Concept du « Tendon Neuroplastic Training » (= TNT)

Publié le : 14 février 2021 à 10h31

Article rédigé par Clément Boudot 

 

La tendinopathie peut parfois ne pas guérir suite au traitement proposé et peut être susceptible de survenir à nouveau malgré une première prise en charge réussit. Ceci laisse donc supposer que les approches thérapeutiques actuelles ne sont pas optimales.

Les programmes de rééducation sont généralement basés sur le renforcement musculaire afin de réduire les douleurs, mais aussi de rétablir les paramètres physiques et psychologiques du sportif blessé. L’activation musculaire peut induire une analgésie (réduction de la douleur), améliorant ainsi la satisfaction du patient en lien avec le traitement proposé. De plus, l’entraînement de force est bénéfique pour la structure de la matrice tendineuse, les propriétés musculaires et l’amélioration de la biomécanique du sportif lors de mouvement spécifique.

 

Si vous souhaitez plus d'informations, nous en avons fait une vidéo :

 

Cependant, la rééducation actuelle des tendinopathies ne traite pas de manière adéquate le contrôle corticospinal du muscle, ce qui peut entraîner une altération du contrôle du recrutement musculaire. Cela peut donc être un facteur de chronicité. Le contrôle corticospinal du muscle signifie ici l’activité de l’unité motrice (muscle/tendon) en réponse aux influx corticospinaux inhibiteur et excitateur sur les motoneurones spinaux.

L’entraînement musculaire est un puissant modulateur du système nerveux central et les influx corticospinaux sont essentiels pour le recrutement et l’activation des unités motrices. Cependant, les paramètres spécifiques de l’entraînement musculaire sont importants pour avoir un effet sur la neuroplasticité. Pour pallier à cela, Ebonie Rio a développé la méthode TNT. Ce concept consiste à réaliser des exercices de renforcement musculaire avec une stimulation externe. Cette stimulation externe peut être auditive ou visuelle.

La stimulation auditive peut par exemple être fournie par un métronome. Le métronome sonne pour le début de la phase concentrique puis une nouvelle fois pour la fin de la phase concentrique/début de la phase excentrique et une autre fois pour la fin de la phase excentrique et ainsi de suite. Le métronome permet de donner le tempo des contractions à effectuer.

La stimulation visuelle est quant à elle donnée par un écran où l'exécution des exercices, avec le tempo désiré, est affichée et le patient n’a qu’à suivre le rythme imposé par la vidéo.

 

 

Modifications corticospinales dans la tendinopathie patellaire

Le mouvement humain est supervisé par le cortex moteur primaire (ou M1). Le mouvement est par la suite régulé par l’excitabilité et l’inhibition corticospinale. Cela peut se représenter par un conducteur (le M1) qui conduit sa voiture (le muscle) et qui décide de la faire avancer avec la pédale d’accélérateur (l’excitabilité corticospinale) ou de la freiner (l’inhibition corticospinale).

Ebonie Rio a donc trouvé que l’athlète ayant une tendinopathie patellaire a un dysfonctionnement de ce contrôle corticospinal en comparaison à l’athlète sain. On retrouve une inhibition corticospinale accrue ainsi qu’une excitabilité corticospinale augmentée du membre ayant la tendinopathie. Pour faire référence à l’analogie précédente, cela peut se traduire par le fait que le conducteur conduit avec un pied sur l’accélérateur et un pied sur le frein. Cette stratégie va donc altérer le contrôle moteur du muscle.

Ebonie Rio a également trouvé que le membre non affecté possède une inhibition corticale (en comparaison au sportif sain) et semble moins excitable que le côté ayant la tendinopathie.

 

Changement physiologique induit par l’entraînement TNT

La rééducation actuelle vise à restaurer les propriétés physiologiques des tendons et des muscles en utilisant l’exercice avec différents modes de contractions. Il existe des preuves de l’efficacité des contractions excentriques seules ainsi que du protocole HSR (= Heavy Slow Resistance) pour améliorer la douleur et la fonction du tendon d’Achille ainsi que du tendon patellaire. Les protocoles qui incluent un entraînement de force semblent fournir un plus grand stimulus pour le tendon et le muscle.

Cependant, il a été démontré que les déficits de performance musculaire persistent, que ce soit après une intervention chirurgicale suivie d’une rééducation ou lors d’une rééducation seule pour une tendinopathie, malgré des résultats cliniques positifs (douleur et fonction).

La prescription actuelle de rééducation pour une tendinopathie se décrit comme étant une rééducation « à son propre rythme ». Les patients reçoivent des exercices avec des indications de répétitions, de séries et de charge (tous ces éléments sont variables et il n’existe pas de gold-standard), mais, avec peu de stimulation externe (visuelle ou auditive comme un métronome). Étant donné le taux élevé de récidives de la tendinopathie et les changements moteurs persistants après la rééducation, il est possible que la rééducation actuelle ne parvienne pas à rétablir le contrôle corticospinal du (des) complexe(s) muscle-tendon. Il semblerait que ces approches n’abordent que certaines modifications neuromusculaires et musculo-tendineuses de la tendinopathie.

 

 

L’entraînement contre résistance avec un rythme externe est capable d’induire des modifications ipsilatérales et controlatérales de l’excitabilité et de l’inhibition chez les participants sains.

Pour étudier ce concept d’entraînement TNT dans le cadre de patient ayant une tendinopathie patellaire, deux stratégies ont été testées sur 4 semaines. Ces deux interventions utilisaient l’entraînement TNT (la combinaison d’un entraînement de force intense et d’une stimulation externe) :

 

  • Des contractions isométriques du quadriceps (5x45 sec a 80 % de la contraction isométrique maximale volontaire) ou alors,
  • Des contractions isotoniques du quadriceps (4x8 répétitions avec 3 secondes de concentrique et 4 secondes d’excentrique).

