Prise en charge des blessures aux ischio-jambiers dans le football

Publié le : 2 mars 2019 à 15h58

Réédité le: 10 mai 2020 à 10h45

Article rédigé par Nathan Touati et Antoine Frechaud

 

Le protocole optimal de renforcement des ischiojambiers (IJ), dans le football élite n’a probablement toujours pas été découvert que ce soit dans la prévention ou dans le traitement. Cependant, nous pouvons apporter de plus en plus de nouvelles précisions. Commençons d’abord par quelques rappels anatomiques sur ce groupe de muscles clefs dans le football.

Rappels

Le groupe ischiojambiers est composé pour la partie latérale, le biceps fémoral chef long (BFcl) et chef court (BFcc) et pour la partie médiale, le muscle semi-tendineux et le muscle semi-membraneux.

Une note importante : ils traversent tous 2 articulations (hanche et genou) à l’exception du chef court du biceps fémoral qui ne traverse que le genou et agit donc uniquement en tant que fléchisseur de genou.

Les muscles synergiques des IJ (les muscles qui renforcent ou qui limitent le même mouvement) sont le grand fessier, le gracile et l’adducteur magnus et les gastrocnémiens.

La nature biarticulaire du BFcl, du semi-tendineux et du semi-membraneux leur confère la capacité d’agir à la fois en tant que fléchisseur du genou et extenseur de hanche.

Il faut savoir que 80% des blessures aux IJ dans le football professionnel européen possèdent leur première localisation au niveau du chef long du biceps fémoral et arrivent lors d’un sprint.

Les récurrences demeurent encore très présentes, ce qui suggère qu’il y a toujours une faille au niveau de la prévention et/ou de la rééducation.

 

Mécanisme de blessure 

Nous commençons de plus en plus à comprendre le mécanisme de lésion musculaire des ischiojambiers qui semble simple, mais qui, pourtant, est multifactoriel.

Une lésion aux IJ peut arriver de 2 façons :

  • Lors d’un sprint et d’une soudaine décélération: Il s’agit de la déchirure la plus commune, les forces excentriques sur les IJ pour contrer l’extension de genou sont alors trop puissantes par rapport à la force du tissu, le muscle se rompt. Elles touchent en général le chef long du biceps fémoral au niveau de la jonction musculotendineuse proximale. Dû aux différences de vascularisation, plus la lésion est proche de la tubérosité ischiale, plus la rééducation sera longue.

 

  • Lors d’une flexion de hanche excessive « overstretch »: une flexion de hanche excessive peut également entrainer une déchirure des IJ, en revanche, dans ce cas-là c’est le semi-membraneux qui est plus souvent affecté.  La rééducation est plus longue pour ce type de lésion.

 

Traitement 

Valle et al. sont arrivés à proposer un traitement complet qui prend en compte plusieurs types d’entrainement de parties du corps afin de maximiser les bénéfices du traitement et d’éviter les récidives. Également adapté par le FC Barcelone, voici le traitement complet  :

 

Phase aiguë

Phase subaiguë

Phase fonctionnelle

Proprioception

Sur une surface stable puis gentiment progresser vers une surface instable (Airex, coussin instable, etc.)

 

Flexion de genou : débuter à 10° puis progresser jusqu’à 30°

 

Mouvement statique pour commencer puis progression avec des mouvements dynamiques.

Augmenter l’instabilité (bosu, planche en bois instable, rocker board etc.)

 

Flexion du genou : progresser jusqu’à 45°

Mouvements réactifs modérés / Mouvement en force modérés

Mouvements + actif et ample

Surface instable

 

Flexion de genou : progresser jusqu’à 90°

Mouvements intenses en force et en réaction

 

Ceinture abdominale, stabilité pelvico-lombaire

Exercices statiques sur une surface stable, en plan transerval, sagittal et frontal.

Exercices dynamiques sur une surface stable, en plan transerval, sagittal et frontal puis progresser sur une surface en1 point instable (swiss ball, Airex)

Exercices dynamiques sur 2 points instables (TRX, Swiss ball etc.)

 

Exercices en position debout, visant à imiter les mouvements et contractions spécifiques au sport (accélération, décélération, stabilisation dynamique)

Amplitude et flexibilité

Étirement avec ESH* < 45°.

Éviter la douleur.

Étirement avec ESH* < 70°.

Éviter la douleur.

Pas de limites.

Force et puissance

ESH* < 45°, éviter la douleur.

Mouvement isolé : Flexion de genou /extension de hanche.

Progression à la combinaison des deux mouvements.

Initiation du travail en chaine cinétique fermée :

Exercices unipodaux puis progression en bipodaux.

Travail en : (ESH* >45°)

1)    Isométrique

2)    Concentrique

3)    Excentrique

Progression possible en allongeant le muscle en évitant la douleur et l’inconfort.

ESH* < 70°, éviter la douleur.

Dans les limites de cet ESH*, progresser en amplitude, charge et vitesse. Possibilité de combiner ces différents composants.

 

 

Chaine cinétique ouverte et fermée en uni et bipodal.

