Prise en charge des lésions musculaires chez les footballeurs

Publié le : 2 mars 2021 à 22h54

Article rédigé par Clément Boudot 

 

Les lésions musculaires sont de plus en plus courantes dans le football. Elles sont en partie dues à une augmentation du nombre de matchs joués par saison, de la distance parcourue en un match (à basse et haute vitesse) et de la diminution des temps de récupération.

En moyenne, un joueur de football va subir 2 blessures par saison (2). Une équipe composée de 25 joueurs aura donc 50 blessures (plus ou moins grave) lors d’une seule et même saison. L’incidence moyenne des blessures pour une équipe lors d’une saison est de environ 8/1 000 heures, avec une incidence plus importante lors des matchs que lors des entraînements (2). Dans le milieu du football, 31 % de toutes ces blessures sont des déchirures musculaires.

De toutes les lésions musculaires rencontrées dans le football 37 % se situent au niveau des ischio-jambiers, 23 % au niveau des adducteurs, 19 % se situent au droit fémoral/quadriceps ainsi que 13 % au mollet.

La « Danish Society of Sport Physical Therapy (DSSF) » a résumé et évalué les données sur le diagnostic, la prévention et le traitement des blessures musculaires des membres inférieurs les plus courants dans le football.

 

Ischio-jambiers 

 

  • Diagnostic :

La plupart des tests cliniques, ont une efficacité diagnostic très faible lorsque l’on parle de lésion aux ischio-jambiers. Cela signifie que le changement de la probabilité pré-test (suspicion ou non d’une de lésion) au post-test (diagnostic final) est minime pour la plupart de ces tests. C’est-à-dire qu’ils ne sont pas capables de prédire avec certitude le diagnostic final souvent réalisé a l’imagerie.

Les test cliniques réalisés en pré-test pour envoyer un athlète ou non à l’IRM étaient, le test de douleur lors de la résistance et/ou de l’étirement des muscles ischio-jambiers.

La probabilité d’avoir un IRM indiquant une lésion aux ischio-jambiers était de 78 % (probabilité pré-test) avant d’effectuer les tests cliniques, et cela est passé de 80 % à 84 % (probabilité post test) pour un test positif. Pour un test négatif, la probabilité d’avoir une lésion aux IJs à l’IRM était de 59 % à 73 %. En pratique, cela signifie que 59 % à 73 % des joueurs auront toujours une lésion aux ischio-jambiers malgré un test négatif. Ces tests semblent donc fournir une valeur limitée pour diagnostiquer ou non une blessure aux ischio-jambiers. 

Le seul test avec une efficacité diagnostique élevée est le « Taking Off Shoes Test » (TOST test) qui a montré une concordance parfaite avec l’échographie lorsqu’elle est positive. Cela signifie qu’un test négatif est très efficace pour exclure une lésion aux ischio-jambiers.

L’efficacité limitée des tests peut être en partie expliquée par le fait que les études incluent des patients dont l’interrogatoire nous indique clairement une déchirure aux IJs et les patients ont également une échographie diagnostiquant déjà une lésion. Ces éléments à eux seuls nous apportent une probabilité pré-test déjà important. Ainsi, il est possible que la douleur lors de l’étirement et/ou de la contraction n’apporte pas de valeur supplémentaire dans le cadre clinique lors du diagnostic des lésions aux ischio-jambiers, bien qu’ils soient considérés comme importants par la plupart des experts.

 

 

 

  • Prévention :

Plusieurs protocoles de prévention des blessures des ischio-jambiers ont été étudiés.

Les plus hauts niveaux de preuves pour la prévention des lésions aux ischio-jambiers ont été observés pour des interventions :

  • De renforcement musculaire incluant le nordic hamstring curl
  • Le protocole FIFA 11+
  • Et le protocole original du Nordic Hamstring Curl de 10 semaines

Ces interventions permettent une réduction de 45 % à 65 % du risque de blessures aux IJs.

