Prise en charge du conflit postéro-supérieur de l’épaule chez l’athlète « overhead »

Publié le : 6 décembre 2020 à 10h00

Article rédigé par Clément Boudot

L’athlète « overhead » est caractérisé par l’utilisation de son bras au-dessus de la tête (arc de mouvement) pour réaliser un geste spécifique à son sport. Les mouvements de lancers se réalisent donc de manière « overhead » et leur exécution répétée s’avère traumatisante pour l’épaule à cause de la réalisation du geste de manière rapide à des amplitudes articulaires extrêmes ce qui expose donc plus fréquemment les athlètes à de potentielles blessures.

L’épidémiologie du conflit postéro-supérieur de l’épaule n’est pas connue à ce jour. Elle est souvent associée avec d’autres pathologies de l’épaule et la difficulté de son diagnostic complique encore plus l’identification de son apparition.

Le conflit postéro-supérieur de l’épaule a longtemps fait débat quant aux possibles causes de son développement. Les concepts les plus récents tendent à démontrer que ce conflit est multifactoriel de nature, impliquant ainsi un rétrécissement de la capsule postérieure, une dyskinésie scapulaire et un remaniement physiologique de l’épaule.

 

Anatomie de l’épaule

Crédits: all-musculation.com

 

L’articulation de l’épaule est composée de l’humérus qui vient s’articuler avec la scapula (omoplate) au niveau de la glène. La clavicule quant à elle s’articule avec l’acromion de la scapula pour former une articulation de type synoviale. La coiffe est composée de 4 muscles: le subscapulaire, le petit rond, l’infra-épineux et le supra-épineux. Tous viennent s’insérer sur le tubercule majeur de l’humérus à l’exception du subscapulaire qui lui vient s’insérer sur le tubercule mineur.

La coiffe des rotateurs a pour fonction principale de stabiliser l’épaule.

 

Comprendre l’épaule du lanceur pour optimiser sa prise en charge

Chaine cinétique:

Le concept de chaîne cinétique décrit le mouvement coordonné qui transmet l'énergie depuis les extrémités inférieures, à travers le tronc, jusqu'à l'épaule, et enfin à la balle lorsqu'elle est libérée (ex. lancer de baseball). Les caractéristiques d’une chaine cinétique efficace lors d’un mouvement de lancer sont: la force des membres inférieurs, la rotation du buste, la stabilité lombo-pelvienne, le mouvement scapulaire ainsi que la rotation d’épaule.

Crédits: physiopedia.com

 

Le mouvement de lancer a été décomposé en 6 phases. Les trois premières phases servent au placement des membres inférieurs, à la stabilité lombo-pelvienne et à la préparation du bras à relâcher la balle. Ces trois premières phases durent environ 1,5 seconde et représente la pus grande partie du mouvement de lancer. La quatrième phase, la phase d’accélération, est celle où le changement de vitesse angulaire de l’épaule est le plus important. C’est le mouvement articulaire le plus rapide enregistré dans le corps humain. Il se passe à environ 7250 degrés/seconde et ne dure que 0,05 seconde. Cette phase est suivie par une phase de décélération d’environ 0,35 seconde où les rotateurs externes travaillent en excentrique et le corps accompagne le mouvement de lancer de l’épaule.

 

Le paradoxe du lanceur

Le "paradoxe du lanceur" fait référence à l'équilibre délicat entre la mobilité et la stabilité de l’épaule du sportif.

Les lanceurs ont une rotation externe (= RE) majorée qui est le résultat d’une adaptation à leur pratique sportive. Cette RE est augmentée par le biais d’adaptation physiologique au niveau de l‘épaule comme une rétroversion de la tête humérale et de la glène, ainsi qu’une augmentation de la laxité capsulaire antérieure.

Cependant, ces adaptations physiologiques entrainent également des variations anatomiques sur la partie postérieure de l’épaule. Il en résulte une contracture de la capsule postérieure ainsi que de la bande postérieure du ligament gléno-humérale inférieur.

Toutes ces adaptations entrainent une instabilité. Cette instabilité fut dans un premier temps décrite comme un facteur prédictif d’un conflit postéro-supérieur symptomatique.

