Luxation antérieure d’épaule: facteurs de risque et options de traitement

Publié le : 28 juillet 2021 à 21h44

Article rédigé par Clément Boudot 

 

Les luxations antérieures de l'épaule sont un problème majeur et récurrent chez les sportifs. Un premier épisode de luxation peut rendre l‘épaule instable de manière récurrente et la prédispose à de nouvelles luxations. Le taux d'incidence global des luxations de l'épaule varie entre 23,1 et 23,9 pour 100 000 personnes/an, avec un taux d'incidence plus élevé chez les jeunes hommes (98,3 pour 100 000 personnes/an). Les taux d’instabilité récurrents rapportés varient énormément et se situe entre 26% et 100%. Olds et al., ont quant à eux montré que les taux d'instabilité récurrents 1 an après une première luxation traumatique antérieure de l’épaule étaient de 39%.

 

 

Malgré des taux d’instabilités récurrents qui diffèrent, certains auteurs ont proposé une stabilisation chirurgicale immédiate pour les jeunes athlètes après un premier épisode de luxation. Mais ce postulat reste débattu, d’autres auteurs ont avancé que cela impliquerait une intervention chirurgicale inutile pour ceux qui ne risquent pas de développer une instabilité future.

Par conséquent, une meilleure prise de décision concernant la stabilisation chirurgicale immédiate au moment de la première luxation est un objectif primordial pour les patients.

Il est également nécessaire d'identifier les facteurs de risque modifiables d'instabilité récurrente de l'épaule après une première luxation traumatique antérieure de l’épaule afin d’informer au mieux le patient sur la meilleure méthode à utiliser dans son cas (opération vs traitement conservateur).

 

Facteur prédisposant aux instabilités récurrentes

Il existe des facteurs de risque intrinsèques et extrinsèques. Les facteurs de risque extrinsèques d'instabilité récurrente de l'épaule comprennent les professions qui impliquent l'utilisation du membre supérieur au-dessus de leur tête, les sports de collision ou la surface de jeu.

Les facteurs de risque intrinsèques comprennent l'hypermobilité et l’âge (plus jeune). Certains facteurs de risque intrinsèques peuvent être le résultat de dommages pathologiques survenus lors d'une luxation (ex: lésion de Bankart, consiste en une avulsion du labrum antéro-inférieur associée à une rupture du périoste).

Olds et al., ont constaté que les hommes présentaient un risque accru de récidive par rapport aux femmes. Il peut y avoir une interaction entre le sexe et d'autres facteurs de risque tels que les facteurs neuromusculaires ou le mécanisme de la blessure. Par exemple, les hommes peuvent être plus susceptibles de subir un événement d'instabilité lors d'un contact avec un adversaire lors de sa pratique sportive. Cependant, il peut exister un biais de sexe et de nombreux sports de collision traditionnels ont modifié leurs règles dans la version féminine.

Toutes les études incluses dans la revue de Olds et al., ont trouvé que l'âge également était associé à une instabilité récurrente. Les personnes âgées de 40 ans et moins étaient 13 fois plus susceptibles de souffrir d'instabilité récurrente, par rapport aux personnes âgées de plus de 40 ans. Cela peut être dû à des différences dans les propriétés biomécaniques, le type de fibres de collagène, l'élasticité de la capsule ou les changements de niveau d'activité en fonction de l’âge. Il se peut aussi que l’activité sportive au-delà de 40 ans diminue rendant les patients moins susceptibles aux luxations traumatiques antérieures.

Certains auteurs ont quant à eux regroupé l'activité sportive comme mécanisme de blessure alors qu'il aurait peut-être été plus judicieux de décrire le mécanisme de blessure en lui-même, comme par exemple, la force imposée par un contact physique.

 

 

Olds et al., n’ont pas retrouvé d’association entre le fait de développer une instabilité récurrente et le fait jouer à des sports de contact ou de réaliser un RTP rapide après une première luxation gléno-humérale.

