Revue du modèle du « continuum » des tendinopathies et ses implications cliniques

Publié le : 24 janvier 2021 à 10h26

Article rédigé par Thibaut Garçon 

 

Pour de nombreux cliniciens en charge de rééducation, coach ou athlète, la tendinopathie est une pathologie régulièrement rencontrée et parfois complexe à traiter. Beaucoup de revues scientifiques sont à ce jour accessibles et on peut y retrouver de nombreuses informations sur son fonctionnement ou les traitements disponibles.

L’une des problématiques les plus difficiles à résoudre encore aujourd’hui réside en l’origine exacte d’apparition des tendinopathies et des phénomènes amenant à un dérèglement structurel, une modification des réponses musculo-tendineuse face à des charges de travail (course à pied, charges additionnelles par exemple) et des douleurs. L’origine des tendinopathies est la somme de charges intrinsèques et extrinsèques et de nombreux modèles essayent d’expliquer le résultat de l'ensemble de ces contraintes. Il existe des arguments clés pour et contre toutes ces tentatives d’explications, mais aussi des points communs entre ces théories.

Apparition du concept de « continuum »

Le modèle du continuum, apparu en 2009, est l’un des nombreux modèles de pathoétiologie (causes d’une maladie ou blessure) des tendinopathies. Ce modèle peut être divisé en trois sous-groupes selon l’événement principal ou élément clé ayant un impact sur l’architecture tissulaire et la douleur : rupture ou usure du collagène, l’inflammation ou la réponse des cellules tendineuses. D’autres modèles ont tenté d’intégrer la douleur et le système nerveux central à la pathologie (Littlewood et al., 2013) (2) mais ne seront pas explorés dans cet article.

 

Modèle de rupture/usure du collagène

L’hypothèse de la rupture du collagène est la plus ancienne et peut-être la plus contestable. En effet les fibres de collagène normales ne peuvent pas se déchirer in vivo chez l’homme sans association avec une altération supplémentaire du tissu tendineux ne contenant pas de collagène (inclus dans la matrice extra cellulaire). De récentes publications citent davantage des changements comme des déformations ou un « relâchement » des fibres de collagène.

Sur la base de ce concept Arnoczky et al. (2007) (3) indiquent que les tendinopathies pourraient être dues à une « sous-stimulation » de la cellule tendineuse. Bien que la rupture du collagène ne soit pas l’événement principal de la pathologie tendineuse, cette « sous-stimulation » de la cellule tendineuse peut jouer un rôle lorsqu’une atteinte du tendon est dite « dégénérative ». Les régions d’un tendon dégénératif peuvent être mécaniquement silencieuses (c’est-à-dire incapable de ressentir et de transmettre une force mécanique à une autre fibre de collagène) et donc potentiellement insensibles à des contraintes en raison de la désorganisation fibrillaire. Cette absence de stimulation peut expliquer la réversibilité limitée des atteintes dégénératives et l’absence de remodelage à la suite d’interventions de rééducation basées sur des exercices de renforcement musculaire.

 

Modèle inflammatoire

Le rôle de l’inflammation dans les tendinopathies est complexe. Si des cellules inflammatoires ont été observées dans des tendons pathologiques, la réponse ne semble pas être une réponse inflammatoire traditionnelle. Des augmentations de cytokines inflammatoires ont été signalées en cas d’usure tendineuse cependant, la présence de ces substances ne soutient pas nécessairement l’affirmation selon laquelle l’inflammation est l’événement principal ou le facteur clé de la pathologie tendineuse. En effet, l’élévation des cytokines inflammatoires peut être le résultat de l’expression des cellules tendineuses en réponse à des stimuli mécaniques normaux. Une cellule tendineuse est canosensitive, libérant des cytokines en réponse à une contrainte qui stimulent ensuite un remodelage normal du tendon (dégradation et synthèse).

 

Modèle de réponse des cellules du tendon

Les ténocytes (cellules responsables de la synthèse du collagène et de la matrice extra-cellulaire) sont principalement responsables du maintien de l’architecture du tendon en réponse aux contraintes extérieures. Ainsi, les modifications de charge de travail sur le tendon et son milieu biochimique seront détectées par le ténocyte et entraîneront une cascade de réponses (activation cellulaire, modifications du type de collagène). Une dysfonction de ces cellules ou une sur activation due à des contraintes trop importantes favoriseraient un mauvais « turnover » entre synthèse et dégradation des éléments du tendon entraînant une modification structurale.

 

Quelle est la relation entre l’architecture tissulaire, la douleur et la fonction ?

En conceptualisant la relation entre la douleur et le changement structurel, des atteintes intratendineuses peuvent être considérées comme des facteurs de risque d’apparition de tendinopathies douloureuses. Cette notion n’est pas applicable pour toutes situations et est souvent critiquée, car de nombreux changements structurels n’impliquent pas nécessairement de douleur (exemple souvent retrouvé lors des examens radiologiques de colonne vertébrale). 

Dans certaines présentations cliniques, on observe un « hybride » entre des tendinopathies dites « réactives » (ou aiguë avec une atteinte réversible des fibres de collagène, un épaississement tendineux et des douleurs) et dégénératives, car certains tendons peuvent avoir différentes régions qui se trouvent à des stades différents de tendinopathie à un moment donné. Il s’agit de cas cliniques où la partie structurellement saine du tendon peut dériver en réponse réactive ou non. Ceci peut être en partie expliqué, car comme expliqué précédemment  les parties dégénératives du tendon semblent mécaniquement silencieuses et structurellement incapables de transmettre mécaniquement une charge de traction aux zones saines, ce qui peut entraîner une surcharge dans la partie « normale » du tendon.

