Les douleurs au talon : prise en charge et recommandations actualisées

Publié le : 24 avril 2021 à 21h30

Article rédigé par Thibaut Garçon 

 

Les douleurs dans la région du talon sont des pathologies qui touchent les populations de tous âges. C’est un trouble musculo-squelettique affectant principalement l’enthèse (c’est-à-dire l’attache) du fascia plantaire au niveau du calcanéum. Le terme fasciite plantaire est couramment employé pour désigner une douleur au talon, probablement en raison des croyances initiales selon lesquelles la douleur résultait d’une réaction inflammatoire, d’où le suffixe « -ite ». Il est maintenant plus clair que cette affection est plus souvent due à un processus dégénératif, ce qui rend le terme « fasciite » moins approprié pour une utilisation plus large. Par conséquent, l’inflammation ne semble pas être une caractéristique prédominante de ces douleurs au talon, le mécanisme étant plus susceptible d’être celui d’une dégénérescence tissulaire avancée. De manière générale, les douleurs au talon sont souvent chroniques et environ 5 à 19 % des personnes continuent à avoir des symptômes au-delà d’un an.

L’objectif de cet article est d’actualiser les connaissances en matière de facteurs de risque et de recommandations de rééducation pour des personnels en santé ayant à prendre en charge ce type de pathologie.

 

 

Facteurs de risque : croyances et actualisations des connaissances (1)

On pense que de nombreux facteurs sont associés à des douleurs dans la région du talon. Il s’agit de facteurs intrinsèques et extrinsèques.

Les facteurs intrinsèques sont directement liés à l’anatomie ou à la biomécanique d’un individu notamment :

 

  • Les mesures dynamiques du pied (voûte plantaire, inversion, éversion…) : un pied excessivement plat associé à une voûte plantaire basse qui s’effondre à la course à pied augmenterait les tensions sur l’aponévrose plantaire. Un pied excessivement creux associé à une voûte plantaire haute augmenterait les pressions au niveau du talon. Attention cependant, ces théories ne semblent pas être nécessairement impliquées dans l’apparition des douleurs au niveau du talon, de nombreuses études ne montrent aucun lien entre les changements dynamiques du pied à la marche ou à la course avec ces douleurs.

 

  • Les mesures statiques du pied (alignement du calcanéum, hauteur de l’os naviculaire…) : ces mesures ne semblent pas être liées avec ces douleurs au talon. Dans la littérature, on retrouve un indicateur, l’Indice de posture du pied (FPI = Foot Posture Index) qui lorsqu’il est élevé, pourrait avoir un possible lien avec ces douleurs.

 

  • Les amplitudes de mouvement du pied et de la cheville : une flexion dorsale limitée est un facteur de risque important. De plus, une limitation de l’amplitude de l’extension de la 1ère articulation métatarso-phalangienne (en lien avec le gros orteil) pourrait être un autre facteur de risque à observer.

 

  • La force musculaire : spécifiquement les muscles intrinsèques du pied (muscle tibial postérieur et long fibulaire entre autres). Si l’on observe une faiblesse de ces muscles en comparaison avec la jambe opposée, ce marqueur peut devenir un facteur de risque. Là aussi, une faiblesse du muscle fléchisseur du gros orteil est indiquée comme un facteur risque avéré dans l’apparition de douleur au talon.

 

  • Une masse corporelle élevée.

 

Concernant les facteurs de risques extrinsèques, c’est-à-dire directement liés à notre environnement et nos activités, quels sont les plus pertinents ? Il semblerait que les positions prolongées en station debout n’auraient pas de lien direct avec les douleurs dans la région du talon. De plus, trop peu d’études ont étudié le lien entre des exercices de port de charge (exercice de type musculation en salle, crossfit…) avec le développement des douleurs au talon pour en établir un réel facteur de risque à considérer.

Seule l’activité physique de course à pied possède un lien direct avec l’apparition des symptômes. Un antécédent de blessure au pied, les jeunes et une fréquence et distance de course élevée sont des facteurs de risques plus spécifiques dans la pratique de la course à pied.

 

Guide de recommandation de prise en charge (2)

Dans une revue systématique de 2021, Morrissey et ses collaborateurs ont établi un guide complet et actualisé de la prise en charge des douleurs dans la région du talon. Pour se faire, ils se sont basés sur des données de la littérature, un consensus d’expert et un retour auprès de patients atteints de ces douleurs-là.

Les problématiques étant vastes autour de cette pathologie (douleurs, perte de fonction, atteinte psychologique…), le consensus retenu est d’établir une approche globale, basée sur 2 catégories :

  1. Le « Do »/Ce qu’il faut mettre en place de manière initiale pour chaque patient.
  2. Le « Decide »/Ce qu’il faut mettre en place de manière individualisée pour chaque patient.