Pas de limites.

 

Progresser en vitesse, charge, durée complexité, et amplitude.

 

Application d’exercices de renforcement dans le plan horizontal.

Neuromusculaire et fitness

ESH* < 45°, éviter la douleur.

Afin de réduire la contraction excentrique, commencer sur une surface « soft » (ex : tapis) puis progresser sur une zone plus « dure » (ex : goudron, terrain, etc.)

Commencer à marcher sur un tapis roulant, vitesse < 8km/h, 5% de pente afin de réduire le ESH*.

ESH* < 70°, éviter la douleur.

Commencer sur une surface « soft » puis progresser sur une zone plus « dure » (ex : goudron, terrain, etc.)

Course sur tapis, progresser jusqu’à 70% de la vitesse maximale de l’athlète, 3% de pente pour réduire le ESH*.

 

Aucune limite.

 

Course sur surface dure.

 

Progresser jusqu’à la vitesse maximale sur du plat puis progresser sur une course en descente afin d’allonger l’ESH*.

*ESH: "Elongation stress on hamstrings" Il s'agit d'un outil permettant d'estimer la tension sur les IJ. Il se calcule en soustrayant l'angle de flexion du genou à l'angle de flexion de la hanche. 

 

Le « L protocol »

Très connu dans le monde du football, le L protocol d’Askling se base sur 3 exercices excentriques qui permettrait un retour à la compétition évitant les récidives et plus rapidement (28j contre 54j en moyenne). Ces exercices sont complexes, l’exécution initiale doit être lente et petit à petit une progression en rapidité peut se réaliser.

Les 3 exercices sont :

« L’extender » : Hanche à 90° + lentes extensions de genou (2/j 3x12)

« Le diver » : Jambe lésée en appui 10-20° de flexion de genou  + buste qui bascule vers l’avant en conservant l’alignement naturel et la jambe arrière à 90° (1x tous les 2j – 3x6)

« Le glider » : Pour cet exercice il faut s’aider d’une rampe ou d’un élastique. Poids sur le talon de la jambe lésée à 10-20° de flexion du genou + jambe saine glisse vers l’arrière et s’arrête avant que la douleur ne soit ressentie. Retour uniquement grâce à la force des bras. (1x tous les 3j – 3x4)

 

Nordic curl

Le nordic curl est un exercice pour les IJ très populaire et réputé très efficace par la science. En effet, cet exercice à composante excentrique réduit significativement le risque de blessures aux IJ chez les joueurs de football. En revanche, il ne réduit pas la sévérité de la blessure.

Crédits: prohealthphysio.com

« Prone Leg Curl »

Crédits: Amazon

Lors de l’exécution du mouvement, la hanche est dans une position fixe et statique. Cela peut donc limiter l’activation BFcl (biarticulaire) par rapport au BFcc. Cela peut s’avérer alors contre-productif dans le programme de réhabilitation pour une blessure au BFcl.

 

Nouvelles technologies

NordBord est un système électronique connecté permettant de mesurer en temps réel la force des IJ lors de la performance du nordic curl en excentrique ou isométrique. Il peut s’avérer très important dans la prévention de blessure des IJ car il permet de s’apercevoir des déséquilibres entre les 2 IJ (gauche et droit) par exemple, ce qui constituerait un facteur de risque supplémentaire.

Crédits: Vald Performance

Tout le contenu de cet article est présenté à titre informatif. Il ne remplace en aucun cas l’avis ou la visite d’un professionnel de santé.

Cet article n'inclut pas de partenariat commercial avec les produits cités. Ils ne sont présentés qu'à titre d'exemple en rapport avec l'article.

 

Sources:

Valle, X., L Tol, J., Hamilton, B., Rodas, G., Malliaras, P., Malliaropoulos, N., Rizo, V., Moreno, M., & Jardi, J. (2015). Hamstring Muscle Injuries, a Rehabilitation Protocol Purpose. Asian journal of sports medicine, 6(4), e25411. https://doi.org/10.5812/asjsm.25411. Articles sous Creatives Commons Licence 4.0 CC-BY-NC. Modifications apportées : Traduction. https://creativecommons.org/licenses/by-nc/4.0/)

Askling C. Using exercice in muscle treatment. [2018]. Acute hamstring injuries in Swedish elite football: a prospective randomised controlled clinical trial comparing two rehabilitation protocols.

Al Attar WSA1,2,3, Soomro N4,5, Sinclair PJ4, Pappas E6, Sanders RH4. Effect of Injury Prevention Programs that Include the Nordic Hamstring Exercise on Hamstring Injury Rates in Soccer Players: A Systematic Review and Meta-Analysis. 2017. Disponible depuis: https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/27752982

Van der Horst N, Smits DW, Petersen J, Goedhart EA, Backx FJ The preventive effect of the nordic hamstring exercise on hamstring injuries in amateur soccer players: a randomized controlled trial. 2015. Disponible depuis: https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/25794868

 

 

Écrire un message
* informations obligatoires
(ne sera pas publié)