La « fasciite plantaire » ou « douleur au talon » : explication et traitement

Publié le : 26 mars 2023 à 11h32

Article rédigé par Thibaut GARÇON - Kinésithérapeute

DESCRIPTION

Les pieds jouent un rôle important dans leur capacité de gestion de la posture et de l’équilibre (entre autres, la proprioception) ainsi que pour la déambulation. Il a été rapporté que la prévalence des pathologies du pied varie entre 61 et 79% et contribue à avoir un impact négatif sur la qualité de vie ou sur le plan psychologique du sportif.

De la même manière que les chercheurs et les cliniciens ont adopté le terme « tendinopathie » au lieu de « tendinite », les termes « fasciose » ou « fasciopathie » sont de plus en plus utilisés dans la littérature pour désigner cette pathologie. D’autres études qui traitent de ce sujet vont même jusqu’à généraliser l’ensemble des pathologies en utilisant la terminologie « douleur plantaire au talon ».

 

La pathologie, quant à elle, se caractérise par une douleur dans le talon qui est exacerbée par une augmentation de la charge sur cette zone, ainsi qu'après des périodes de repos ou d'absence de mise en charge. La douleur et les lésions sont souvent chroniques et les symptômes peuvent durer jusqu’à plus d'un an.

 

 

 

ANATOMIE

L'aponévrose plantaire est une épaisse bande de tissu conjonctif fibreux qui s'étend de la tubérosité postérieure du calcanéum aux bases des phalanges proximales. Elle est composée de trois bandes distinctes : médiale, centrale et latérale. La bande médiale recouvre et s'insère sur les muscles de l'hallux, et la bande latérale s'insère sur la base du cinquième métatarsien. Ces deux bandes sont rarement impliquées dans les douleurs plantaires. La bande centrale est la plus épaisse, la plus forte et la plus souvent impliquée dans les douleurs au talon. Elle se divise en cinq faisceaux au niveau du médio-tarse, chaque bande s'attachant à la plaque plantaire de l'une des phalanges proximales, ce qui, en combinaison avec les structures osseuses de l'arcade, crée un « treillis ».

Anatomie du fascia plantaire, schéma traduit et adapté des travaux de Latt et ses collaborateurs (2020) par Neuroxtrain

 

Ce fascia plantaire est responsable de l'élévation et de la stabilisation de la voûte plantaire pendant la marche par le biais du mécanisme de traction. La dorsiflexion des orteils qui se produit pendant la phase terminale de la marche entraîne un resserrement de la bande centrale de l'aponévrose plantaire, qui rapproche à son tour les têtes métatarsiennes au calcanéum, augmentant ainsi la hauteur de la voûte plantaire.

 

Biomécanique du fascia plantaire à la marche, schéma traduit et adapté des travaux de Latt et ses collaborateurs (2020) par Neuroxtrain

 

ÉPIDÉMIOLOGIE

Chez les athlètes, cette pathologie est particulièrement répandue dans les sports à fort impact répétitifs tels que la course à pied, puisqu'elle touche jusqu'à 17,4 % de la population des coureurs. Dans la « population générale », les douleurs plantaires au talon restent plus fréquentes entre 40 et 60 ans et contribuent à 15% des blessures du pied sans différence de sexe.

Qu’elle soit présente dans la population sportive ou non, les douleurs impactant la voûte plantaire sont les douleurs chroniques au talon les plus représentées en consultation.

 

ÉTIOLOGIE

Historiquement, on pensait que la « fasciite plantaire » était due à une blessure mécanique dans laquelle une tension excessive dans le fascia plantaire produisait des déchirures microscopiques conduisant à une inflammation chronique. Cependant, la compréhension actuelle fait état que cette pathologie est le produit d’un processus dégénératif plutôt qu'inflammatoire, c'est-à-dire une « fasciose » plutôt qu'une « fasciite », où la tension est la caractéristique clé de cette pathologie.

Plus précisément, l'augmentation de la charge sur le fascia aponévrotique est détectée (par mécanotransduction) par les jonctions lacunaires entre les fibrocytes, qui provoquent ensuite des modifications de la matrice extracellulaire, entraînant une dégénérescence et une fragmentation du fascia plantaire et des structures périfasciales dont la résultante principale reste la douleur à l’appui.

 

DIAGNOSTIC & ÉVALUATION

A/ L’interrogatoire

L’interrogatoire, pour ce type de pathologie, est cruciale afin de déterminer le moment, l'apparition, le caractère, la localisation et l'intensité de la douleur.

En général, les patients signalent une douleur sourde ou lancinante, localisée dans la région de l'origine du fascia plantaire sur le calcanéum. Cette douleur est généralement plus intense au premier pas du matin et au moment de se lever de la position assise. Elle s'améliore souvent avec l'activité, mais s'aggrave lorsque l'activité se prolonge.

 

B/ L’examen physique

L'examen physique doit se concentrer sur la détermination de la localisation précise de la douleur, l'évaluation de la tension de la voute plantaire et l'élimination d'autres causes potentielles de douleurs au talon.

La sensibilité à l'origine de l'aponévrose plantaire est la caractéristique clé, tandis que la sensibilité le long de la bande centrale de l'aponévrose plantaire est plus souvent observée dans une blessure aiguë qui se résout normalement avec des étirements et un support/orthèse de la voûte.

