La pubalgie / douleurs à l’aine : explication et traitement

Publié le : 15 août 2022 à 18h49

Article rédigé par Thibaut GARÇON - MKDE

 

Les douleurs à l'aine sont des problématiques courantes chez les athlètes pratiquant des sports qui nécessitent des sprints, coups de pied, changements de direction explosifs ou encore des accélérations/décélérations rapides comme le football, le rugby ou encore le hockey sur glace. La grande variété de lésions possibles dans un environnement avec de nombreuses structures anatomiques ainsi que la prévalence élevée de « résultats anormaux » chez les athlètes asymptomatiques contribuent à sa complexité.

 

De ce fait, il est primordial de clarifier la terminologie d’une problématique de « pubalgie » pour permettre un langage commun et des facilités de rééducation. Aujourd’hui, on utilise donc le terme générique « douleur à l’aine » qui regroupe l’ensemble des entités impliquées dans les possibles douleurs (hanche, adducteurs, ilio-psoas, pubis).

 

 

ANATOMIE

Au niveau anatomique, la région de l'aine est complexe et implique une rencontre de multiples structures.

Elle est au carrefour entre le tronc et le membre inférieur. Elle contient en son centre l’articulation de la hanche entre le fémur et l’acétabulum de l’os iliaque et plus loin (mais tout autant impliquée), la symphyse pubienne. De nombreux ligaments et structures passives participent au maintien de ces articulations. 

À l’étage musculaire, on retrouve : 

- Les muscles abdominaux (du plus à la surface au plus profond) : muscle oblique externe, muscle oblique interne, muscle transverse de l’abdomen. Nous pouvons citer également le muscle droit de l’abdomen qui s’insère au niveau du pubis. L’ensemble des aponévroses des abdominaux se rejoignent en avant au niveau de la symphyse pubienne.

- Les muscles adducteurs : le court adducteur, le long adducteur, le grand adducteur et pectiné qui sont mono-articulaire et le gracile, seul adducteur bi-articulaire. Ils ont pour origine le pubis (sauf le pectiné qui s’insère sur la branche ischio-pubienne), et se terminent sur le fémur ou le tibia (pour le gracile).

- Le muscle ilio-psoas: La dernière entité anatomique importante à souligner est le canal inguinal qui peut être à l’origine de douleur et contenant l’artère et la veine fémorale et le cordon spermatique chez l’homme / le ligament rond de l’utérus chez la femme.

(À lire également : Différences d’activation musculaire pour des exercices de renforcement abdominal et lombaire)

 

ÉPIDÉMIOLOGIE

Les blessures à l'aine dans le football représentent 4 à 19% de toutes les blessures chez l'homme, et 2-14% chez les femmes. Les taux de blessures à l'aine étaient de 0,2-2,1/1000 h  d’exposition chez les hommes et de 0,1-0,6/1000 h d’exposition chez les femmes.

L'entité anatomique la plus fréquemment atteinte est le groupe musculaire des adducteurs. Plus précisément, et dans le football d'élite notamment, la prévalence sur une saison des blessures aiguës aux adducteurs est de 14 %, ce qui se traduit par une absence moyenne de 14 ± 24 jours.

 

DIAGNOSTIC & ÉVALUATION 

Depuis 2015, les accords de DOHA ont permis de classifier les douleurs à l’aine selon 3 sous-catégories au travers d’une nouvelle classification qui est :

 

  1. Selon des entités cliniques définies : douleurs liées aux adducteurs, liées à l’iliopsoas, liées à la région l’inguinal ou au pubis.
  2. Douleurs à l’aine liées à l’articulation de la hanche.
  3. Autres causes de douleurs à l’aine.

 

Cette classification, plus compréhensible, permet au kinésithérapeute d’obtenir des tableaux cliniques simples à analyser grâce des résultats obtenus uniquement via à un examen clinique. Plus précisément, les douleurs à l’aine sont donc soient :

 

  • Liées aux adducteurs : sensibilité à la palpation au niveau de la région des adducteurs ET douleur lors du « squeeze test » ou test de l’adduction contre résistance.

 

  • Liées à l’iliopsoas : douleur lors d’une flexion de hanche contre résistance en position de décubitus dorsal ET/OU douleur lors de l’étirement des fléchisseurs de hanche en position de décubitus dorsal également.

 

  • Liées à la région inguinale : douleur localisée dans la région du canal inguinal ET sensibilité associée à la palpation. Aggravée par un test de résistance de contraction des muscles abdominaux OU par un test de Valsalva, de toux, ou d’éternuement. Aucune hernie inguinale ne doit être présente.

 

  • Liée au pubis : sensibilité locale de la symphyse pubienne et des os du pelvis

 

  • Liées à l’articulation de la hanche : le diagnostic doit se faire au travers d’une anamnèse poussée sur l’apparition et le ressenti des symptômes tels qu’une douleur de type « accrochage », le ressenti d’un « clic », d’un verrouillage articulaire ou d’une sensation de déboitement. Des tests passifs spécifiques comme le test de FABER (Flexion —Abduction — Rotation Externe) ou le test de FADIR (Flexion —Adduction — Rotation Interne) sont recommandés. Cependant, du fait de leur faible spécificité et de leur grande sensibilité, ces tests ne peuvent pas être utilisés comme critère d’inclusion, mais plutôt pour exclure le risque de douleur à l’aine liée à l’articulation de la hanche.

