La « pubalgie » : facteurs de risque, recommandations d’examen clinique et de prévention

Publié le : 13 décembre 2020 à 09h41

Article rédigé par Thibaut Garçon

La région du bassin est une zone charnière du corps humain. Comme pour l’épaule, le bassin relie le tronc aux membres inférieurs. Cette région est au centre de nombreuses masses musculaires comme celles des abdominaux, des muscles spinaux, de la hanche et du pelvis. Ajouté à cela, on y retrouve un système articulaire et ligamentaire très riche ainsi que la présence de viscères essentiels comme ceux du système digestif, urinaire et génital. Le bassin est donc un endroit propice à l’apparition de blessures, traumatismes ou autres pathologies.

Parmi toutes ces possibilités, la « pubalgie » représente l’une des blessures des membres inférieurs la plus fréquente. Elle est souvent associée à la plupart des activités sportives impliquant des changements de direction importants, des mouvements de frappes ou de sprint comme au football ou au hockey sur glace. Habituellement et pour un pourcentage relativement élevé d’athlètes, la cause d’apparition de « pubalgie » est multifactorielle. La douleur est souvent importante et peut être l’un des paramètres favorisant le passage vers une blessure chronique très invalidante (Sadegheti et al., 2013)

Aujourd’hui, le terme générique « douleurs à l’aine » est préféré à la notion de pubalgie ou d’autres terminologies chez les athlètes. Le but est de clarifier la description de ce type de blessure, d’englober toutes les pathologies liées à cette région spécifique du bassin, pour ensuite apporter un diagnostic différentiel le plus pertinent, notamment pour des sportifs. 

 

Examen clinique et diagnostic différentiel

En 2015, les accords de DOHA ont permis une grande avancée sur la classification des douleurs à l’aine. Ces accords indiquent également un guide de recommandations d’examen clinique précis à respecter.

En effet, les douleurs à l’aine sont maintenant divisées en 3 sous-catégories au travers d’une nouvelle classification qui est :

 

  1. Selon des entités cliniques définies : douleurs liées aux adducteurs, liées à l’iliopsoas, liées à la région l’inguinal ou au pubis.
  2. Douleurs à l’aine liées à l’articulation de la hanche.
  3. Autres causes de douleurs à l’aine.

 

Afin de garantir que ce nouveau système soit à la fois généralisable et simple à utiliser dans la pratique quotidienne, la classification est essentiellement basée sur des données cliniques. Ce qui signifie qu’une anamnèse et un examen physique approfondi sont essentiels pour apporter un diagnostic précis :

 

  • Douleurs selon des entités cliniques définies — liées aux adducteurs :

Le diagnostic est orienté par une sensibilité à la palpation au niveau de la région des adducteurs ET par une douleur lors du « squeeze test » ou test de l’adduction contre résistance.

 

  • Douleurs selon des entités cliniques définies — liées à l’liopsoas :

La douleur à l’aine liée au muscle iliopsoas est plus probable si on observe une douleur lors d’une manipulation de flexion de hanche contre résistance en position de décubitus dorsal ET/OU si on observe une douleur lors de l’étirement des fléchisseurs de hanche en position de décubitus dorsal également.

 

  • Douleurs selon des entités cliniques définies — liées à la région inguinale :

Il est convenu que la douleur doit être localisée dans la région du canal inguinal ET avec la présence d’une sensibilité associée à la palpation. La douleur inguinale est plus probable si elle est aggravée par un test de résistance de contraction des muscles abdominaux OU par un test de Valsalva, de toux, ou d’éternuement. Aucune hernie inguinale ne doit être présente.

 

  • Douleurs selon des entités cliniques définies — liée au pubis :

Une sensibilité locale de la symphyse pubienne et des os du pelvis (autour de la symphyse pubienne) à la palpation doit être retrouvée pour établir le diagnostic.

 

  • Douleurs à l’aine liées à l’articulation de la hanche :

Le diagnostic de douleurs liées à l’articulation de la hanche (en exclusion de toute autre possibilité) reste relativement difficile. Cependant, l’aiguillage du diagnostic doit se faire au travers d’une anamnèse poussée sur l’apparition et le ressenti des symptômes tels qu’une douleur de type « accrochage », le ressenti d’un « clic », d’un verrouillage articulaire ou d’une sensation de déboitement. Des tests passifs spécifiques comme le test de FABER (Flexion —Abduction —Rotation Externe) ou le test de FADIR (Flexion —Adduction —Rotation Interne) sont recommandés. Cependant, du fait de leur faible spécificité et de leur grande sensibilité, ces tests ne peuvent pas être utilisés comme critère d’inclusion, mais plutôt pour exclure le risque de douleur à l’aine liée à l’articulation de la hanche.

 

  • Autres affections provoquant des douleurs à l’aine

Une anamnèse et un examen physique complet ne doivent pas couvrir uniquement le système musculo-squelettique. Des examens complémentaires appropriés ou l’orientation vers un spécialiste sont essentiels pour identifier d’autres causes possibles. L’identification de drapeaux rouges est primordiale lors du bilan initial.

Les principales autres étiologies de douleur à l’aine sont les suivantes : traumatique, neurologique, rhumatologique, urologique, gastro-intestinale, dermatologique, oncologique et chirurgicale. Cette liste n’est pas exhaustive, car de nombreuses maladies rares pourraient éventuellement provoquer des douleurs dans la région de l’aine.

