Optimiser le renforcement musculaire des ischio-jambiers

Article rédigé par Thibaut Garçon

Le mécanisme le plus fréquemment retrouvé lors des blessures musculaires aux membres inférieurs regroupe les blessures dites « indirectes » associées à des sprints, des frappes ou des situations « d’overstreching » (étirement maximal) du muscle. Cliniquement, les lésions musculaires de ce type sont caractérisées par une douleur soudaine, généralement localisée dans un compartiment musculaire spécifique, surviennent lors d’une contraction excentrique, qui, selon sa gravité, peut immédiatement empêcher l’athlète de poursuivre son activité sportive. Les lésions musculaires aiguës sont caractérisées par un œdème, un engorgement vasculaire et une infiltration cellulaire découlant du phénomène d’inflammation mis en place par le corps, indispensable à la régénération des tissus.

Statistiquement, les blessures musculaires du membre inférieur, chez les joueurs de football notamment, touchent en majorité le groupe musculaire des ischio-jambiers avec une incidence pouvant aller jusqu’à 35 % des blessures totales au football. (Ekstrand et al., 2009) (1). Les blessures aux ischio-jambiers impliquent le plus souvent la partie proximale de la longue portion du biceps fémoral, représentant environ 60-85 % de toutes les blessures aux ischio-jambiers.

Anatomie

Le groupe musculaire des ischio-jambiers est composé de 3 muscles (biceps fémoral, semi-tendineux et semi-membraneux) prenant leurs insertions au niveau de la tubérosité ischiatique du bassin et du fémur et se terminant au niveau du genou.

Le semi-tendineux fait également partie des muscles de la « patte d’oie » qui s’insère au niveau la partie interne et antérieure du tibia.

Le biceps fémoral est, du comme l'indique sa terminologie, divisé en deux portions. Le tendon proximal de la longue portion du biceps fémoral et du semi-tendineux également se trouve sur la face postéro-médiale de la tubérosité ischiatique. Ensemble, ils constituent toute la masse musculaire de la partie proximale des ischio-jambiers que l’on ressent à la palpation. La courte portion du biceps fémoral provient quant à elle du bord postéro-latéral du fémur, le long de la ligne âpre. Elle fusionne avec la longue portion au niveau de la partie distale de la cuisse, formant une structure aponévrotique. Le tendon distal conjoint des deux portions s’attache à la tête de la fibula (plus communément nommé péroné).

Le semi-membraneux prend une origine distincte et séparée et qui est antérolatérale par rapport à l’origine commune du tendon du biceps fémoral et du semi-tendineux. Il se termine au niveau du genou sur sa partie interne et postérieure et il possède des insertions sur la partie postérieure du genou.

Crédits images : running-care.com (adapté par NeuroXtrain)

Rappel des différentes classifications des blessures musculaires

Les systèmes de classification actuels des lésions musculaires se basent essentiellement sur les résultats des imageries comme les ultrasons ou l’IRM. Au cours des sept dernières années, trois classifications des lésions musculaires ont été publiées, dont la déclaration de Consensus de Munich, la classification des lésions musculaires du British Athletics et la classification du FC Barcelona-Aspetar-Duke, dont les principales caractéristiques sont présentées dans le tableau ci-après (Isern-Kebschull et al., 2020) (2).

Deux des systèmes de classification (Munich et FC Barcelone-Aspetar-Duke) les plus utilisés par les médecins n’utilisent pas une quantification aussi stricte des caractéristiques atteintes du muscle (aire de section de coupe transversale atteinte, localisation précise, œdème…) Cependant, afin de classer les lésions en fonction de leur gravité et de leur pronostic, le British Athletics Muscle Injury suggère de mesurer ces résultats. En revanche, seule la classification du FC Barcelona-Aspetar-Duke inclut le mécanisme d’action de l’événement traumatique et sa localisation par rapport à l’ensemble du corps musculaire, alors que la déclaration du consensus de Munich est le seul système qui inclut les troubles musculaires induits par la fatigue et les DOMS. Savoir où se situe l’atteinte de la lésion peut être d’une importance primordiale en rééducation notamment au travers d’exercices ciblés comme nous allons voir.