D'autres auteurs ont proposé que les lésions qui impliquent le labrum glénoïdal entraînent des taux accrus d'instabilité récurrente. Olds et al., ont constaté une tendance à l'augmentation du risque d'instabilité récurrente chez les personnes présentant une lésion de Hill Sachs (fracture bord postéro-latéral de la tête humérale).

D'autres études prospectives sont nécessaires afin de déterminer si la taille (gravité) d'une lésion de Hill Sachs à un impact sur l'instabilité récurrente.

Robinson et al., ont suivi des participants pendant 6 semaines après une première luxation antérieure traumatique de l'épaule et ont signalé un risque accru de récidive en présence d'une fracture du rebord glénoïdal (risque relatif = 7,0) et lors d’une présence d'une lésion de Hill Sachs avec une fracture du rebord glénoïdal (risque relatif = 33,5).

Également, les personnes ayant une hyperlaxité ont été reconnues comme ayant 3 fois plus de risque d’instabilité récurrente après un premier épisode de luxation traumatique antérieure de l’épaule.

 

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Il est intéressant de noter l'effet protecteur que certaines variables pathologiques ont eu sur l'instabilité récurrente. Olds et al., ont constaté que la présence d'une fracture de la tubérosité majeure diminuait de plus de 7 fois le taux d'instabilité récurrente. Kralinger et al. ont postulé que cela était dû à une diminution de l'amplitude de la rotation externe en abduction, car les personnes ayant une perte de rotation externe en position neutre présentaient un risque réduit de récidive.

De même, une paralysie du nerf axillaire n'affecte pas l'intégrité structurelle de l'articulation, et il a également été constaté que cette lésion diminuait le risque d'instabilité récurrente. De plus, les fractures tubulaires et les paralysies axillaires entraînent toutes deux une diminution des mouvements du membre pendant une période significative, ce qui peut augmenter la force de la réparation anatomique et limiter l'exposition à des positions de luxation à haut risque telles que l'abduction/rotation externe.

 

Algorithme décisionnel et traitement envisageable?

La prise en charge initiale de l'instabilité aiguë de l'épaule dépend d'une multitude de facteurs. La prise en charge aiguë doit toujours consister en une réduction manuelle (si nécessaire) après confirmation d'une luxation. La durée exacte de la période initiale d'immobilisation reste débattue. La prise en charge aiguë (par exemple, une prise en charge bord de terrain) consiste en une immobilisation en écharpe et attendre une évaluation complète jusqu’au RTP.

Owens et al., ont précédemment proposé un algorithme pour aider à guider la gestion de l'instabilité traumatique de l'épaule antérieure à la mi-saison chez les athlètes de haut niveau. Les auteurs ont suggéré un ensemble de facteurs cliniques et spécifiques au sport qui pourraient servir à guider la gestion de l'instabilité chez les athlètes.

 

 

Les indications relatives à la prise en charge non chirurgicale de l'instabilité traumatique antérieure de l'épaule sont les suivantes:

  • Première luxation.
  • Défauts osseux de la glène inférieurs à 25 %.
  • Défauts de la tête humérale (ex: Hill-Sachs) inférieurs à 25 %.

Owen et al., ont suggéré que les athlètes qui désirent reprendre rapidement le sport en cours de saison peuvent être amenés à privilégier une prise en charge non chirurgicale.

Également, les athlètes peuvent opter pour un traitement conservateur à la place d’une opération s’ils pratiquent un sport sans contact, ou un sport qui ne requiert pas l’utilisation du bras au-dessus de tête, ou qui n’est pas un sport de lancer.

Lorsque l’épaule n’est plus instable pendant les matchs grâce aux straps et que l’athlète est capable d'effectuer des exercices spécifiques au sport sans instabilité, Owens et al., ne préconisent pas d’opération en première intention.