Cependant, ces résultats ne sont qu’en partie conformes à la pratique de prévention utilisée dans le football de haut niveau. Dans une étude menée auprès des clubs 66 % ont déclaré utiliser le Nordic Hamstring Curl comme stratégie préventive. Cependant, la plupart des clubs d’élite (> 80 %) ne suivent pas le protocole du Nordic Hamstring Curl sur 10 semaines comme préconisé, diminuant ainsi l’effet préventif du protocole.

De même, dans les équipes professionnelles de football jeunes, l’intervention FIFA 11+ n’a été entièrement réalisée que dans 12 % des séances d’entraînement au cours d’une saison.

Ces observations, concernant une faible compliance aux protocoles, pourraient expliquer en partie la hausse continue des déchirures aux IJs dans le football de haut niveau.

Il existe également des preuves modérées pour un programme comprenant des exercices de pliométrie et des gammes de course à pied.

 

  • Traitement 

Plusieurs interventions pour le traitement des lésions aux IJs ont fait l’objet d’étude, comme des exercices ciblés sur les ischio-jambiers, le tronc, mais également des étirements, la course à pied, des exercices d’agilité et les injections (PRP par exemple).

Il est difficile de comparer les résultats des différentes études. En effet, elles n’ont pas toutes utilisé la même définition de « temps de retour au jeu », ce qui ne permet pas de conclure la supériorité d’un traitement sur un autre dans le délai de retour au jeu en raison des différences de définition.

Cependant, les programmes de rééducation axés sur des exercices excentriques progressifs des ischio-jambiers, complétés par des exercices de course semblent se traduire par des temps de retour au jeu les plus courts avec un faible risque de recidive. Ainsi, les exercices visant à renforcer les ischio-jambiers proches de leur amplitude maximale (comme le L-protocole de Askling) ont montré un retour au jeu significativement plus rapide. Aucune seconde blessure par rapport aux exercices conventionnels n’est survenue.

Cependant, dans une étude récente, les exercices visant à renforcer les ischio-jambiers proches de leur amplitude maximale ont montré un taux de secondes lésions sensiblement plus élevé de 25 % par rapport à un programme diversifié (renforcement, sprint, saut, proprioception, etc). Ce programme diversifié est basé sur des critères pour augmenter les charges de travail, avec un taux de seconde lésion de 4 %, mais avec des différences non significatives dans le délai de retour au jeu.

Enfin, il ne semblerait pas exister d’effet significatif des injections de PRP sur le temps de retour au jeu et le risque de nouvelles blessures.

 

Adducteur

 

  • Diagnostic :

Une efficacité de diagnostic élevée a été observée pour les tests de palpation des adducteurs pour écarter le diagnostic de déchirure en amont d’une IRM. Serner et al (2016) ont observé que 57 % des athlètes qui venait de réaliser une IRM avaient une lésion sur les clichés (probabilité pré-test), mais qu’après un test de palpation négatif, la probabilité de retrouver à l’IRM une lésion diminuait à 9 %. Ainsi, le clinicien peut être assez certain qu’aucune lésion aux adducteurs n’est présente si l’athlète ne rapporte aucune douleur à la palpation.

Des résultats intéressants pour le diagnostic des lésions des adducteurs ont également été observés pour plusieurs tests cliniques. La douleur lors du test de compression, lors de la contraction isométrique des adducteurs et lors de l’étirement passif des adducteurs, peuvent être incluse dans la pratique avec des changements probabilité pré-test à post-test de 57 % à 81 % pour un test positif. Ainsi, ces tests pourraient être utilisés pour émettre l’hypothèse d’une lésion des adducteurs, bien qu’un test positif soit toujours associé à une incertitude. Un athlète sur cinq avec un test positif n’aura pas de lésion à l’IRM.

 

 

  • Prévention :

Plusieurs protocoles de prévention ont été étudiés principalement dans le football. Cependant, aucune étude n’a spécifiquement testé de protocole de prévention pour la déchirure des adducteurs.

