douleurs le matin lors des premiers pas suivant le réveil, mais également des douleurs à la montée des escaliers.

Généralement ces douleurs apparaissent dans un contexte d’augmentation brutale de la charge d’entraînement que ce soit en volume ou en intensité. Il faudra donc être particulièrement vigilant et rechercher lors du bilan une augmentation trop brutale de cette charge d’entraînement.

Le royal London Hospital test est un test permettant d’appuyer votre examen clinique et vous conforter dans votre diagnostic. Ce test possède une sensibilité de 98% ainsi qu’une spécificité de 94%.

 

FACTEURS DE RISQUES

Les hommes sont généralement plus touchés par la tendinopathie patellaire que les femmes. Une explication possible à cela serait que les œstrogènes jouent un rôle protecteur dans le développement de cette pathologie.

Un deuxième facteur de risque intrinsèque non-modifiable fut mis en exergue. L’âge jouerait également un rôle dans l’apparition de la tendinopathie patellaire. La littérature montre que l'âge peut être associé à une altération de l'activité cellulaire du tendon rotulien, de la fonction musculaire et des propriétés mécaniques et que ces changements liés à l'âge augmentent la prédisposition de la population générale à développer une TP.

 

 

Une faiblesse musculaire du quadriceps fut également démontrée comme un facteur de risque dans le développement de la tendinopathie patellaire.

Le poids est aussi un facteur de risque. Pas seulement dû à la surcharge mécanique placée sur le tendon patellaire. Mais le poids agit également sur la micro-vascularité, qui est augmenté et cela est directement lié avec le développement des tendinopathies.

Une diminution de l'amplitude de la dorsiflexion de la cheville, une diminution de la souplesse des ischio-jambiers et du quadriceps, un plus grand volume d'entraînement au saut, un plus grand nombre de sets de volley-ball joués par semaine sont des facteurs de risque modifiable potentiel de tendinopathie patellaire.

Il fut également reporté lors d’une étude rétrospective que les athlètes spécialisés tôt dans leur sport ont 4 fois plus de risques de développer une TP qu’un jeune faisant plusieurs sports.

 

TRAITEMENTS & PRÉVENTION

Étape 1 : Modulation de la douleur et gestion de la charge

Les premières étapes de la rééducation doivent se concentrer sur la gestion de la charge (Acute : Chronic Workload Ratio: un outil afin de sécuriser le retour des athlètes) et la modulation de la douleur. Les déficiences biomécaniques des membres inférieurs, telles que le déséquilibre de la force et une souplesse altérée, doivent être traitées à ce stade. La gestion de la charge et la modification de l'activité font partie des méthodes les plus efficaces pour réduire la douleur et les autres symptômes de la tendinopathie patellaire. Cependant, il est également important d'éviter l'arrêt complet des activités, car cela peut réduire davantage la capacité de charge du tendon. Il faudra donc réduire le volume et la fréquence de l'entraînement, supprimer les entraînements avec une forte charge de stockage d'énergie (comme la course, le saut, etc) afin de diminuer la douleur et éviter d’entretenir cette surcharge mécanique.

Des études montrent que l'exercice isométrique en course moyenne est une méthode efficace de réduction de la douleur dans la TP. Un essai clinique mené par Rio et al., a démontré qu'un exercice isométrique de squat proposé aux athlètes en saison réduit la douleur. Selon Rio et al., cinq répétitions isométriques de 45 secondes sur une machine de leg extension induisent une analgésie pendant plusieurs heures chez les patients souffrant de TP.

 

Étape 2 : Exercices de renforcement et progression de la charge.

Une fois que le patient peut effectuer des exercices isotoniques avec une douleur minimale, des exercices avec des résistances lourdes sur un tempo lent (= HSR) et des exercices excentriques peuvent être initiés.

Les effets bénéfiques de l'entraînement HSR et des exercices excentriques sont rapportés dans des études antérieures. Les exercices type HSR peuvent augmenter les propriétés mécaniques du tendon et provoquer une hypertrophie de ce dernier. Une progression graduelle des exercices est recommandée. Les exercices impliquant un seul membre peuvent être effectués au fur et à mesure que les symptômes de la TP progressent.

