Revue et mise à jour des différentes techniques de prise en charge des douleurs sous-acromiales de l’épaule

Publié le : 3 août 2021 à 19h59

Article rédigé par Thibaut Garçon 

 

La douleur à l'épaule est la troisième affectation musculo-squelettique la plus fréquente pouvant entraîner une invalidité (perte de force, perte de mobilité, etc, ayant un impact dans la vie quotidienne et sportive de l’athlète). La prévalence de la douleur à l'épaule se situe entre 7 et 27 % dans la population générale et est encore plus élevée dans les populations sportives qui pratiquent une activité dite « overhead » (tennis, volley, handball par exemple), où elle peut atteindre 36 à 66 %.

Le diagnostic le plus courant de la douleur de l'épaule est le syndrome douloureux sous-acromial (Subacromial Pain Syndrome en Anglais), le plus souvent appelé «conflit sous acromial». La prévalence de ces douleurs a été suggérée comme étant de 36 à 48% de tous les types de douleurs d'épaules. Traditionnellement, on pensait que ce syndrome pouvait avoir une étiologie purement mécanique, où les symptômes étaient causés par le « choc » des structures sous-acromiales contre la face inférieure de l'acromion par la réduction de l'espace sous-acromial. Le diagnostic était donc posé sur la base des caractéristiques cliniques de l'examen physique avec des tests tels qu’une provocation de la douleur à l'abduction de l'épaule, des tests positifs du test de Hawkin, de Neer ou de l’ « Empty can Test ».

Cependant, les recherches et les discussions actuelles remettent fortement en question l’aspect purement mécanique de l’apparition de ces douleurs et de l’importance de la distance sous-acromiale. Dans cet article nous verrons donc les principales techniques de rééducation actuelles et de nouvelles approches de la douleur dans le cadre de cette pathologie.

 

Exercice excentrique (1)

Dans une méta-analyse de 2019, Larsson et ses collaborateurs suggèrent que l'exercice excentrique peut fournir une faible réduction de la douleur par rapport à d'autres types d’exercices ou de mode de renforcement, mais probablement sans signification clinique importante. Attention, il n’est pas systématique de constater une réduction des symptômes, les auteurs s’accordent à dire que son utilisation peut ne pas entraîner de réduction de la douleur (à moyen et long terme notamment). Il n'est pas certain que l'exercice excentrique améliore la fonction plus que les autres types d'exercice après le traitement et le suivi à moyen ou long terme chez les patients atteints du syndrome de conflit sous-acromial.

En revanche, l’utilisation d’exercice à modalité excentrique n’est pas considérée comme « dangereuse » (dans l’utilisation de charge lourde, dans l’exécution des gestes) et les conclusions de ce travail ne rapportent pas d’effet négatif à son utilisation (dans les douleurs ou le ressenti post-exercice).

 

Stabilisation scapulaire (2)

Les résultats présentés ci-après sont eux issus d’une revue systématique de Ravichandran et ses collaborateurs (2020), dont le travail apporte comme conclusion :

Sur la douleur, l’utilisation d’un programme de renforcement ciblé sur l’activation et le contrôle scapulaire ainsi que les résultats analysés peuvent être considérés comme cliniquement pertinents. Le renforcement des stabilisateurs scapulaires, pourrait permettre de stabiliser la tête humérale dans la fosse glénoïde tout en maintenant un espace sous acromial le plus mobile en limitant les possibles terrains de « conflit ».

Les exercices de stabilisation de la scapula améliorent la force musculaire, le contrôle moteur, le schéma de mouvement, la perception de la position de l'articulation et réduisent l'invalidité en termes d'indice de douleur et le score du Western Ontario Rotator Cuff Index (questionnaire de ressenti de l’impact de la pathologie sur les douleurs, la pratique sportive, le travail et les loisirs). L’augmentation de la force musculaire, la perception de la position de l'articulation et le repositionnement scapulaire sembleraient permettre de rétablir un rythme scapulaire normal et donc de réduire les conséquences néfastes en termes de douleurs et d’utilisation de l’épaule dans la vie de tous les jours. L'auteur propose également de renforcer les groupes musculaires cruciaux pour assurer un contrôle biomécanique correct des mouvements scapulaires : (liste non exhaustive, l’ensemble des groupes musculaires qui semblent pertinents à renforcer)

  • Trapèze
  • Dentelé antérieur
  • Supra épineux
  • Infra épineux
  • Petit rond
  • Rhomboïde

 

Les conclusions de cette revue nous renseignent sur le fait qu’une faiblesse scapulo-thoracique pouvait être une cause du syndrome de douleur sous-acromiale. Par conséquent, les programmes d'exercices de stabilisation scapulaire peuvent être utilisés comme partie intégrante des modalités d'intervention thérapeutique visant à réduire la douleur et les invalidités (douleur, force, contrôle moteur, mobilité…) chez les sujets atteints de douleur de type « conflit » sous-acromial.