Le « Copenhague adduction exercice », effectué à différents niveaux d’intensité est le programme ayant les meilleures preuves pour la prévention des blessures aux adducteurs. Cependant ces preuves ne se concentrent pas seulement sur les déchirures des adducteurs, mais sur l’ensemble des blessures en relation avec une sur-utilisation. Ainsi, la réduction du risque de blessure de 41 % comprend tous les types de blessures en partant de simples courbatures en allant aux blessures les plus sévères. Il est donc possible que ce programme ne soit pas assez spécifique sur les déchirures aux adducteurs.

Le programme FIFA 11+ a également montré une réduction du risque de blessure aux adducteurs de 42 % chez les footballeurs.

L’effet préventif des programmes se basant sur le renforcement musculaire des adducteurs indique l’importance de se concentrer sur les gains de force d’adduction de la hanche pour la prévention de ce style de pathologies.

Ces résultats sont en partie conformes aux pratiques de prévention dans les clubs de football pour les blessures à l’aine, bien que peu de clubs ont spécifiquement effectué le programme « Copenhague adduction exercice ».

 

  • Traitement :

Aucune étude n’a été identifiée pour le traitement des déchirures de l’adducteur, alors que les blessures aiguës des adducteurs sont considérées comme une blessure musculaire courante dans le monde du football. Cependant, la littérature actuelle concernant la douleur en relation aux adducteurs recommande de se baser sur une rééducation active avec un large accent sur le renforcement musculaire des adducteurs.

 

Quadriceps 

 

  • Diagnostic :

Une bonne efficacité de diagnostic est retrouvée lors de la palpation du droit fémorale pour prédire si une lésion sera retrouvée à l’IRM.

La palpation a montré un changement intéressant dans la probabilité pré-test à post-test, de 13 % à 62 % pour un test positif et de 13 % à 0 % pour un négatif. Bien que le test ait montré une grande efficacité diagnostique, la probabilité de 62 % après le test positif suggère que la palpation est encore associée à de grandes incertitudes dans le diagnostic ; c’est-à-dire qu’environ un athlète sur trois ayant un test de palpation positif n’a pas de déchirure.

Le clinicien peut par contre être quasiment certain qu’aucune blessure n’est présente si l’athlète ne rapporte aucune douleur lors de la palpation.

 

  • Prévention :

Le programme FIFA 11+ est le programme ayant la meilleure efficacité dans la prévention des blessures de la loge antérieure de la cuisse. Ce programme a permis une diminution du risque de blessures au quadriceps de 27 % comparé aux interventions conventionnelles. Les effets bénéfiques du programme FIFA 11+ pourraient être le résultat d’un gain de force des muscles de la hanche et du genou.

Il devrait cependant être a noté que les programmes de prévention ont été étudiés sur les blessures de la loge antérieure de la cuisse et n’ont pas spécifiquement sur le quadriceps.

 

  • Traitement :

Il y’a un manque de littérature pour guider le traitement des lésions du quadriceps.

Néanmoins une étude de cas sur des footballeurs australien n’a observé aucune blessure après une rééducation en deux phases basée sur des critères/test qui permettait de décider d’augmenter ou non la charge des entraînements. La progression de la charge se faisait notamment sur la course/sprint ainsi que les frappes.

 

Tout le contenu de cet article est présenté à titre informatif. Il ne remplace en aucun cas l’avis ou la visite d’un professionnel de santé.

 

 

Sources :

Ishøi, L., Krommes, K., Husted, R. S., Juhl, C. B., & Thorborg, K. (2020). Diagnosis, prevention and treatment of common lower extremity muscle injuries in sport – grading the evidence: a statement paper commissioned by the Danish Society of Sports Physical Therapy (DSSF). British journal of sports medicine, 54(9), 528–537. Article sous Creative Commons Attribution Non Commercial (CC BY-NC 4.0) license.

(2) Ekstrand, J., Hägglund, M., & Waldén, M. (2011). Injury incidence and injury patterns in professional football: the UEFA injury study. British journal of sports medicine, 45(7), 553–558

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