La périostite ou syndrome de stress tibial médian : explication et traitement

Publié le : 9 avril 2024 à 14h27

Article rédigé par Thibaut GARÇON - MKDE

Description

La course à pied est l'une des activités physiques les plus pratiquées dans le monde. Cependant, bien que les avantages de la course à pied pour la santé aient été démontrés dans les grandes lignes, elle est souvent pourvoyeuse de blessures qui sont le plus souvent associées à des erreurs de planification d’entraînement ou du matériel. À cet égard, il a été prouvé que la partie inférieure de la jambe est l'une des zones les plus fréquemment endommagées, et que la périostite (ou syndrome de stress tibial médial) est la principale blessure survenant chez les coureurs.

Le syndrome de stress tibial médial est une lésion inférieure de la jambe dite de « surutilisation ». Il se caractérise par une douleur provoquée par l'exercice le long du bord postéro-médial des deux tiers distaux du tibia. Bien que sa cause exacte soit encore floue, l'inflammation et la traction musculaire sur le périoste et les réactions de stress douloureuses dans l'os ont été proposées comme facteurs déclencheurs possibles. Bien que la plupart des études publiées aient été réalisées sur des athlètes professionnels, le risque de développer une périostite reste nettement plus élevé chez les coureurs de loisir (représentant une plus large population retrouvée en cabinet de kinésithérapie).

 

Anatomie et biomécanique

Les os composants la partie inférieure de la jambe ne sont pas nombreux et sont constitués du tibia et de la fibula. Ils sont reliés entre eux en distal par une articulation plane et forment en distal la pince bimalléolaire souvent touchée lors de traumatismes d’entorse avec une atteinte de la syndesmose. La membrane interosseuse stabilise les 2 os dans leur partie médiane et inférieure.

 

Il est important de rappeler comment un os est constitué notamment pour cette pathologie. Comme décrit sur le schéma ci-après, un os est constitué de plusieurs couches, la plus profonde est appelée endoste, couche interne de l’os compact, et la plus superficielle appelée périoste, couche en relation étroite avec les tissus environnants et notamment les attaches musculaires des muscles de la jambe.

 

Schéma de représentation des différentes couches de l’os (Source : https://houssiere.eu)

 

Au niveau musculaire, on va s’intéresser aux muscles de la loge médiane de la jambe, muscle les plus souvent sollicité et à renforcer en rééducation sur cette pathologie. La photo ci-dessous vous montre les muscles en question, notez l’importance des muscles qui constituent l’arche interne du pied, permettant d’avoir un appui confortable et efficace à la course à pied.

 

Anatomie musculaire de la loge médiane du pied et de la jambe (Source : https://clemedicine.com). En rouge, les muscles souvent impliqués dans la périostite.

 

Épidémiologie

L'incidence du syndrome de stress tibial médial varie entre 13,6 % et 20 % chez les coureurs. L'augmentation significative des charges, du volume et des exercices à fort impact peut prédisposer au syndrome de stress tibial médial et à d'autres lésions dues au stress osseux

 

Étiologie

Le syndrome de stress tibial médian est une condition de surutilisation, spécifiquement une blessure de surcharge osseuse tibiale, que les cliniciens rencontrent couramment chez les participants à des exercices d'impact récurrents, tels que la course et le saut, ainsi que chez le personnel militaire.

Le processus physiopathologique sous-jacent à l'origine de cette pathologie semblerait être lié à l'accumulation de microdommages non réparés dans le périoste distal du tibia. Il y a généralement une inflammation du périoste sus-jacente au site de la lésion osseuse, qui est également en corrélation avec les attaches tendineuses du soléaire, des fléchisseurs des orteils et du tibial postérieur. Étant donné la connexion mécanique des fibres de Sharpey, qui sont des fibres perforantes du tissu conjonctif reliant le périoste à l'os, on pense que la traction musculaire répétitive peut être la cause sous-jacente de la périostite et du microtraumatisme cortical. Cependant, on ne sait toujours pas si la périostite survient avant le microtraumatisme cortical ou vice versa.

 

Diagnostic & évaluation 

Lors de l'évaluation des douleurs des membres inférieurs, le diagnostic fiable du syndrome de stress tibial médial repose surtout sur l'anamnèse et l'examen physique.

