Protocole Stanish et nouvelles avancées sur la rééducation des pathologies tendineuses

Publié le : 30 janvier 2024 à 17h06

Article rédigé par Thibaut GARÇON - MKDE

Introduction

La tendinopathie est une blessure communément retrouvée dans le monde du sport qui implique des changements dégénératifs dans les tendons, généralement dans les tendons d'Achille, de la coiffe des rotateurs, du coude, du genou et de la hanche. Elle affecte les populations sportives et non sportives et peut se manifester par une douleur persistante, un gonflement, une perte de fonction et une diminution de l’amplitude des mouvements.

Il est clair que les tendons réagissent à la charge, et bien que les chercheurs précédents aient documenté des changements pathologiques similaires en comparant des tendinopathies de différentes localisations, la manière dont ces adaptations se produisent chez chaque individu n'est pas encore complètement comprise, ce qu’explique notamment Jil Cook dans ses travaux de recherche.

L’objectif de cet article est de faire le point sur les dernières avancées en matière de traitement des tendinopathies, sur les protocoles existants et mettre au clair les axes de traitement disponible.

 

 

L’exercice

Que ce soit pour le membre supérieur ou le membre inférieur, l’influence de l’exercice n’est plus à démontrer pour l’efficacité du traitement des tendinopathies. On pourrait même ajouter que la thérapie par l'exercice est le pilier de la prise en charge conservatrice et se concentre principalement sur les exercices de résistance afin d’améliorer la tolérance à la charge, ce qui entraîne des adaptations structurelles au niveau de l'unité musculo-tendineuse et une restauration fonctionnelle.

Les dernières recommandations en date ne font pas état d’une supériorité d’une modalité d’exercice par rapport à une autre (concentrique, excentrique, isométrique, pliométrique), toutes ces modalités seraient efficaces pour le traitement des tendinopathies. Le seul critère à retenir serait d’adopter une réflexion de remise en charge progressive pour obtenir des résultats positifs pour les patients.

Certains protocoles de rééducation existent déjà dans la littérature. Comme plus connus, nous pouvons citer le protocole de Stanish, mis en avant notamment pour le traitement des tendinopathies d’Achille, dont le protocole largement décrit dans l’un de nos articles précédents permet une remise en charge progressive du tendon claire et détaillée (voir photo ci-dessous). Une autre mise en place particulière pour la prise en charge de ces pathologies pourrait être le concept de tendon neuroplastic training (ou TNT), concept décrit dans l’un de nos articles, faisant référence à un stimuli externe (visuel ou auditif) afin de suivre un tempo précis dans l’exécution de nos exercices, et favorisant une activation cérébrale et préserver l’activation de l’unité motrice (souvent diminuée notamment dans les tendinopathies chroniques).

 

Tableau issu de notre article « Tendon d'Achille: Protocole de Stanish pour renforcer le tendon »

 

Ce que nous essayons de comprendre cependant aujourd’hui, c’est la relation entre la « dose » d’exercice prescrit (comprenant l'intensité, le volume et la fréquence) et l’influence sur la douleur et la rééducationdes tendinopathies. Selon Pavlova et ses collaborateurs (2023), des exercices effectués à une faible fréquence (moins d'une fois par jour) par rapport à des fréquences très élevées (une fois par jour ou plus d'une fois par jour) seraient susceptibles d’entrainer de meilleurs résultats sur le patient en favorisant notamment la récupération des tissus.

Concernant les recommandations sur le volume des exercices, généralement présenté comme le produit des séries et des répétitions, les auteurs n’ont pas trouvé de résultats cohérents dans leur étude. Certaines spécificités tendent à émerger sur une prise en charge différentielle entre le membre supérieur et inférieur. En effet, les tendons de l'épaule facilitent des mouvements répétitifs dans les tâches quotidiennes avec une charge globale moindre que les tendons supportant le poids du corps, comme le tendon d'Achille par exemple. Par conséquent les tendons du membre supérieur pourraient nécessiter des programmes imitant cette nature répétitive par le biais d'un volume d'exercice plus élevé.

 

Thérapies par ondes de choc

Outre les modalités de traitement actif pour la rééducation des tendinopathies, certaines modalités passives peuvent aussi intervenir. La plus connue des thérapies est le traitement par ondes de choc extra-corporelle.