Cliniquement, on observe couramment une perte de 15 degrés ou plus de la rotation interne de l'épaule dominante par rapport au bras non dominant. Le risque de blessure augmente une fois ce seuil atteint.

 

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Burkhart et al, ont rapporté que les épaules avec un déficit de rotation interne > 25 degrés sont plus à risque de développer des lésions SLAP (= atteinte du labrum antéro-supérieur et du chef long du biceps brachial).

Il est à noter que les lanceurs ayant une laxité du ligament collatéral ulnaire du coude ont montré un déficit de rotation interne (= GIRD) majoré par rapport aux joueurs sans antécédents de blessure au coude. Lors du lancer, le coude est soumis comme l’épaule à des contraintes. Notamment au moment de l’armement, le coude est amené à effectuer un valgus mettant en tension le ligament collatéral ulnaire. Un déficit de stabilité du coude au moment de ce valgus dynamique, peut être compensé par une RE externe de l’épaule majorée entrainant un déficit de rotation interne.

 

Dyskinésie scapulaire

La scapula est un élément clé de l’épaule. Elle est à l’origine et l’insertion de 17 muscles différents. Une scapula instable ne permettra pas à la coiffe de fournir un travail efficace, car elle sera sur un plan instable.

Une dyskinésie scapulaire est définie comme étant une position anormale de la scapula au repos ou une altération du mouvement de cette dernière.

Cette dyskinésie peut engendrer une raideur ainsi qu’un déséquilibre musculaire des muscles péri-scapulaire. On peut donc retrouver chez les athlètes un trouble du rythme scapulo-thoracique, une protraction et une rotation interne de la scapula.

Quand la scapula est mal positionnée et instable, la coiffe va devoir compenser le travail de la scapula pour la stabilisation de l’articulation gléno-humérale. Cette surcharge de travail de la coiffe est transmise à la glène postéro-supérieur ainsi qu’à la surface articulaire de la coiffe ce qui peut entraîner alors ce conflit postéro-supérieur.

La prévalence de la dyskinésie scapulaire varie et fut « sur-diagnostiquer » par le passé. Il fut décrit que la dyskinésie scapulaire était présente chez 100% des sportifs overhead. Cependant plus récemment une revue systématique fut réalisée pour connaitre la proportion de dyskinésie scapulaire chez les patients overhead et non-overhead. Ils ont retrouvé 61% de dyskinésie scapulaire chez les athlètes overhead et 33% chez les patients non-overhead. Cependant, le diagnostic d’une dyskinésie scapulaire est subjectif et repose sur l’observation de l’examinateur. Pour aider les thérapeutes à correctement identifier les dyskinésies scapulaires une échelle fut crée, l’échelle de Kibler.

Important: La dyskinésie scapulaire doit être étudiée au cas par cas, car elle peut être le résultat de l’adaptation à l’entrainement de l’athlète. Elle peut être pathologique comme non-pathologique comme en témoigne le grand nombre d’athlètes ayant une dyskinésie scapulaire et n’étant pas blessés.

 

Diagnostic

Le diagnostic du conflit postéro-supérieur repose sur plusieurs catégories: l’anamnèse, un examen physique complet et l’imagerie.

L’anamnèse:

  • Sensation de raideur de l’épaule
  • Nécessite un échauffement prolongé
  • Baisse des performances
  • Douleur sur la face postérieur de l’épaule lors de la phase d’armement du bras

 

L’examen physique:

  • Ligne gleno-humérale postérieur sensible
  • Augmentation de la rotation externe et diminution de la rotation interne
  • Dyskinésie scapulaire
  • Test de recentrage (Jobe’s relocation test »)
  • Signe de conflit postérieur positif

 

L’imagerie:

  • Lésion de Bennett
  • Sclérose de la grosse tubérosité, kystes postérieurs de la tête humérale, arrondissement du bord postérieur de la glène
  • Déchirure labrale postéro-supérieures
  • Déchirures de la face articulaire de la coiffe des rotateurs d'épaisseur partielle (supra-épineux, infra-épineux)

 

Lors du bilan de l’épaule du lanceur, on va retrouver généralement une douleur sur la face postérieure de l’épaule, une rotation interne déficitaire et une rotation externe majorée. Le but de l’examen de l’épaule va être de rechercher les différentes pathologies qui peuvent être associées au conflit postéro-supérieur de l’épaule.