Crédits: Weir et al., 2015

Lorsqu’il existe un soupçon clinique de douleur, soit par l’anamnèse ou l’examen clinique, liés à l’ensemble des étiologies citées précédemment, celle-ci doit être étudiée et traitée de manière appropriée.

 

Facteurs de risque et axes de prévention 

Les données les plus récentes provenant des méta-analyses ou revues concernant les principaux facteurs de risques d’apparition de douleurs à l’aine sont :

  • une douleur et une force plus faible au test de l’adduction contre résistance (Squeeze test).
  • une réduction de la rotation interne de hanche
  • un ratio musculaire adducteur/abducteurs inférieur à 80 %.
  • une raideur musculaire des adducteurs.
  • une limitation de l’amplitude articulaire de hanche en abduction.
  • un antécédent de blessure dans cette région.
  • l’avancée en âge.

 

En complément, on peut retrouver des facteurs dits extrinsèques à ne pas oublier comme la mauvaise exécution d’un échauffement ou la rééducation inadaptée d’un premier épisode de pubalgie. D’autres notions telles que la fatigue ou le temps de sommeil en lien avec les entrainements ou les compétitions doivent également être prises en compte chez des sportifs de haut niveau. Les périodes d’intersaison pouvant entrainer un déconditionnement relatif sont aussi des périodes à risque de développement de blessures à l’aine (André B et al., 2015, Sadegheti et al., 2013).

En termes de prévention, les données actuelles sur l’efficacité de différents programmes de prévention sont assez floues et contradictoires. On retrouve parmi eux le programme de Holmich et de Tyler basés sur des routines d’exercices musculaires. Le programme « FIFA 11+ » peut aussi être une base de prévention pour les douleurs à l’aine.

Cependant, voici quelques recommandations pour élaborer un programme de prévention optimal en accord avec les données les plus probantes sur la prévention de ces blessures :

  • le programme doit être élaboré suivant les facteurs de risque préalablement identifiés.
  • la réalisation du programme doit être faite en échauffement et de manière régulière.
  • l’utilisation d’exercices de renforcement musculaire global et d’exercices de proprioception lombo-pelvienne doit être intégrée.
  • inclure au programme des exercices en lien avec la pratique ou le geste sportif spécifique.
  • en cas de faiblesse musculaire identifiée, il semble pertinent d’inclure au programme de prévention des exercices ayant comme objectif un gain de force notamment chez des athlètes de haut niveau avec des contraintes importantes. La charge doit être progressivement augmentée au fil du temps et peut être induite par une variété de mode d’entrainement (en résistance manuelle, avec des poids ou des élastiques par exemple) ou de paramètres (varier le nombre de séries, de répétitions ou le temps de repos). La faiblesse des adducteurs étant le facteur de risque le plus souvent rencontré, il reste l’un des principaux groupes musculaires à cibler.

 

Conclusion

Du fait de leur forte prévalence chez les sportifs qu’ils soient amateur ou de haut niveau, les douleurs à l’aine ne doivent pas être négligées par les professionnels de santé en charge de la rééducation. Grâce aux recommandations de DOHA de 2015, une nouvelle classification permet d’adopter un langage commun et un diagnostic différentiel optimal.

Les différentes prises en charge n’ont pas été ici expliquées, mais elles doivent respecter les caractéristiques des structures atteintes. Les douleurs à l’aine les plus présentent sont celles liées aux adducteurs et leur prise en charge est largement détaillée dans le Grand format n° 2 « Les blessures musculaires chez l’athlète ».

Les blessures à l’aine sont aussi à très grand risque de récurrence et de chroniscisation. En conséquence, un examen clinique poussé et minutieux ainsi qu’une prise en charge adaptée et personnalisée sont fortement recommandés.

 

Nouvelle technologie 

Pure2Improve Slide Trainer:

 

Crédits: pure2improve.com

Le Pure2Improve Slide Trainer est un tapis permettant de « glisser » grâce à l’interaction du chausson et de la surface afin d’effectuer des mouvements de grande amplitude en allongeant les fibres musculaires. Des mouvements latéraux peuvent s’avérer très intéressants pour la rééducation/prévention des blessures aux adducteurs. Tous les autres groupes musculaires peuvent également être travaillés (stabilité épaule, gainage, IJs, etc.).

 

Tout le contenu de cet article est présenté à titre informatif. Il ne remplace en aucun cas l’avis ou la visite d’un professionnel de santé.

 

Sources :

Weir, A. (2015). Doha agreement meeting on terminology and definitions in groin pain in athletes. Br J Sports Med, 768–774. Article sous Licence Creative Commons 4.0 CC-BY

Which factors differentiate athletes with hip/groin pain from those without? A systematic review with meta-analysis. (2015). Br J Sports Med, 49–810. Article sous Licence Creative Commons 4.0 CC-BY

Charlton, P. C., Drew, M. K., Mentiplay, B. F., Grimaldi, A., & Clark, R. A. (2017). Exercise Interventions for the Prevention and Treatment of Groin Pain and Injury in Athletes: A Critical and Systematic Review. Sports Medicine, 47(10). 

Sedaghati, P., Alizadeh, M.-H., Shirzad, E., & Ardjmand, A. (2013). Review of Sport-Induced Groin Injuries. Trauma Monthly, 18(3), 107–113.

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