Dans les trois systèmes de classification, l’implication du tissu conjonctif épais, en particulier en cas de rétraction, est considérée comme un signe caractéristique d’un mauvais pronostique. Elle se manifeste généralement sur le plan clinique par une perte de fonction. Les lésions d’avulsion apophysaire (atteinte osseuse) ne sont prises en compte dans aucun des systèmes de classification.

Présentation de différentes approches spécifiques de renforcement musculaire des ischio-jambiers

Du fait de ses insertions bi-articulaires (bassin-hanche et genou), deux approches peuvent être établies : des exercices à composante de flexion/extension de hanche ou des exercices de flexion/extension de genou. Nous allons ici présenter 4 exercices spécifiques et issus des travaux adaptés de Mendez-Villanueva et de ses collaborateurs (2016) (3) :

Leg curl – Composante principale : flexion/extension de genou

Pour cet exercice, des mouvements de flexion et d’extension de genou (composé d’une phase concentrique des ischio-jambiers lors de la première phase de flexion, et ensuite d’une phase excentrique lors de l’extension de genou) sont réalisés en position allongée ou debout en fonction du matériel à disposition.

Nordic hamstring — Composante principale : flexion/extension de genou

L’exercice se commence en position à genou avec le tronc droit. Une autre personne ou un matériel externe applique une pression sur les talons pour s’assurer que les pieds restent en contact avec le sol pendant tout le mouvement. Le but étant de résister le plus longtemps possible à un mouvement de chute vers l’avant en utilisant ses ischio-jambiers, et d’essayer de maintenir la tension le long de la chute. Dès que le maintien est impossible, il est conseillé de mettre les mains en avant et d’amortir la chute.

Russian Belt Deadlift – Composante principale : flexion/extension de hanche

La position de départ est en position debout au-dessus d’une plate-forme légèrement inclinée (~ 45°) et une ceinture (ou un élastique rigide) est placé juste au-dessus du genou. Comme pour un exercice de soulevé de terre, et avec une antéversion du bassin effectuée juste avant de commencer l’exercice, l’athlète ou le patient se penchent en avant (c’est-à-dire en flexion des hanches) pendant la phase excentrique pour toucher le sol avec leurs mains. Ensuite, les athlètes effectuent une extension de la hanche pendant la phase concentrique pour revenir à la position de départ.

Extension de hanche en décubitus dorsal — Composante principale : flexion/extension de hanche

L’exercice doit être effectué en position couchée, une sangle avec un poids ou un élastique étant placée autour de la cheville. L’extension de la hanche en concentrique associé à une extension du genou se fait pendant la phase de descente de la jambe et active les ischio-jambiers en concentrique. L’extension de la hanche s’effectue contre résistance, recrutant ainsi les ischio-jambiers en mode excentrique. L’activation des muscles abdominaux et lombaires est également mise en avant pendant l’exercice, et la jambe libre doit être bloquée par un intervenant externe pour ne pas pouvoir compenser.

Pour plus de détails concernant l’exécution des exercices, nous vous invitons à regarder les vidéos disponibles dans l’article de Mendez-Villanueva et de ses collaborateurs (2016) (3).

Activation musculaire et impact sur la rééducation

Dans l’étude de Mendez-Villanueva et al., (2016), les résultats suggèrent que dans l’ensemble :

• L’exercice de leg curl semble imposer une activation élevée, assez homogène (c’est-à-dire de toutes les régions musculaires) et reproductible (c’est-à-dire aux mêmes endroits entre les athlètes lors de chaque tentative) du semi-tendineux et du biceps fémoral.

• L’exercice nordic hamstring des ischio-jambiers peut être recommandé lorsque l’objectif est de cibler le semi-tendineux et le biceps fémoral.

