Rupture de la coiffe des rotateurs : explication et traitement

Publié le : 8 juin 2022 à 22h35

Article rédigé par Blandine MAUDHUIZON - MKDE

Description et épidémiologie

Des études épidémiologiques ont montré que les ruptures de la coiffe des rotateurs représentent 30 à 70 % des causes les plus courantes de douleur à l'épaule et de limitation des mouvements (1). Cette condition altère considérablement la capacité motrice des athlètes, et réduit leur qualité de vie. En effet, le rôle de ces muscles est essentiel dans le mouvement et la stabilité gléno-humérale, agissant ensemble comme stabilisateurs dynamiques de l'articulation de l’épaule. 

Anatomie

L’épaule est l'articulation avec la plus grande amplitude de mouvement dans tout le corps, qui repose principalement sur la coiffe des rotateurs, composée de 4 muscles :

  • le supra-épineux qui initie l'abduction,
  • l'infra-épineux et le petit rond sont quant à eux responsables de la rotation externe
  • le subscapulaire qui est le principal rotateur interne de l'épaule. 

La coiffe des rotateurs postéro-supérieure, composée des tendons supra-épineux et infra-épineux, est le site le plus fréquent de rupture de la coiffe des rotateurs.

 

Etiologie

Les ruptures de la coiffe des rotateurs peuvent être classées selon le mécanisme de la blessure : aiguë, chronique ou une combinaison des deux. Une rupture aiguë de la coiffe des rotateurs a été définie comme une déchirure impliquant une blessure ou un traumatisme, apparaissant généralement chez des patients sans antécédents de symptômes de l'épaule et se présentant avec une pseudoparalysie de l'épaule. Les ruptures chroniques de la coiffe des rotateurs surviennent souvent en raison d'une dégénérescence progressive du tendon, se développant au fil du temps et généralement en raison de multiples facteurs tels que la surutilisation, un manque de vascularisation et d'autres facteurs physiologiques. Par ailleurs, les déchirures chroniques de la coiffe peuvent être asymptomatiques puis aggravées par un traumatisme, appelées aigu sur chronique.

Indépendamment du mécanisme de la blessure, les ruptures de la coiffe des rotateurs sont divisées en deux grands types : d'épaisseur partielle ou totale. Lorsque > 50 % de l'épaisseur du tendon est rompu, la tension intra-tendineuse du tendon résiduel augmente. La prise de décision de prise en charge des ruptures partielles dépend de leur capacité d'auto-guérison et leur tendance à s'agrandir avec le temps et à évoluer vers une rupture totale. Plus de 40 % des ruptures partielles asymptomatiques évoluent vers des ruptures totales dans les trois ans. (2)

 

Processus de guérison :

Les tendons de la coiffe des rotateurs endommagés ont un certain degré de capacité d'auto-guérison et le processus de guérison comprend trois étapes : 

  1. la phase inflammatoire: après une blessure au tendon, une courte période d'inflammation dure généralement environ une semaine.
  2. la phase proliférative: s'ensuit une période de prolifération de plusieurs semaines, 
  3. la phase de remodelage: et enfin une période de remodelage, qui dure généralement jusqu'à plusieurs mois voire plusieurs années.

 

Conséquences biomécaniques (3)

Les ruptures de la coiffe des rotateurs affectent négativement la biomécanique de l'épaule :

Ruptures postéro-supérieures : La perturbation des unités musculo-tendineuses (dans ce cas présent : infra-épineux et petit rond) entraîne une faiblesse de la rotation externe active et une augmentation de la rotation interne passive

Ruptures antéro-supérieures (impliquant le subscapulaire) : entraînent une faiblesse de la rotation interne active et une augmentation de la rotation externe passive.

 

Chez les athlètes “overhead, les blessures impliquent le plus souvent le supra-épineux postérieur et l'infra-épineux antérieur. Cela pourrait être dû à un conflit interne et/ou à des déficiences anatomiques dans la partie articulaire de la coiffe des rotateurs, telles qu'une hypovascularisation et une disposition désorganisée du collagène. (2)

 

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Diagnostic et évaluation

L'examen clinique commence par une évaluation de l’amplitude des mouvements et de force musculaire, en prenant compte des altérations biomécaniques comme mentionnées ci-dessus. 