 

L’exercice isométrique a permis une meilleure analgésie immédiate et les deux protocoles ont réduit la douleur de manière significative à 4 semaines. Il n’y avait pas de différences entre les deux groupes après 4 semaines.

Les tests effectués ont montré que l’intervention TNT, utilisant des contractions musculaires isométriques ou isotoniques, modifiait l’inhibition corticale.

Tous les athlètes ont amélioré leur inhibition corticale du quadriceps pour être dans la plage normale après l’intervention où les valeurs standard (pour ceux qui n’ayant pas de tendinopathie patellaire) sont de 50-70 %. Un taux inférieur à 50 % signifie une inhibition corticale accrue.

Cela représente donc un changement physiologiquement important. Il y avait des différences entre le groupe isométrique et le groupe isotonique. Cependant, les implications cliniques sont limitées en raison de la petite taille de l’échantillon.

 

Protocole de rééducation utilisant la méthode TNT pour la TP

Le protocole suivant est un exemple de protocole incorporant la méthode TNT pour la tendinopathie patellaire.

Les exercices devront suivre une démarche de remise en charge progressive pour le patient. Lorsque le patient sera en capacité, il faudra augmenter la charge de 2,5 % comme réalisée dans le protocole d’Ebonie Rio.

Le protocole comprend deux exercices à contractions isométriques et trois exercices à contractions isotoniques (combinaison de contraction concentrique et excentrique).

Les exercices à contractions isotoniques devront se faire à l’aide d’un métronome qui donnera le tempo des contractions. Le tempo défini est de 3 secondes pour la contraction concentrique et 4 secondes pour la contraction excentrique avec 2 minutes de repos entre chaque series. Ce tempo est choisi en lien avec le protocole proposé par Ebonie Rio dans son étude de 2015 (2).

Les contractions isométriques se feront quant à elles avec des encouragements verbaux ainsi qu’une stimulation visuelle où le patient regardera une vidéo d’une personne réalisant l’exercice qu’il est en train de faire. Le tempo, qui sera donné par la vidéo, est également en accord avec l’étude de 2015 proposé par Ebonie Rio (45 secondes de contractions isométriques) (2).

Les stimulations auditive et visuelle (vidéo et métronome dans ce cas présent) ont pour but, comme vu précédemment, de stimuler l’adaptation corticospinale.

La contraction isométrique se fera 5 fois pendant 45 secondes à 60° de flexion de genoux avec 2 minutes de repos entre chaque répétition.

 

Crédits: NeuroXtrain

MVIC= Contraction maximale volontaire isométrique 

 

La tendinopathie patellaire est aussi appelée Jumper’s Knee de par sa présence élevée chez les athlètes participant à des sports de sauts (basketball ou volleyball) (3).

En conjonction avec le programme de rééducation ci-dessus il faudra donc également incorporer progressivement les sauts. L’état de forme de l’athlète pourra être contrôlée avec le chronic:workload ratio (ACWR) de Tim Gabett. C’est un outil permettant de surveiller la charge d’entraînement de l’athlète qui dans ce cas-là, sera utilisé pour éviter une augmentation trop rapide et trop importante de la charge pouvant mener à une nouvelle pathologie de surcharge.

 

Conclusion 

La rééducation utilisant le concept TNT peut être intéressant, car elle est se base sur le renforcement musculaire qui est connu pour être efficace dans la rééducation des tendinopathies. Cependant en ajoutant seulement un stimulus externe aux exercices proposés on parviendrait à cibler le contrôle corticospinal qui jouerait un rôle prépondérant dans la récurrence des tendinopathies.

 

Nouvelle technologie 

Les machines HUR sont des appareils de musculations à air comprimé. Elles permettent d’ajuster précisément la résistance souhaitée. La machine legs curl de chez HUR permet de travailler unilatéralement. Elle permet également de tester la force isométrique maximale qui est intéressante pour reproduire au mieux le protocole présenté ci-dessus. On peut aussi ajuster les degrés de liberté des mouvements, ce qui permet d’augmenter avec précision l’amplitude d’exécution du mouvement si des amplitudes spécifiques sont douloureuses pour le patient. Sur les machines HUR la résistance est adaptée en fonction de la force produite, indépendamment de la vitesse du mouvement. 

Crédits: hur.fi

Tout le contenu de cet article est présenté à titre informatif. Il ne remplace en aucun cas l’avis ou la visite d’un professionnel de santé.

 

Sources:

(1) Rio, E., Kidgell, D., Moseley, G. L., Gaida, J., Docking, S., Purdam, C., & Cook, J. (2016). Tendon neuroplastic training: changing the way we think about tendon rehabilitation: a narrative review. British journal of sports medicine, 50(4), 209–215. Article sous Creative Commons Attribution Non Commercial license (CC BY-NC 4.0)

(2) Rio, E., Kidgell, D., Purdam, C., Gaida, J., Moseley, G. L., Pearce, A. J., & Cook, J. (2015). Isometric exercise induces analgesia and reduces inhibition in patellar tendinopathy. British journal of sports medicine, 49(19), 1277–1283.

(3) Lian, Ø. B., Engebretsen, L., & Bahr, R. (2005). Prevalence of Jumper’s Knee among Elite Athletes from Different Sports: A Cross-sectional Study. The American Journal of Sports Medicine, 33(4), 561–567.

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