Sur le membre inférieur, Charles et ses collaborateurs ont analysé en 2023, l’effet des ondes de choc sur la tendinopathie rotulienne (TR), d’Achille (TA) et sur la fasciite plantaire (FP). Selon eux, les ondes de choc ne devraient pas être utilisées comme traitement principal pour moduler la douleur et les résultats fonctionnels pour la TR et la TA, mais comme un complément au traitement conventionnel. Cependant, les ondes de choc peuvent avoir un effet important sur la FP à court et à long terme (selon un regroupement d’études de haute qualité), et peuvent donc être utilisées comme traitement principal de première intentionpour les patients souffrant de FP.

Les études sur le membre supérieur ne sont pas aussi claires. En 2020, Testa et al. ont conduit une revue systématique sur l’utilisation des ondes de choc sur la pathologie du membre supérieur, dont les tendinopathies de l’épaule et du coude. Les conclusions des auteurs s’accordent à dire que des effets positifs peuvent exister notamment en phase aiguë des symptômes, mais les preuves étant de trop faibles qualités, il ne faudrait pas prendre ces résultats comme des recommandations majeures. Pour le coude, un traitement médicamenteux par injection de stéroïdes semblerait même plus efficace à court terme que les ondes de choc.

 

Thérapies par injections / Semelles orthopédiques

Les dernières données disponibles nous indiquent que les preuves sont insuffisantes pour recommander systématiquement les injections de PRP guidées par ultrason. D'autres essais randomisés de grande envergure et bien conçus sont nécessaires pour mieux définir les indications potentielles.

D’autres modalités d’injections comme des leucocytes riches en PRP ou encore des corticoïdes existent dans la littérature. Selon Irby et ses collaborateurs en 2020, les injections par leucocytes se sont est avérés prometteur pour améliorer la fonction du patient par rapport à d'autres thérapies d'injection, mais les données sont trop récentes pour en conclure des résultats définitifs. Les corticostéroïdes peuvent avoir des effets bénéfiques sur le soulagement de la douleur à court terme, mais semblent inefficaces à long terme.

 

L'un des principaux objectifs des patients étant de réduire la douleur le plus rapidement possible, les cliniciens pourraient envisager d'inclure une courte période de modalités protectrices passives, telles qu’une talonnette (pour les tendinopathies d’Achille), dans le cadre du plan de traitement précoce. En effet, il semblerait que cette approche permettrait d’avoir de très bons résultats à court terme.

 

 

Progression dans la rééducation

Communément, quand on parle de volume ou de charge, il est conseillé de manière générale d’augmenter de 10% le volume global par semaine sans entrainer trop de risque de blessure. Cette règle peut s’appliquer pour la rééducation des tendinopathies.

 

D’autres critères de progression existent dans la littérature et sont énumérés ci-dessous :

  • Critères ayant comme douleur le marqueur principal:
  • Évoquer la douleur: essayer de provoquer une douleur suffisante pour produire une amélioration (exemple : au travers d’échelle existante comme l’échelle VISA-A / VISA-P, …)
  • Éviter la douleur: exercices effectués sans aucune douleur

 

  • Critères ayant comme douleur le critère secondaire, bien que la douleur soit contrôlée et autorisée jusqu'à une certaine limite ; la progression est marquée par d'autres critères principaux :
  • Stades de conditionnement : stades prédéfinis, basés sur l'augmentation du pourcentage de la répétition maximale ou sur l'augmentation de la complexité des exercices.
  • Basé sur la fatigue : des séries ou des répétitions supplémentaires ont été effectuées s'il n'y avait pas de signes de fatigue après les premières séries. Si ces dernières ne sont pas suffisantes pour produire de la fatigue, le poids est progressivement augmenté.
  • Perception subjective : augmentation arbitraire en fonction de la perception subjective des capacités du patient (exemple : l’échelle RPE).
  • Augmentation linéaire temporaire : augmentation linéaire dans le temps (par exemple, 10 % chaque semaine, comme évoqué précédemment).

Nous vous conseillons de lire les articles (Escriche-Escuder et al. 2020) et (Ortega-Castillo et al. 2022) en source pour plus d’informations sur ce sujet-là.