Il existe une multitude de tests pour évaluer la force musculaire des muscles de la coiffe des rotateurs. Ces tests décrits dans la littérature ont des données limitées pour soutenir leur utilisation. Ils sont à employer avec précaution dans l’interprétation que l’on peut en faire. Leur utilisation permet d’établir le degré d’invalidité, tout en servant d’indicateur d’évolution pour la suite du traitement. Ces tests s’avèrent plus efficaces s’il s’agit de diagnostiquer une rupture de plusieurs tendons que pour diagnostiquer une rupture isolée.  Parmi ces tests, on peut citer:

  • Belly Test
  • Lift off Test
  • Drop arm Test
  • External-rotation Lag sign
  • Jobe Test

 

Un examen neurovasculaire peut être nécessaire pour évaluer l'intégrité de la fonction nerveuse axillaire et supra-épineux. L'inspection peut révéler une atrophie du deltoïde ou une atrophie périscapulaire de l'infra-épineux

La palpation du tendon du long biceps dans le sillon bicipital est essentielle pendant l'examen, car les lésions de ce tendon sont fortement associées aux ruptures de la coiffe des rotateurs (3).

Un IRM permet de confirmer le diagnostic. Cependant il est difficile à mettre en contexte clinique puisque plus de 40% des personnes âgées de 50 ans présentent des anomalies à l’IRM (même asymptomatiques).

Quant à la radio, son utilisation pour les lésions des tissus mous de l'épaule n'est pas validée. Elle peut être utile pour exclure d'autres causes possibles de douleur à l'épaule.

De son côté, la précision diagnostique de l'échographie est satisfaisante et comparable à celle de l'IRM classique pour identifier et quantifier les lésions complètes (pleine épaisseur) de la coiffe des rotateurs, même si les résultats sont contrastés quant à sa validité pour les ruptures partielles.

 

Facteurs de risque

Zhao J et al ont établi des facteurs de risques (1) :

  • l'âge : Le taux d'incidence des ruptures de la coiffe des rotateurs augmente avec l'âge, et l’étendue de la rupture est significativement positivement corrélée avec l'âge.
  • l'hypertension: l’hypertension artérielle serait associée à un risque élevé de rupture, avec une multiplication par quatre du risque de rupture massive. 
  • le CSA (Critical Shoulder Angle : que l’on peut traduire par l’angle critique de l’épaule) La mesure de l'angle critique d'épaule, telle que proposée par Moor et al, est déterminée comme l'angle formé par la droite reliant l'aspect supérieur à l'aspect le plus inférieur de la glène (noté A sur l’illustration ci-dessous) et une deuxième droite s'étendant de la glène inférieure à la face la plus inférolatérale de l'acromion (noté BC).

 

(Credits: Stamiris, D., Stamiris, S., Papavasiliou, K., Potoupnis, M., Tsiridis, E., & Sarris, I. (2020). Critical shoulder angle is intrinsically associated with the development of degenerative shoulder diseases: A systematic review. Orthopedic reviews, 12(1), 8457)

 

Les résultats ont montré que plus l'angle critique de l'épaule était grand, plus le risque de rupture était élevé. Avec un angle élevé, la force de cisaillement (shear force) de l'articulation augmente, entraînant une instabilité de l'articulation de l'épaule, et la coiffe des rotateurs a besoin d'une force supplémentaire pour équilibrer et maintenir la stabilité de l'articulation. Dans le cas d'une légère abduction active, un CSA élevé peut augmenter la charge du tendon supra-épineux, ce qui confirme également qu'un CSA élevé peut entraîner une rupture de la coiffe des rotateurs.

Par ailleurs, leur étude n’a pas établi de relation directe entre le sexe, la main dominante, le tabagisme, le diabète et les maladies thyroïdiennes avec les ruptures de la coiffe des rotateurs.

