Lésion musculaire des ischio-jambiers : explication et traitement

Publié le : 3 juillet 2022 à 00h19

Article rédigé par Thibaut GARÇON - MKDE

DESCRIPTION

Les blessures musculaires représentent la majeure partie des traumatismes retrouvés dans le sport de haut niveau, plus particulièrement dans des sports à haute intensité de course, de sprint et/ou de tir/frappe. Le principal groupe musculaire, touché par ces blessures musculaires (dans les sports avec les spécificités citées ci-dessus), est de loin le groupe musculaire des ischio-jambiers.

Il existe un large éventail de blessures liées aux ischio-jambiers qui peuvent survenir chez le sportif. Nous pouvons retrouver notamment des lésions musculaires aiguës des ischio-jambiers, des désinsertions complètes ou partielles du tendon des ischio-jambiers proximaux ou distaux, des tendinopathies des ischio-jambiers proximaux ou distaux et des douleurs référées à la partie postérieure de la cuisse (voir partie « diagnostic différentiel »).

 

 

ANATOMIE

Les ischio-jambiers sont constitués des muscles :

  • Semi-membraneux (SM).
  • Semi-tendineux (ST).
  • Biceps fémoral (BF), ce dernier possède à la fois un chef long et un chef court.

Ils naissent tous au niveau de la tubérosité ischiatique et atteignent la jambe par des prolongements aponévrotiques et des tendons.

La terminaison des muscles semi-tendineux et du semi-membraneux se situe sur la face médiale du tibia, tandis que le biceps fémoral et la fusion de ses 2 chefs s'attachent à la tête de la fibula en latéral. Alors que le biceps fémoral est superficiel et latéral, le semi-tendineux est superficiel et médial. Ensemble, ils constituent la totalité de la masse musculaire de la partie proximale des ischio-jambiers. La masse musculaire du semi-membraneux à une origine plus distale, augmentant vers les parties distales et médiales de la cuisse. Le chef court du biceps fémoral a également pour origine la partie distale et latérale de la cuisse, le long de la ligne âpre de la diaphyse fémorale.

 

ÉPIDÉMIOLOGIE

Parmi ces muscles, le biceps fémoral est le plus fréquemment blessé pendant le sport, suivi du semi-membraneux et du semi-tendineux. Ces traumatismes peuvent survenir lors de changement de direction,lors de coup de pied dans un ballon, ou pendant une course en sprint à pleine vitesse.

Chez les joueurs de football professionnels, l'incidence des blessures varie entre 1,06/1000 h (heures) et 5,87/1000 h d'exposition à l'entraînement et à la compétition. Entre 2001 et 2014, Ekstrand et al. ont enregistré 1614 blessures musculaires des ischio-jambiers dans 36 équipes de 12 pays européens sur 13 saisons consécutives. Parmi ces blessures, environ un tiers sont survenues pendant l'entraînement, et les 2/3 pendant les matchs officiels. Chaque saison, 21,8 % des joueurs ont subi au moins une blessure. L’évolution des blessures graves est globalement constante au cours des 13 saisons, bien que les blessures graves subies pendant les séances d'entraînement aient augmenté d'environ 4 %.

 

DIAGNOSTIC & ÉVALUATION

La première notion importante du diagnostic doit être statué à l’instant même de la blessure est de savoir si l’athlète peut (ou pas) continuer à jouer, il est donc nécessaire de se questionner sur :

  1. Comment est survenue la blessure ?
  2. Y a-t-il une impotence fonctionnelle ?
  3. Est-il capable de remarcher ou recourir ?
  4. Se sent-il capable de reprendre ?

En fonction des réponses apportées, un choix d’arrêt définitif ou alors de maintien sur le terrain (avec une pause de contention si nécessaire) peut être décidé.

Une des variables clés à prendre en compte par la suite est l’accès à un diagnostic d’imagerie rapide pour évaluer la gravité de la blessure et donc avoir une estimation du temps d’absence pour l’athlète. Pour des équipes de niveau professionnel, le diagnostic se fait généralement sous échographie ou IRM du fait de l’accès rapide qui leur est permis. Les différents grades lésionnels est leur classification sont disponible sur notre article : Lésions musculaires et tendon intramusculaire.