 

 

FACTEURS DE RISQUES

Comme pour de nombreuses pathologies, nous vous diviserons les principaux facteurs de risques à ce jour identifiés (liste non exhaustive) en facteurs de risque intrinsèques et extrinsèques.

Concernant les facteurs de risques intrinsèques, on retrouve : 

  • Un antécédent de blessure à l’aine.
  • Une haute intensité de jeu.
  • Une réduction de rotation interne et d’adduction (absolue et relative à l’abduction) de hanche.
  • Une raideur musculaire (des muscles adducteurs notamment) / Mauvais contrôle des muscles du tronc.
  • Un ratio force adducteurs/abducteurs inférieur à 80%.
  • L’âge.

 

Si l’on parle des facteurs de risques extrinsèques :

  • Mauvais échauffement (pas d’exercices spécifiques liés aux gestes/à la pratique sportive).
  • Mauvaise rééducation d’une blessure précédente.
  • Le volume d’entrainement/compétition.
  • La fatigue et le sommeil.

 

TRAITEMENTS & PRÉVENTION 

Les choix de traitement à ce jour décrits dans la littérature sont nombreux et variés. 

Les études scientifiques avec les meilleurs niveaux de preuves se sont concentrées essentiellement sur une rééducation de traumatisme aux adducteurs. Selon les accords de Doha, quoi qu’il en soit, le programme doit se baser sur :

  • Un entrainement actif supervisé.
  • Une prise en charge manuelle peut être envisagée avec des résultats parfois rapide, mais qui reste moins performant qu’une prise en charge active supervisée.
  • Un recours à une chirurgie dans des cas exceptionnels avec des résultats très positifs.

 

L’un des protocoles les plus connus à ce jour est le protocole Hölmich. Ce protocole se base sur un continuum entre des exercices basiques et ciblés sur les adducteurs puis sur une chaîne plus globale avec le tronc et enfin sur des exercices très spécifique au terrain (la course/sprint, changements de directions,…). De nombreux critères de passages sont définis et nous vous recommandons vivement de consulter l’article en source avec un livret complet de présentation du protocole (2) mais aussi notre Grand Format sur les blessures musculaires. 

Il est très important dans l’ensemble des rééducations d’être progressif, les douleurs à l’aine sont des pathologies avec de hauts taux de récidives. La phase décharge du travail des adducteurs dans un premier temps est importante, avec un arrêt des activités physiques puis un retour à un renforcement progressif. Dès lors que le renforcement reste sans douleur (ou avec des douleurs acceptables) l’ensemble des exercices cités dans le protocole Hölmich peuvent être intégrés (à lire également : Comprendre l'accélération lors de la course chez les athlètes pour l’améliorer)

Concernant la prévention, le protocole Holmich en lui-même peut-être utilisé en routine, le protocole FIFA 11+ reste une alternative intéressante. Dans tous les cas, votre protocole doit reprendre les principaux facteurs de risque identifiés chez votre athlète. Si l’on ne devait citer qu’un seul exercice, nous vous parlerons du Copenhague, cité comme primordial notamment pour une atteinte chronique des adducteurs.

 

DIAGNOSTICS DIFFÉRENTIELS 

 

 

À lire également :

 

Lombalgie commune : explication et traitement

Entorse de cheville: explication et traitement 

Lésion musculaire des ischio-jambiers : explication et traitement

 

Tout le contenu de cet article est présenté à titre informatif. Il ne remplace en aucun cas l’avis ou la visite d’un professionnel de santé.

 

Sources :

(1) Weir, A., Brukner, P., Delahunt, E., Ekstrand, J., Griffin, D., Khan, K. M., Lovell, G., Meyers, W. C., Muschaweck, U., Orchard, J., Paajanen, H., Philippon, M., Reboul, G., Robinson, P., Schache, A. G., Schilders, E., Serner, A., Silvers, H., Thorborg, K.,. . . Hölmich, P. (2015). Doha agreement meeting on terminology and definitions in groin pain in athletes. British Journal of Sports Medicine, 49(12), 768‑774 - Article sous License Creative Commons CC BY-NC 4.0

(2) Serner, A., Weir, A., Tol, J. L., Thorborg, K., Lanzinger, S., Otten, R., & Hölmich, P. (2020). Return to Sport After Criteria-Based Rehabilitation of Acute Adductor Injuries in Male Athletes : A Prospective Cohort Study. Orthopaedic Journal of Sports Medicine, 8(1), 232596711989724 - Article sous License Creative Commons BY NC-ND 4.0

(3) Sedaghati, P., Alizadeh, M. H., Shirzad, E., & Ardjmand, A. (2013). Review of Sport-Induced Groin Injuries. Trauma Monthly, 18(3), 107‑113.

(4) Elattar, O., Choi, H. R., Dills, V. D., & Busconi, B. (2016). Groin Injuries (Athletic Pubalgia) and Return to Play. Sports Health : A Multidisciplinary Approach, 8(4), 313‑323.

(5) Eberbach, H., Fürst-Meroth, D., Kloos, F., Leible, M., Bohsung, V., Bode, L., Wenning, M., Hagen, S., & Bode, G. (2021). Long-standing pubic-related groin pain in professional academy soccer players : a prospective cohort study on possible risk factors, rehabilitation and return to play. BMC Musculoskeletal Disorders, 22(1) - Article sous License Creative Commons BY 4.0

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