 

 

Traitement conservateur 

Le traitement non chirurgical est une option de première intention pour les ruptures partielles sans signe de pseudoparalysie, indiquant un couple de force bien compensé. Cela comprend généralement une modification de l'activité, des anti-inflammatoires et des injections de corticostéroïdes. La modification de l’activité doit s’accompagner d’un programme d’exercice se concentrant sur la dynamique scapulo-humérale, le renforcement de la musculature deltoïde et périscapulaire, le contrôle postural et l'étirement capsulaire postérieur. Les injections de corticostéroïdes offrent quant à elles une solution à la douleur résiduelle mais augmentent le risque de complications et de chirurgie de révision après réparation de la coiffe des rotateurs. (2)

 

Traitement chirurgical 

La chirurgie est généralement limitée à ceux qui ont échoué aux mesures non opératoires et qui ont une douleur persistante et/ou une incapacité. La rupture de la coiffe des rotateurs est l'un des problèmes d'épaule les plus courants rencontrés par les chirurgiens orthopédistes. Outre le traitement conservateur, il existe une multitude d'options chirurgicales pour la prise en charge des ruptures de la coiffe des rotateurs. La chirurgie ouverte et arthroscopique sont les deux principales méthodes de réparation clinique des tendons de la coiffe des rotateurs et contribuent à soulager la douleur, restaurer la biomécanique et améliorer la fonction. Plusieurs facteurs influencent la décision d'opérer, par exemple, l'âge du patient, le niveau d'activité, la pathologie concomitante, la profession. (2)

 

Procédure arthroscopique : Contrairement à la chirurgie ouverte, l’arthroscopie permet une évaluation complète des espaces intra-articulaires et sous-acromiaux. Cependant, il n'y a actuellement pas suffisamment de preuves pour recommander une procédure spécifique pour le traitement des ruptures de la coiffe, mais, quelle que soit la technique utilisée, une amélioration du résultat fonctionnel peut être obtenue de manière fiable. (2)

 

Diagnostic différentiel

Comme décrit précédemment, les ruptures de la coiffe des rotateurs sont souvent accompagnées de douleurs à l'épaule, faiblesse et perte d'amplitude de mouvement. Ces symptômes ne sont pas propres aux ruptures de la coiffe des rotateurs et le diagnostic différentiel comprend :

  • les déchirures labrales
  • les déchirures ou les entorses du ligament glénohuméral
  • les déchirures et les entorses des ligaments coracoacromial et acromioclaviculaire
  • l'arthrose
  • la capsulite retractile
  • les neuropathies périphériques proximales
  • la radiculopathie cervicale.

 

Conclusion

La rupture de la coiffe des rotateurs mène à une altération de la fonction des membres supérieurs de l’athlète et une réduction de mobilité et de force musculaire. Concernant la prise en charge, la chirurgie est généralement réservée aux patients qui ont échoué aux mesures non opératoires et qui présentent des symptômes persistants.

 

Tout le contenu de cet article est présenté à titre informatif. Il ne remplace en aucun cas l’avis ou la visite d’un professionnel de santé.

 

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Sources: 


Zhao, J., Pan, J., Zeng, L. F., Wu, M., Yang, W., & Liu, J. (2021). Risk factors for full-thickness rotator cuff tears: a systematic review and meta-analysis. EFORT open reviews, 6(11), 1087–1096. Article sous Creative Commons Attribution-Non Commercial 4.0 International license (CC BY NC 4.0)

Thangarajah, T., & Lo, I. K. (2022). Optimal Management of Partial Thickness Rotator Cuff Tears: Clinical Considerations and Practical Management. Orthopedic research and reviews, 14, 59–70. Article sous Creative Commons Attribution – Non Commercial License (CC BY NC 3.0)

Di Benedetto, P., Mancuso, F., Tosolini, L., Buttironi, M. M., Beltrame, A., & Causero, A. (2021). Treatment options for massive rotator cuff tears: a narrative review. Acta bio-medica : Atenei Parmensis, 92(S3), e2021026. Article sous Creative Commons Attribution 4.0 International License (CC BY 4.0)

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