Le concept de l’entraînement TNT de Rio et al., peut également être un atout intéressant à utiliser lors de la rééducation. Ce concept utilise le principe de remise en charge progressive cependant durant la réalisation de l’exercice un stimulus externe est utilisé (visuelle ou auditif) afin de stimuler l’adaptation corticale. (Concept du "Tendon Neuroplastic Training" (=TNT)

 

 

Étape 3 : Renforcement fonctionnel et retour au sport.

Le renforcement fonctionnel est principalement axé sur les déficits du schéma de mouvement et de la chaîne cinétique, ainsi que sur la capacité des tendons à supporter des charges élevées. Une fois le schéma de mouvement et la chaîne cinétique améliorés, l'entraînement peut passer à des activités pliométriques et spécifiques au sport. Un entraînement à haute énergie, tel que la corde à sauter et le sprint doivent également être inclus dans le programme d'entraînement. L'ensemble de l'entraînement et de la charge doivent être surveillés et quantifiés, et une approche par jour à charge élevée - faible - moyenne est recommandée en ce qui concerne la réintroduction d'activités à charge élevée. Les déterminants du pronostic et du retour au sport sont l’intensité de la douleur, la pathologie et la dysfonction.

Nous avons réalisé une vidéo YouTube sur le sujet : 

 

 

DIAGNOSTICS DIFFÉRENTIELS

Lors du diagnostic d’une tendinopathie patellaire, il faut être vigilant à toutes les autres pathologies du genou de type traumatique qui rentrent dans la case des « drapeaux rouges ». Donc toutes douleurs sur la face antérieure du genou liées à un choc devront être écartées lors de l’examen clinique.

En effet il faudra également prêter attention au syndrome de Hoffa, au syndrome des plicae, aux douleurs liées aux ménisques, douleur liée au cartilage ainsi que les bursites et le syndrome femoro-patellaire (Généralités sur le syndrome fémoro-patellaire).

Chez les jeunes une attention particulière devra être portée sur le syndrome d’osgood-schlatter (Pathologies du jeune athlète: Syndrome d'Osgood Schlatter et Sinding Larsen Johansson).

 

Tout le contenu de cet article est présenté à titre informatif. Il ne remplace en aucun cas l’avis ou la visite d’un professionnel de santé.

 

 

Sources:

Rodriguez-Merchan E. C. (2013). The treatment of patellar tendinopathy. Journal of orthopaedics and traumatology : official journal of the Italian Society of Orthopaedics and Traumatology14(2), 77–81. Article sous Creative Commons Attribution License.

Santana, J. A., Mabrouk, A., & Sherman, A. l. (2022). Jumpers Knee. In StatPearls. StatPearls Publishing. Article sous Creative Commons Attribution 4.0 International License.

Maffulli, N., Oliva, F., Loppini, M., Aicale, R., Spiezia, F., & King, J. B. (2017). The Royal London Hospital Test for the clinical diagnosis of patellar tendinopathy. Muscles, ligaments and tendons journal7(2), 315–322.

Muaidi Q. I. (2020). Rehabilitation of patellar tendinopathy. Journal of musculoskeletal & neuronal interactions20(4), 535–540. Article sous Creative Commons Attribution-Noncommercial-Share Alike 4.0 Unported.

Morgan, S., & Coetzee, F. F. (2018). Proposing a Patellar Tendinopathy Screening tool following a systematic review. The South African journal of physiotherapy74(1), 454. Article sous Creative Commons Attribution License.

Sprague, A. L., Smith, A. H., Knox, P., Pohlig, R. T., & Grävare Silbernagel, K. (2018). Modifiable risk factors for patellar tendinopathy in athletes: a systematic review and meta-analysis. British journal of sports medicine52(24), 1575–1585.

Hall, R., Barber Foss, K., Hewett, T. E., & Myer, G. D. (2015). Sport specialization's association with an increased risk of developing anterior knee pain in adolescent female athletes. Journal of sport rehabilitation24(1), 31–35.

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