• Le Russian deadlift était le seul exercice examiné qui affichait une augmentation substantielle et constante de l’activité musculaire du semi-membraneux dans toutes les régions (proximale, centrale et distale) du muscle.

• L’extension de hanche en position allongée serait optimale pour renforcer et réactiver la partie proximale de la longue portion du biceps fémoral notamment lors des phases excentriques contre résistance lorsque la hanche est ramenée à 90° de flexion

Les résultats plus détaillés sont présentés dans le tableau ci-dessous :

(les + représentants le taux d’activation musculaire, les — peu d’activation musculaire, et les couleurs associées aux + représentants significativement : rouge = résultats probables, orange = très probables, vert = presque certains, calculé grâce au coefficient de variation).

(P = région proximale du muscle / M = région centrale du muscle / D = région distale

Tableau de Mendez-Villanueva et al., (2016) adapté par NeuroXtrain

Dans cette étude les exercices de leg curl et d’extension de hanche en position allongée étaient réalisés avec du matériel isoinertiel, les résultats ne doivent donc pas être transposés à l’identique sur du matériel plus classique.

Conclusion

Les muscles de la région des ischio-jambiers sont connus pour avoir des caractéristiques architecturales et géométriques différentes qui se traduisent par des activités musculaires distinctes lors de tâches fonctionnelles. Des atteintes à ce niveau sont fréquentes en traumatologie du sport, il faut donc être conscient des enjeux et des attentes de telles rééducations.

Au travers d’une classification choisie par le médecin ou un expert en imagerie, il convient de plus de discuter avec l’athlète ou le patient de la zone précise du muscle touchée par la blessure. En effet au travers des différents résultats présentés, nos exercices de renforcement musculaire ne sont pas uniformes et possèdent des spécificités propres. Il faut donc personnaliser au mieux nos rééducations afin d’être le plus efficient possible.

Nouvelle technologie

Crédits: sport-orthèse.com

L’échographe Ultrasound Unlimited est un matériel d’échographie de poche sans-fil pouvant être relié à une tablette ou un smartphone avec une qualité d’image optimale. Cet appareil est également capable de visualiser la caractéristique du système circulatoire grâce à son mode Doppler. Ce dispositif offre la possibilité d’envoyer des rapports clairs pour un médecin ou un autre professionnel de santé afin de permettre un suivit efficace d’une pathologie.

Il permet d’envisager une tout autre pratique dans le bilan initial du kinésithérapeute ou pour un suivie de traitement et la rend aussi accessible aux kinésithérapeutes formés à cette technique d’imagerie. Il peut également être très utile en cas de déplacement grâce à sa facilité de transport ce qui permet d’avoir un diagnostic très rapide en cas de blessure, lorsque le matériel et les installations médicales ne sont pas disponibles immédiatement.

Tout le contenu de cet article est présenté à titre informatif. Il ne remplace en aucun cas l’avis ou la visite d’un professionnel de santé. Voir nos CGU pour plus d’informations.

Sources

(1) Ekstrand, J., Hagglund, M., & Walden, M. (2009). Injury incidence and injury patterns in professional football: the UEFA injury study. British Journal of Sports Medicine, 45(7),

(2) Isern-Kebschull, J., Mechó, S., Pruna, R., Kassarjian, A., Valle, X., Yanguas, X., Alomar, X., Martinez, J., Pomés, J., & Rodas, G. (2020). Sports-related lower limb muscle injuries: pattern recognition approach and MRI review. Insights into Imaging, 11(1). Article sous licence Creative Commons CC BY 4.0.

(3) Mendez-Villanueva, A., Suarez-Arrones, L., Rodas, G., Fernandez-Gonzalo, R., Tesch, P., Linnehan, R., Kreider, R., & Di Salvo, V. (2016). MRI-Based Regional Muscle Use during Hamstring Strengthening Exercises in Elite Soccer Players. PLOS ONE, 11(9), e0161356. Article sous licence Creative Commons COO.