L'amplitude du mouvement de dorsiflexion de la cheville doit être évaluée avec le genou fléchi et étendu. Une perte de l’équinisation entre la dorsiflexion avec le genou tendu et le genou en fléchi (ou alors une dorsiflexion de moins de 10° genou en extension associée à une différence de plus de 10° de flexion dorsale entre la position genou tendu et fléchi) sont des signes de raideur du gastrocnémien (c'est-à-dire un test de Silverskiold positif).

Des tests spéciaux doivent être inclus dans votre examen comme (liste non exhaustive) :

  • Le test de Tinel: impaction le long de la partie distale du nerf tibial pour exclure le syndrome du tunnel tarsien
  • Le test de compression du calcanéum: pour exclure une fracture de stress du calcanéum.

 

C/ L’imagerie

Des radiographies du pied debout en charge sont souvent réalisées initialement pour évaluer l'alignement du pied, exclure les lésions osseuses et déterminer la présence d'une épine calcanéenne. Cette épine est le signe d'une calcification à l'origine du muscle court fléchisseur des orteils, qui se développe en réponse à une tension chronique de la « corde » du talon.

L'imagerie des tissus mous (IRM, Scanner) n'est pas systématiquement requise dans le diagnostic. Elle est plutôt réalisée chez les patients présentant une douleur au talon réfractaire à plusieurs mois de traitement conservateur. Les objectifs de l'imagerie des tissus mous sont de confirmer le diagnostic initial et d'exclure d'autres causes de douleurs au talon telles que l'arthropathie inflammatoire (spondyloarthropathie), la névrite de Baxter et la fracture de stress du calcanéum.

Enfin, l’échographie constitue un moyen rapide et rentable de confirmer le diagnostic de douleurs au talon. L’imagerie consiste globalement à l’analyse de son épaisseur.

 

Imagerie de radiographie en charge en mise en évidence d’une « épine calcanéenne » (flèche), Crédits image : Google image

 

En conclusion, de par sa caractéristique plutôt « simple » dans l’identification de la douleur chronique au talon, le diagnostic doit se concentrer essentiellement sur l’exclusion d’autres pathologies potentielles. Il est important de se renseigner sur les diagnostics différentiels que nous vous proposons à la fin de cet article et de connaître les signes de ces derniers.

 

FACTEURS DE RISQUES

Les douleurs au talon ont été grandement étudiées dans la littérature scientifique. Une dernière méta-analyse de 2021, par Chang Rhim et ses collaborateurs, reprend les facteurs de risques à ce jour présentés dans les différentes études scientifiques et nous explique que :

 

  • Un IMC élevé peut être considéré comme un facteur de risque, mais le plus souvent dans la population sédentaire. Il est moins mis en évidence dans la population sportive.
  • Les activités prolongées en position debout peuvent être incluses dans les facteurs de risques, mais avec un niveau de preuve faible.
  • Une force diminuée du fléchisseur de hallux, des fléchisseurs des orteils, ainsi que les muscles gérant la flexion plantaire, la flexion dorsale, l’éversion et l’inversion est aussi considérée comme un facteur de risques à faible niveau de preuve.
  • Sur le plan cinématique, une réduction de la flexion dorsale ainsi qu’une réduction de l’extension de l’articulation métatarso-phalangienne lors d’un appui au sol à la course à pied était également décrit comme un facteur de risque (avec un faible niveau de preuve).
  • Dans la population générale, une augmentation de l’amplitude de flexion plantaire peut être associée à un facteur de risques.

 

TRAITEMENTS & PRÉVENTION

Le traitement est généralement conservateur et comprend une réduction du poids, une modification des chaussures, des étirements et dans certains cas des AINS. Les « non-répondants » (ceux dont le traitement initial précédemment cité ne fonctionne pas) peuvent bénéficier d'une thérapie par ondes de choc, d'une injection de corticostéroïdes guidée par ultrasons ou de produits dérivés du sang autologue(plasma riche en plaquettes).

Le renforcement musculaire des muscles intrinsèques du pied et responsables des mouvements de la cheville peut être un axe intéressant en complément des principaux points décrits au-dessus (dans la limite des capacités et des douleurs ressenties par le patient). Peu d’étude se sont orientées sur cette question, nous n’avons à ce jour aucun protocole spécifique de renforcement des muscles du pied ou de la jambe pour cette pathologie.

Nous vous invitons fortement à lire « Les douleurs au talon : prise en charge et recommandations actualisées » qui décrit en détail un guide de rééducation pour cette pathologie ainsi que les différents scénarii possibles à imaginer et les traitements différentiels qui en découlent.

 

 

DIAGNOSTICS DIFFÉRENTIELS

 

 

Tout le contenu de cet article est présenté à titre informatif. Il ne remplace en aucun cas l’avis ou la visite d’un professionnel de santé.

  

À lire également :

 

Sources :

Rhim, H. C., Kwon, J., Park, J., Borg-Stein, J., & Tenforde, A. S. (2021). A Systematic Review of Systematic Reviews on the Epidemiology, Evaluation, and Treatment of Plantar Fasciitis. Life, 11(12), 1287 – Article sous License Creative Commons CC-BY 4.0 

Latt, L. D., Jaffe, D. E., Tang, Y., & Taljanovic, M. S. (2020). Evaluation and Treatment of Chronic Plantar Fasciitis. Foot & ; Ankle Orthopaedics, 5(1), 247301141989676 – Article sous License Creative Commons BY-NC 4.0

Plantar Heel Pain (2022, sptembre). StatPearls. Creative Commons Attribution-NonCommercial-NoDerivatives 4.0 International (CC BY-NC-ND 4.0)

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