Les douleurs tendineuses sont en partie liées à la fonction, car elles diminuent la force musculaire et le contrôle moteur, ce qui réduit à son tour la fonction. La fonction est ici définie comme la capacité d’un muscle à générer de manière répétée une force qui permet au tendon de stocker et de libérer de l’énergie pour un lors de la réalisation d’un mouvement. Cependant, certaines atteintes de fonction se produisent également en présence d’une pathologie structurelle sans douleur. Cela met en évidence l’interaction complexe entre la structure, la douleur et la fonction.

 

Choisir le traitement le mieux adapté en lien avec le modèle du continuum

Le modèle du continuum suggère que la gestion peut être optimisée en adaptant les interventions au stade de la pathologie et en ciblant le facteur principal. Bien que l’exercice et la gestion de la charge soient fondamentaux, de nombreuses interventions pour soigner la tendinopathie sont à ce jour connues mais aucun traitement ni protocole ne fait l'unanimité.

La classification des patients basée sur la structure, la douleur, le dysfonctionnement et la réponse à des charges de travail peut permettre au clinicien d’orienter les traitements appropriés vers l’une de ces problématiques.

Interventions ciblant la douleur

L’utilisation de contractions isométriques peut induire une analgésie immédiate et réduire l’inhibition corticale du muscle, ce qui améliorerait la force. Une rééducation basée sur un programme de mise en charge progressive est également bénéfique au tendon, au muscle, ainsi qu’au contrôle neuro-moteur du patient ou de l'athlète, ce qui peut conduire à une amélioration de la fonction.

Si les douleurs persistent, la prise de médicaments (anti-inflammatoires non stéroïdiens) et des injections de cortisones peuvent être indiquées, mais leurs bénéfices au long terme restent douteux.

 

Interventions ciblant la structure

Le modèle du continuum permet de comprendre le potentiel du tendon à retrouver une structure normale. Cette situation s’applique uniquement au stade réactif du modèle où il reste possible pour le tendon de retrouver sa structure antérieure avec une gestion optimale et progressive de la charge de travail et l’utilisation d’exercice visant à retrouver une structure « normale » comme les étirements ou les contractions excentriques.

Dans la tendinopathie dégénérative, les interventions influençant la structure des tendons sont moins pertinentes, car la pathologie semble avoir une réversibilité limitée. De plus, un tendon pathologique semble compenser efficacement les zones de désorganisation en modifiant son architecture pour maintenir des volumes suffisants de fibres de collagène alignées. À ce stade, les stratégies de traitement doivent avoir pour but l’optimisation de l’adaptation du tendon dans son ensemble.

Cette vision de traitement peut s’expliquer par le biais de la métaphore : traiter le donut (zone de structure fibrillaire alignée), et non le trou (zone de désorganisation). Toutefois, même un tissu ayant retrouvé une structure saine ne protégera pas contre de nouveaux épisodes de tendinopathies aigues. Pour y parvenir, la prise en charge doit mener vers l’amélioration de la résistance face aux contraintes du « donut » par une remise en charge progressive adaptée et en lien avec la pratique sportive.

 

Interventions portant sur la fonction

Il existe peu de revues qui étudient les pertes de fonction dû aux tendinopathies, car la douleur et la structure sont souvent des objectifs d’études jugés plus pertinents. Dans un premier temps, une bonne prise en charge de la douleur, permet une amélioration du prognostic des capacités fonctionnelles de l’athlète ou du patient. Cependant, un déficit de performance musculaire analytique ou de chaîne cinétique globale, ainsi qu’une réponse insuffisante du tendon à la charge peut prédisposer le tendon à se blesser à nouveau. L’étude de la fonction est donc un paramètre important à analyser et à traiter en cas de déficiences. Des recherches supplémentaires sont nécessaires pour mieux définir les déficits fonctionnels associés aux tendinopathies et mettre au point des outils utiles pour le clinicien.

 

Conclusion

L’origine d’apparition des tendinopathies reste au centre de nombreux débats et théories. Comme expliqué dans cet article, il n’existe aucun consensus sur l’origine exacte et plusieurs facteurs semblent rentrer en jeu.

Cependant, avec l’avancée des données de la littérature sur des analyses anatomiques en imagerie et en recherche animale, la connaissance de la structure tendineuse en situation pathologique s’est améliorée. Le but étant au thérapeute d’obtenir des informations cruciales sur l’atteinte réversible ou non du tendon via l’imagerie, l’interrogatoire ou l’examen clinique. D’autres informations cliniques comme la douleur ou une dysfonction myo-tendineuse oriente notre classification des athlètes ou des patients pathologiques et ainsi oriente au mieux notre rééducation. La prise en charge de tendinopathie doit donc être le plus personnalisée possible au regard des atteintes structurelles décrites et objectivées dans le but d’une amélioration fonctionnelle plus pertinente.

 

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Tout le contenu de cet article est présenté à titre informatif. Il ne remplace en aucun cas l’avis ou la visite d’un professionnel de santé.

 

Sources:

Cook, J. L., Rio, E., Purdam, C. R., & Docking, S. I. (2016). Revisiting the continuum model of tendon pathology: what is its merit in clinical practice and research? British Journal of Sports Medicine, 50(19), 1187–1191 – Article sous Licence Creative Commons 4.0 CC-BY-NC

(2) Littlewood, C., Malliaras, P., Bateman, M., Stace, R., May, S., & Walters, S. (2013). The central nervous system – An additional consideration in rotator cuff tendinopathyand a potential basis for understanding response to loaded therapeutic exercise. Manual Therapy, 18(6), 468–472.

(3) Arnoczky, S. P., Lavagnino, M., & Egerbacher, M. (2007). The mechanobiological aetiopathogenesis of tendinopathy: is it the over-stimulation or the under-stimulation of tendon cells? International Journal of Experimental Pathology, 88(4), 217–226.

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