 

Le schéma ci-après vous résume les interventions à mettre en place :

 


 

Schéma adapté des travaux de Morrissey et al. (2021) pour NeuroXtrain

 

Les interventions principales des travaux de Morrissey se basent sur l’étirement du fascia plantaire (comprenant l’ensemble des tissus et des muscles intrinsèques du pied) ainsi que sur l’utilisation de taping. Concernant la partie « éducation », beaucoup d’auteurs s’accordent à dire qu’elle représente une intervention majeure à mettre en place. Cependant, au vu des nombreux aspects différents de cette éducation thérapeutique et des besoins personnalisés entre chaque individu, le contenu de cette éducation doit être adapté et décidé au regard du profil de l’athlète ou du patient (partie « Decide » de ce schéma). Cette prise en charge globale doit être maintenue sur une période minimale de 4 à 6 semaines. La douleur peut être prise en charge avec des techniques de massage et d’auto-massage.

 

Si l’approche globale ne fonctionne pas, des interventions complémentaires sont recommandées en fonction de la solidité des preuves et du raisonnement des experts. Dans un premier temps, les ondes de choc. Cette technique possède la meilleure qualité de preuve concernant son efficacité avec des résultats à court terme, moyen terme et long terme sur la douleur et la fonction du pied, mais inférieurs à l’approche globale citée précédemment. Lorsque l’approche globale ne suffit pas, les ondes de choc représentent donc la technique le plus crédible à mettre en place.

 

Si le traitement par ondes de choc n’entraine pas d’amélioration majeure, d’autres interventions peuvent être considérées (au bout de 12 semaines de traitement) :

  • Des orthèses sur-mesure peuvent être envisagées sur la base de preuves positives, mais d’une force modérée dans la littérature en comparaison avec celle des ondes de choc. Cependant, les orthèses universelles semblent être inefficaces.
  • Le dry needling quant à lui, peut être considéré comme ayant des niveaux de preuves neutres, mais peut être considéré comme une intervention complémentaire à l’approche de prise en charge globale, avec une priorité moindre par rapport aux orthè
  • Les injections de corticoïdes ou plasma riche en plaquettes doivent quant à elle être pratiquées avec beaucoup de minutie et en accord total avec le médecin et l’équipe médicale. Toute injection peut entraîner des effets secondaires non désirables, rapprochez-vous d’un médecin ou d’un professionnel de santé spécialisé pour plus d’informations.

 

 

Pour finir, quelle est la place du renforcement musculaire dans cette prise en charge ? Comme pour d’autres affections chroniques du système musculo-squelettique (comme l’arthrose ou les tendinopathies), le renforcement musculaire reste souvent efficace dans le cadre des soins de première intention. Cependant, aucun consensus n’existe sur un potentiel meilleur type de renforcement, le but étant d’optimiser la charge de travail. Au regard des potentiels facteurs de risque, un renforcement spécifique des muscles intrinsèques du pied, des fléchisseurs des gros orteils, du tibial postérieur ainsi que du long fibulaire reste un axe de travail à apporter à la prise en charge. Un étirement global du triceps sural afin de gagner en mobilité de la cheville peut s’ajouter à cet ensemble de recommandations.

 

 

Voici donc pour conclure, un schéma résumant les spécificités de la prise en charge de la douleur au talon en fonction du temps et des symptômes exprimés :


 

Schéma adapté des travaux de Morrissey et al. (2021) pour NeuroXtrain

  

Conclusion

La prise en charge des douleurs au talon est une prise en charge globale nécessitant un suivit et une éducation thérapeutique primordiale.

Les cliniciens doivent cependant s’interroger sur la manière dont l’éducation est transmise à leurs athlètes pour s’assurer qu’il existe des conseils clairs sur le traitement et le changement de comportement, que les craintes soient apaisées et que l’apprentissage est vérifié plutôt qu’une simple transmission d’informations. En résumé, ce guide de recommandations doit informer et guider les soins des athlètes ou des patients, mais il reste encore du travail à faire pour garantir des approches thérapeutiques actualisées afin qu’ils puissent en bénéficier de manière optimale. 

 

Nouvelle technologie 

Ce produit développé par la société HighHealer est un petit appareil permettant de faire 5 exercices de rééducation pour des douleurs plantaires. Placé comme sur l’image ci-dessus, ce produit offre la possibilité de masser la région plantaire, d’étirer le fascia plantaire ou encore de venir renforcer les muscles intrinsèques du pied. Un embout triangulaire est fourni avec l’appareil et peut venir se conserver au froid ou alors à l’inverse dans un contexte de chaleur avec comme but de diminuer les douleurs de manière localisées si on le place au contact de la peau.

 


Crédits photo :

www.apemedical.com


Si l’appareil est inversé, il se maintient au sol pour faciliter un étirement de la chaîne postérieure de la jambe. Au total, ces 5 exercices réunis en 1 seul produit offrent la possibilité au thérapeute de soulager des douleurs plantaires notamment au niveau du talon.

 

Sources

(1) Sullivan, J., Pappas, E., & Burns, J. (2020). Role of mechanical factors in the clinical presentation of plantar heel pain: Implications for management. The Foot, 42, 101636 - Article sous License Creative Common CC BY-NC-ND 4.0

(2) Morrissey, D., Cotchett, M., Said JBari, A., Prior, T., Griffiths, I. B., Rathleff, M. S., Gulle, H., Vicenzino, B., & Barton, C. J. (2021). Management of plantar heel pain: a best practice guide informed by a systematic review, expert clinical reasoning and patient values. British Journal of Sports Medicine, bjsports-2019 - Article sous License Creative Common CC BY 4.0

 

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