Hors du monde professionnel, l’accès rapide à l’imagerie pour des patients atteints de ce type de blessure reste limité. Il est donc important pour nous praticien de pouvoir diagnostiquer de manière plus « simple » pour avoir la prise en charge la plus optimale possible. C’est dans cette idée que Guillodo et ses collaborateurs ont proposé en 2012 de classer ces blessures en :

  • Lésion musculaire minime (arrêt inférieur à 40 jours)
  • Lésion musculaire grave (arrêt supérieur à 40 jours)

 

Afin de différencier ces 2 stades, Guillodo et son équipe ont relevé 5 facteurs cliniques qui permettent de différencier ces 2 stades :

 

 

Enfin, il parait primordial de vérifier les douleurs dans toutes les courses musculaires pour établir un bilan global. Ces signes peuvent être mis en place idéalement 3 jours après la blessure (après la phase inflammatoire initiale).

 

 

FACTEURS DE RISQUES 

Le facteur de risque numéro 1 dans le cadre d’une blessure musculaire est une blessure antérieure similaire. Une étude de cohorte prospective de joueurs de football masculins a montré que 10,5 % des joueurs ayant déjà subi une blessure aux ischio-jambiers et 4,6 % des joueurs n'ayant jamais subi de blessure aux ischio-jambiers ont subi une nouvelle blessure aux ischio-jambiers au cours d’une saison ce qui montre la réelle problématique de prise en charge d’un premier épisode de blessure. Une lésion musculaire des ischio-jambiers entraîne souvent un temps de récupération important et une longue période de susceptibilité accrue aux rechutes (le risque le plus élevé de récidive se situant dans les 2 premières semaines de reprise du sport).

 

Plusieurs autres facteurs contribuent probablement au taux élevé de blessures récurrentes, comme (liste non exhaustive) :

  • La faiblesse persistante du muscle blessé.
  • L’extensibilité réduite de l'unité musculo-tendineuse en raison du tissu cicatriciel résiduel.
  • Les déséquilibres du ratio de force des ischio-jambiers et du quadriceps, la diminution de la souplesse des quadriceps.
  • La diminution de la souplesse des fléchisseurs de la hanche.
  • Les déficits de force et de coordination de la musculature pelvienne et du tronc.
  • Les changements adaptatifs dans la biomécanique et les schémas moteurs des mouvements sportifs après la blessure initiale.

 

Il semblerait probable que la taille, le poids et l'indice de masse corporelle n'aient aucune influence sur l'incidence des blessures des ischio-jambiers.

 

TRAITEMENTS & PRÉVENTION

L'objectif principal de la rééducation d'une blessure musculaire des ischio-jambiers est de permettre à l'athlète de reprendre le sport à un niveau de performance antérieur à la blessure avec un risque minimal de récidive. La rééducation doit donc s'attaquer aux facteurs de risque modifiables, tels que la faiblesse et la fatigue des ischio-jambiers, les déséquilibres de la force des ischio-jambiers par rapport au quadriceps ou encore (entre autres), les déficits de force et de coordination de la musculature du bassin et du tronc.

 

En fonction des grades lésionnels, la première phase commune à chacune de rééducation est la période de cicatrisation. La différence entre une atteinte minime (grade inférieur ou égal 2) et grave (grade supérieur ou égal à 3) est la présence d’un hématome. Il y aura donc une attention particulière dans les grades supérieurs, avec une obligation d’éducation au PEACE & LOVE pour nos athlètes.

 

L’utilisation de cryothérapie ou de thermothérapie est encore en débat, surtout dans les grades élevés ou le froid avec ses propriétés anti-inflammatoires peut sembler contre-productif. À l’inverse, de nombreuses études commencent à émerger sur l’utilisation de chaud et ses propriétés pour favoriser l’inflammation et aider à la cicatrisation. Cependant, dans les grades élevés, où le gonflement et la douleur peuvent persister, l’utilisation de froid peut s’avérer utile pour réduire l’œdème localement sans traitement médicamenteux. Il n’existe pas encore de consensus sur le sujet.