En revanche, la prise en charge chirurgicale sera préconisée plus tôt dans le parcours de soins si le patient répond à l'un des critères suivants:

  • Des lésions associées sont présentes :
    • Déchirure de la coiffe des rotateurs (par exemple, >50%)
    • Grandes lésions osseuses de Bankart ; défauts glénoïdiens supérieurs à 25 %.
    • Lésions de la tête humérale contribuant à une instabilité récurrente (plus de 25% ; lésion de Hill-Sachs engageante)
    • Fracture de l'humérus proximal nécessitant une intervention chirurgicale.
    • Luxation irréductible.

 

Il existe d’autres indications chirurgicales relatives lorsque qu’il existe une pathologie primaire des tissus mous et:

  • Une instabilité récurrente est constatée lors du retour au jeu.
  • L'athlète est incapable de tolérer une attelle ou une restriction de l'é
  • Incapacité à revenir au niveau de performance de base après un régime de traitement initial consistant en une brève immobilisation, une amplitude complète à l'examen, un protocole de renforcement, un entraînement spécifique au sport supervisé et une tentative de tape/strap lors du retour au jeu.
  • Le joueur est en fin de saison ou en période d'intersaison et demande une intervention chirurgicale plus pré

 

Les athlètes se luxant l’épaule pour la première fois et âgées de moins de 20 ans, les athlètes overhead, et/ou les athlètes pratiquant des sports de contacts peuvent être une indication à la chirurgie.

Plusieurs opérations peuvent être réalisées, cependant la plus commune d’entre elles est la réparation arthroscopique de Bankart. Dans le cadre d'une pathologie essentiellement constituée de tissus mous, la technique chirurgicale vise à réparer et à replacer le complexe capsulolabral détaché de son emplacement anatomique. Ainsi, le chirurgien vise à restaurer la capacité de retenue statique de la bande antérieure du ligament gléno-humérale inférieur. Divers dispositifs d'ancrage de suture permettent une réparation anatomique du labrum, et les techniques comprennent souvent une plicature capsulaire pour traiter les structures capsulaires pathologiquement laxes. Ce concept devient encore plus important dans le cadre des cas d'instabilité chronique.

Une étude de 2017 a rapporté les tendances chirurgicales de la prise en charge entre 2008 et 2012. Les procédures de stabilisation arthroscopique sont réalisées à un taux supérieur à 90% pour gérer l'instabilité antérieure de l'épaule, les taux annuels augmentant chaque année pendant la période d’étude.

Traditionnellement, les réparations de Bankart à ciel ouvert offraient de bons à excellents résultats avec un risque minimal de nouvelles luxations (environ 2 %) dans le cadre de cas d'instabilité osseuse minimale et principalement de tissus mous. Les procédures arthroscopiques offrent théoriquement les avantages d’une meilleure amplitude de mouvement, d'une diminution de la morbidité, permet d’éviter la ténotomie du sous-scapulaire et de la capacité à traiter une pathologie intra-articulaire concomitante. Également des études semblent montrer un retour plus rapide à la force musculaire préopératoire.

 

Découvrez notre échange avec le chirurgien orthopédiste spécialisé dans l'épaule, le Dr. GODENÈCHE Arnaud du centre orthopédique SANTY à Lyon: 

 

 

 

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Tout le contenu de cet article est présenté à titre informatif. Il ne remplace en aucun cas l’avis ou la visite d’un professionnel de santé.

 

Sources

Olds, M., Ellis, R., Donaldson, K., Parmar, P., & Kersten, P. (2015). Risk factors which predispose first-time traumatic anterior shoulder dislocations to recurrent instability in adults: a systematic review and meta-analysis. British journal of sports medicine, 49(14), 913–922. Article sous Creative Commons Attribution Non Commercial license (CC BY-NC 4.0).

Varacallo, M., Musto, M. A., & Mair, S. D. (2021). Anterior Shoulder Instability. In StatPearls. StatPearls Publishing. Article sous Creative Commons Attribution license (CC-BY 4.0).

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