 

Traitement

Le traitement de première intention du conflit postéro-supérieur sera le traitement conservateur. Il dépendra en partie des éléments recueillis lors de l’examen effectué avec le patient.

Il reposera sur la récupération de la rotation interne perdue grâce notamment au «sleeper stretch». Chez les tennismen de haut niveau, le « sleeper stretch» a déjà montré son efficacité quant aux affectations de l’épaule. Il a permis une récupération de la rotation interne et une diminution de 38% des pathologies de l’épaule.

Crédits: Corpus et al. 2016

Le traitement devra aussi prendre en compte la dyskinésie scapulaire pathologique et douloureuse avec des exercices visant à stabiliser la scapula pour permettre un travail optimal de la coiffe des rotateurs et également de retrouver un rythme scapulo-huméral normal.

Comme vu précédemment le concept de chaine cinétique doit être incorporé dans les exercices.

En effet, le mouvement de lancer ne se limite pas seulement à l’épaule, mais implique également les chaines cinétiques afin d’améliorer les performances du lancer.

Les exercices devront donc prendre en compte ce concept et l’intégrer à la rééducation pour être le plus spécifique possible au mouvement que réalise l’athlète. Des exercices de renforcement des membres inférieurs, de gainage, et de renforcement des obliques sont intéressants à intégrer dans la rééducation, car ils sont des composants importants de la chaine cinétique du lancer.

La blessure peut être vue comme un échec par les athlètes et ces derniers veulent souvent revenir trop rapidement sur le terrain. Un outil simple comme S.M.A.R.T peut être utilisé pour fixer les objectifs de la rééducation. Cet outil peut aider à bien encadrer la rééducation et à définir en amont avec le patient des objectifs clairs et précis.

S.M.A.R.T est un acronyme qui signifie:

S: spécifique

M: mesurable

A: accepté et acceptable

R: réaliste

T: temporellement défini.

 

Nouvelles technologies

Rapsodo:

Crédits: Rapsodo

Rapsodo permet une analyse des mouvements et fournit des données instantanées lors des lancers des baseballeurs, ou swings des golfeurs. Il permet à travers une application de stocker et d’analyser ces datas, afin de corriger une anomalie dans la biomécanique ou d’optimiser les performances.

 

Xco®-Trainer:

Crédits:Xco®-Trainer

Le Xco®-Trainer est un tube en aluminium rempli de granules. Pendant l'exercice, la masse en mouvement libre se déplace d'avant en arrière à chaque mouvement réalisés. Les granules viennent alors percuter les extrémités du tube et les muscles et en particulier le tissu conjonctif dans et autour des muscles reçoivent une charge mécanique supplémentaire nécessitant des compétences de stabilisation accrues notamment de la part de l’épaule. Cet effet, appelé par la marque « Impact réactif », est soutenu dans plusieurs études scientifiques internationales.

 

Tout le contenu de cet article est présenté à titre informatif. Il ne remplace en aucun cas l’avis ou la visite d’un professionnel de santé.

 

Sources:

Burn, M. B., McCulloch, P. C., Lintner, D. M., Liberman, S. R., & Harris, J. D. (2016). Prevalence of Scapular Dyskinesis in Overhead and Nonoverhead Athletes: A Systematic Review. Orthopaedic journal of sports medicine, 4(2), 2325967115627608. Article sous Creative Commons Attribution-NonCommercial-NoDerivs 3.0 License

Corpus, K. T., Camp, C. L., Dines, D. M., Altchek, D. W., & Dines, J. S. (2016). Evaluation and treatment of internal impingement of the shoulder in overhead athletes. World journal of orthopedics, 7(12), 776–784. Article sous Creative Commons Attribution Non Commercial license (CC BY-NC 4.0)

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