 

De nombreux protocoles de rééducation existent sur le sujet, nous vous proposons un ici mis en œuvre par Erikson et ses collaborateurs en 2017. Leur guideline est divisée en 3 phases, avec des objectifs de traitement spécifiques et des critères de progression pour l'avancement des phases et le retour au sport. Nous vous invitons à lire l’étude citée en source pour plus d’informations.

 

Tous les exercices doivent être progressifs en fonction de la tolérance de l'athlète, une vigilance particulière: aux douleurs, à une raideur accrue ou à une anxiété lors des mouvements, doit être mise en place.

La prévention quant à elle doit s’attaquer aux principaux facteurs de risques cités précédemment.Certains protocoles existent comme le FIFA 11+, le L-Askling protocol ( Prise en charge des blessures aux ischio-jambiers dans le football ), qui peuvent s’avérer utile pour réduire la raideur des ischio-jambiers et favoriser un meilleur contrôle moteur. De plus, de nombreux auteurs s’accordent à utiliser l'exercice du Nordic Hamstring comme exercice fondamental dans leur programme de prévention. Il reste néanmoins crucial d’individualiser et de personnaliser vos programmes en fonction des facteurs de risques identifiés.

 

 

  

DIAGNOSTICS DIFFÉRENTIELS

Compte tenu des causes potentielles de la douleur postérieure de la cuisse, le diagnostic différentiel des lésions aiguës des ischio-jambiers comprend :

 

 

Les causes de la douleur référée à la partie postérieure de la cuisse comprennent le syndrome du piriforme, une sensibilité neurale (retrouvé sur des tests positifs en neurodynamie), une hernie discale lombaire qui entraîne une compression des racines nerveuses, ou un dysfonctionnement de l'articulation sacro-iliaque.

Ces athlètes présentent généralement des symptômes variables dans la région lombaire, allant de l'absence de douleur dorsale à une douleur dorsale importante. D'autres symptômes incluent des crampes et des tensions musculaires dans la partie postérieure de la cuisse, des engourdissements, des picotements et des douleurs fulgurantes. Attention à ne pas négliger les douleurs viscérales associées et de réorienter vers un autre professionnel de santé pour des examens complémentaires si nécessaire.

 

Tout le contenu de cet article est présenté à titre informatif. Il ne remplace en aucun cas l’avis ou la visite d’un professionnel de santé.

 

Sources:

Erickson, L. N., & Sherry, M. A. (2017). Rehabilitation and return to sport after hamstring strain injury. Journal of Sport and Health Science, 6(3), 262270 - Article sous License Creative Commons CC BY-NC-ND 4.0

Balius, R., Pedret, C., Iriarte, I., Sáiz, R., & Cerezal, L. (2019). Sonographic landmarks in hamstring muscles. Skeletal Radiology, 48(11), 16751683 -  Article sous License Creative Commons BY 4.0

Biz, C., Nicoletti, P., Baldin, G., Bragazzi, N. L., Crimì, A., & Ruggieri, P. (2021). Hamstring Strain Injury (HSI) Prevention in Professional and Semi-Professional Football Teams : A Systematic Review and Meta-Analysis. International Journal of Environmental Research and Public Health, 18(16), 8272 - Article sous License Creative Commons CC-BY 4.0

Guillodo, Y., Bouttier, R., & Saraux, A. (2012). De la clinique à l’imagerie : signes de gravité et d’indisponibilité sportive d’une lésion musculaire. Journal de Traumatologie du Sport, 29(4), 226-230  

Danielsson, A., Horvath, A., Senorski, C., Alentorn-Geli, E., Garrett, W. E., Cugat, R., Samuelsson, K., & Hamrin Senorski, E. (2020). The mechanism of hamstring injuries – a systematic review. BMC Musculoskeletal Disorders, 21(1) - Article sous License Creative Commons 4.0

 

 

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