A l’anamnèse on doit retrouver entre autres :

  • Présence d'une douleur provoquée par l'exercice le long des deux tiers distaux du bord médial du tibia
  • Présence d'une douleur provoquée pendant ou après une activité physique, qui s'atténue avec le repos relatif
  • Absence de crampe, de douleur brûlante dans le compartiment postérieur et/ou d'engourdissement/de picotement dans le pied
  • L'examen physique doit comprendre la palpation et l'inspection du membre inférieur

Si votre patient pratique la course à pied de manière régulière, essayez de cibler vos questions pour avoir un plan de traitement adapté à sa pratique sportive. Les axes de questionnement doivent donc se concentrer sur :

  • Le volume d’entrainement (kilométrage) de ses dernières semaines
  • Sa planification et ses types de séances (sortie longue, sprint, côtes) de ses dernières semaines
  • Son chaussage
  • Le type de sol emprunté (trail, tapis de course, piste)

Les résultats de l'examen physique qui confirment l'existence d’une périostite peuvent être :

  • Présence d'une douleur reconnaissable reproduite à la palpation du bord postéro médiale du tibia > 5 cm
  • L'absence d'autres signes non typiques du syndrome de stress tibial médian (par exemple, un gonflement important, un érythème, une perte des pouls distaux, etc.)

Si les éléments ci-dessus de l'anamnèse et de l'examen physique ne sont pas présents, il est peu probable que le syndrome de stress tibial médian soit la cause de la douleur au niveau des membres inférieurs et les soupçons et les investigations doivent se concentrer sur une autre cause de douleur au niveau des membres inférieurs.

En termes d’examen d’imagerie, il n’est pas nécessaire en première intention de devoir en effectuer. Il semble important de se tourner vers des examens « d’exclusion » pour enlever toute suspicion de fracture (radio ou IRM), ou de syndrome des loges (examen de pression spécifique).

 

 

Facteurs de risques

Toutes les articulations des membres inférieurs peuvent contribuer à l’émergence de cette pathologie, notamment si une mauvaise cinématique de course y est associée. L’un des facteurs de risque le plus retrouvé en littérature est une pronation excessive du pied. En outre, le stress causé par une pronation excessive à la course peut augmenter les contraintes dans la première articulation métatarso-phalangienne en flexion plantaire ce qui est en lien avec la potentielle faiblesse des muscles responsables du maintien de la voûte plantaire. De plus, cette hyper-pronation peut être associée à plusieurs modifications biomécaniques compensatoires, parmi lesquelles on retrouve :

 

  • Un valgus de genou qui accentue une chute du bassin dans le plan frontal à l’appui.
  • Une augmentation du pic de rotation interne de hanche à l’appui.
  • Un affaissement important de l’os naviculaire à l’appui.
  • Une technique de course dite « apropulsive » (avec une absence de déroulement talon-pointe durant la phase d’appui jusqu’à la propulsion) entrainant une levée précoce du talon et une activité plus importante du tibial postérieur dans ce schéma de course qui favoriserait sa surutilisation.

 

D’autres facteurs de risques intrinsèques sont décrits dans la littérature comme par exemple :

  • Un antécédent de périostite
  • Un IMC élevé
  • Être une femme
  • Une carence en vitamine D

 

L'augmentation significative des charges, du volume et des exercices à fort impact au sol (courir longtemps, sauter) peut prédisposer au syndrome de stress tibial médian et à d'autres lésions dues au stress osseux. Ces variables-là étant considérées comme des facteurs de risques extrinsèques.

 

Traitements & prévention

Phase aiguë

 

Le repos améliore les symptômes, et le repos accompagné de médicaments pendant deux à six semaines est le plus souvent efficace pour soulager les symptômes au début de la rééducation.

 

Une phase de « décharge » sportive reste obligatoire cependant avec une réduction significative des sports à impacts répétitifs (diminution importante du volume de course à pied, modification de la vitesse de course ou des modalités de sorties de course à pied de type fractionné notamment), ainsi qu’un renforcement doux des muscles de la jambe et du pied en décharge également doit être commencé. Le vélo ou la natation peuvent être continués sans risques.

 

La course à pied peut être recommencée au bout d'une semaine, lorsque la douleur s'estompe. Pour éviter la fatigue musculaire, ajoutez un programme de rééducation avec des exercices d'étirement et de renforcement des muscles du mollet.

 

Phase subaiguë

L'objectif principal du traitement est d'améliorer les conditions d'entraînement, les problèmes biomécaniques de la course à pied ainsi que de commencer un renforcement musculaire progressif.