 

Conclusion

La prise en charge des tendinopathies reste l’un des enjeux majeurs en rééducation de par sa nature encore mal comprise et sa durée de traitement souvent longue. Avoir une vision actualisée des dernières données de la science nous permet de nous rassurer sur nos pratiques ou bien de se mettre à jour sur certaines nouvelles découvertes.

Gardez à l’esprit qu’à ce jour, aucun protocole ou aucune modalité d’exercice n’a montré sa supériorité par rapport à une autre, la clé reste l’encadrement précis et défini avec votre patient sur une remise en charge progressive, spécifique au membre supérieur ou inférieur, ainsi qu’à son stade d’évolution.

 

Tout le contenu de cet article est présenté à titre informatif. Il ne remplace en aucun cas l’avis ou la visite d’un professionnel de santé.

 

A lire également

 

Sources

Escriche-Escuder, A., Casaña, J., & Cuesta-Vargas, Á. (2020). Load progression Criteria in exercise programmes in lower limb tendinopathy : A Systematic review. BMJ Open, 10(11), e041433 – Article sous License Creative Commons CC BY-NC

Ortega-Castillo, M., Cuesta‐Vargas, A., Luque-Teba, A., & Trinidad-Fernández, M. (2022). The role of Progressive, therapeutic exercise in the management of upper limb tendinopathies : A systematic review and meta-analysis. Musculoskeletal Science and Practice, 62, 102645 – Article sous License Creative Commons CC BY

Shim, J., Pavlova, A., Moss, R., Maclean, C., Brandie, D., Mitchell, L. E., Greig, L., Parkinson, E., Brown, V. T., Morrissey, D., Alexander, L., Cooper, K., & Swinton, P. (2023). Patient Ratings in Exercise therapy for the Management of Tendinopathy : A Systematic Review with Meta-analysis. Physiotherapy, 120, 78‑94. 

Pavlova, A., Shim, J., Moss, R., Maclean, C., Brandie, D., Mitchell, L. E., Greig, L., Parkinson, E., Alexander, L., Brown, V. T., Morrissey, D., Cooper, K., & Swinton, P. (2023). Effect of Resistance Exercise Dose Components for Tendinopathy Management : A Systematic Review with Meta-analysis. British Journal of Sports Medicine, 57(20), 1327‑1334 – Article sous License Creative Commons CC BY

Charles, R., Lei, F., Zhu, R., & Wang, J. (2023). The effectiveness of shockwave therapy on patellar tendinopathy, Achilles tendinopathy, and plantar fasciitis : a systematic review and meta-analysis. Frontiers in Immunology, 14 – Article sous License Creative Commons CC BY

Maetz, R., Dubé, M., Tougas, A. M., Prudhomme, F., Dubois, B., & Roy, J. (2023). Systematic review and meta-analyses of randomized controlled trials comparing exercise loading protocols with passive treatment modalities or other loading protocols for the management of midportion achilles tendinopathy. Orthopaedic Journal of Sports Medicine, 11(5), 232596712311711 – Article sous License Creative Commons CC BY-NC-ND 4.0

Testa, G., Vescio, A., Perez, S. B., Consoli, A., Costarella, L., Sessa, G., & Pavone, V. (2020). Extracorporeal shockwave therapy Treatment in Upper Limb Diseases : A Systematic review. Journal of Clinical Medicine, 9(2), 453 – Article sous License Creative Commons CC BY 4.0

Irby, A., Gutierrez, J., Chamberlin, C., Thomas, S. J., & Rosen, A. B. (2020). Clinical Management of Tendinopathy : A systematic review of systematic reviews evaluating the effectiveness of tendinopathy treatments. Scandinavian Journal of Medicine & Science in Sports, 30(10), 1810‑1826

Kinésithérapeute à Toulouse, passionné par le sport de haut niveau et la performance notamment grâce au football. Passé par le centre de formation du TFC et à l’heure actuelle joueur et fondateur du club de football de l’Olympique Club de Pompert.

Par le biais de NeuroXtrain, souhaite transmettre les données scientifiques pertinentes pour les étudiants ou professionnel de santé et de les rendre accessibles afin de promouvoir les nouvelles technologies et les nouvelles données en termes de performance et de rééducation du sportif.

Rejoignez son réseau LinkedIn : Thibaut GARÇON

 

Écrire un message
* informations obligatoires
(ne sera pas publié)