 

La distance, l'intensité et la fréquence des sorties de course à pied sont réintroduites en continuité de la phase précédente et les paramètres d'entraînement sont modifiés. Il est conseillé d'éviter de marcher sur des surfaces irrégulières et d'éviter les terrains accidentés. Les activités à faible impact doivent être pratiquées pendant la phase de rééducation. L'athlète doit commencer par un entraînement à faible impact, qui évolue progressivement vers la course en côte avec une augmentation de la vitesse, de l'intensité et de la distance.

 

Le renforcement des muscles du tronc, de la hanche et des fessiers pour assurer la stabilité du tronc améliore l'activité de course avec une mécanique appropriée et évite la surutilisation des membres inférieurs. L'éducation neuromusculaire telle que l'entraînement à l'équilibre ou l'entraînement proprioceptif est également utile. Des chaussures adéquates avec des semelles appropriéespermettront d'absorber correctement les chocs et d'éviter de nouvelles blessures.

 

Il paraît primordial de mettre en œuvre des stratégies de prévention, notamment pour les populations spécifiques comme chez les coureurs afin de réduire l’incidence des blessures dues à une altération de la biomécanique de la course. Quatre points clés semblent essentiels pour ces coureurs :

 

  • Effectuer une analyse biomécanique des mouvements lors de la course afin d’identifier les facteurs de risque de blessure (possible chez des podologues, kinésithérapeutes spécialisés)
  • Adopter une technique de course spécifique à chacunet ainsi améliorer l’ensemble de la cinématique. Ne pas négliger les exercices de force et de contrôle neuromusculaire.
  • Établir un programme de course progressif et adapté avec des temps de récupération approprié, afin de gérer la douleur et prévenir la récurrence des blessures.
  • Inclure dans les programmes d’entrainement ou de rééducation, des séances de renforcement musculaire en lien avec les déficits biomécaniques ou d’anciennes douleurs/antécédents.

 

 

Diagnostics différentiels

Compte tenu de la localisation sur le membre inférieur, le diagnostic différentiel comprend les éléments suivants :

  • Fracture de stress du tibia
  • Syndrome des loges d'effort chronique
  • Étiologies vasculaires (par exemple, syndrome de piégeage fonctionnel de l'artère poplitée, maladie artérielle périphérique, etc.)

 

Les fractures de stress peuvent être difficiles à distinguer de la périostite et font probablement partie du même continuum de lésions osseuses tibiales.  Les fractures de stress antérieur du cortex sont plus fréquentes que les fractures de stress tibiales postéro-médiales et se distinguent par une sensibilité ponctuelle (<5 cm) le long du tibia.

 

Le syndrome des loges chroniques est considéré comme un trouble d'origine musculaire et se manifeste de la même manière par une douleur des membres inférieurs provoquée par l'exercice et également localisée de manière diffuse. Il touche souvent les deux extrémités, est soulagé par le repos et peut s'accompagner de symptômes supplémentaires tels que paresthésies, pâleur, température cutanée froide et perte de pouls dans le membre inférieur distal. Le diagnostic est établi en mesurant la pression des compartiments intramusculaires.

Tout le contenu de cet article est présenté à titre informatif. Il ne remplace en aucun cas l’avis ou la visite d’un professionnel de santé

 

A lire également :

 

Sources :

Menéndez, C., Batalla, L., Prieto, A., Rodríguez, M. Á., Crespo, I., & Olmedillas, H. (2020). Medial Tibial Stress Syndrome in Novice and Recreational Runners: A Systematic Review. International Journal of Environmental Research and Public Health, 17(20), 7457 – Article sous License Creative Common CC-BY 4. 

McClure, C. J. (2023, août 8). Medial tibial Stress Syndrome. StatPearls - NCBI Bookshelf. https://www.ncbi.nlm.nih.gov/books/NBK538479/

Mattock, J., Steele, J. R., & Mickle, K. J. (2021). Are leg muscle, tendon and functional characteristics associated with medial tibial stress Syndrome ? A systematic review. Sports Medicine - Open, 7(1). 

Kinésithérapeute à Toulouse, passionné par le sport de haut niveau et la performance notamment grâce au football. Passé par le centre de formation du TFC et à l’heure actuelle joueur et fondateur du club de football de l’Olympique Club de Pompert.

Par le biais de NeuroXtrain, souhaite transmettre les données scientifiques pertinentes pour les étudiants ou professionnel de santé et de les rendre accessibles afin de promouvoir les nouvelles technologies et les nouvelles données en termes de performance et de rééducation du sportif.

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