 

Exercices ciblés ou exercices généraux, quelle modalité choisir ? (3)

Dans le cadre d’une rééducation pour des douleurs sous acromiales, différentes stratégies comme décrites précédemment peuvent être mise en place. Cependant, de façon globale, 2 grandes modalités se dégagent et regroupe une grande partie des exercices de rééducation :

  • des exercices ciblés : de type coiffe des rotateurs, proprioception, maintien scapulaire…
  • des exercices « généraux » : renforcement musculaire global de type pompe, burpees, gainage,…

 

Dans une méta-analyse de 2017, Shire et ses collaborateurs ont essayé de comprendre si l’une des 2 méthodes pouvait être la plus efficace. Les résultats qualitatifs de cette revue suggèrent qu'il n'y a pas de preuves significatives pour soutenir l'utilisation d'exercices spécifiques par rapport aux exercices généraux dans les programmes de rééducation visant à être un traitement efficace contre la douleur, la fonction, les amplitudes articulaires et de la force chez des patients présentant des symptômes. En outre, aucune recommandation sur la nature des exercices, la fréquence, la dose et l'intensité ne peut être faite. Il est recommandé d’associer les différentes modalités d’exercices en fonction de l’avancée de la rééducation et de la symptomatologie du patient ou de l’athlète, de planifier des séances spécifiques avec des séances plus globales.


Relation entre distance sous-acromiale et douleur de l’épaule (4)

Récemment, il a été démontré qu’il n’y avait aucune différence entre la distance acromio-humérale, mesurée à 0°, 45° et 60° d'abduction de l'épaule, entre des participants atteints de douleurs de type « conflit » sous acromiales et des patients sans douleur à l'épaule. Ce résultat était retrouvé que ce soit dans des populations sportives et générales. Seule la mesure à 0° d'abduction de l'épaule était marginalement plus élevée chez les participants atteints par ces douleurs d’épaule par rapport aux témoins sans douleur à l’épaule.

L'absence de différence dans l'espace sous-acromial entre les participants présentant des douleurs sous-acromiales et d’autres sans douleur indique une probabilité réduite de provocation de la douleur due à un empiètement de l’espace sous-acromial. En effet si ces douleurs étaient provoquées par la compression des structures dans l'espace sous-acromial, on s'attendrait à une réduction de la distance entre l’humérus et l’acromion. Ceci est cohérent avec une revue systématique récente qui nous explique que l'intervention chirurgicale visant à augmenter l'espace sous-acromial n'offre pas d'avantages supplémentaires importants par rapport à la chirurgie placebo ou par une rééducation avec des exercices.

Cependant, comme mentionné plus haut, on peut retrouver dans certaines positions d’abduction une distance plus faible entre l’acromion et l’humérus dans des populations souffrant de douleurs sous-acromiales par rapport aux contrôles sans douleur à l'épaule. Ce résultat suggère que des tissus mous dans cet espace peuvent également être importants dans le développement de douleur sous-acromiale (tendon du muscle supra-épineux entre autres).

Les conclusions générales de cette revue systématique suggèrent ainsi que les cliniciens et les chercheurs doivent se concentrer sur d'autres facteurs biopsychologiques qui peuvent être plus pertinents (incluant la santé mentale et émotionnelle, souvent retrouvée dans les douleurs chroniques de l’épaule). De plus, comme expliqué dans les parties précédentes la faiblesse des muscles de la coiffe des rotateurs et de l'omoplate a été observée dans de nombreuses études et de nombreuses revues systématiques expliquent l’importance des exercices de renforcement de la coiffe des rotateurs et des muscles scapulaires pour la douleur ou encore la force chez les participants atteints par ces douleurs d’épaule.

  

Conclusion

L’ensemble des résultats décrits dans cet article remettent en question la théorie précédemment établie des douleurs sous-acromiales de l’épaule résultant d'une étiologie purement mécanique. En effet, aucune différence ou relation dans l'espace sous-acromial n'a été trouvée entre les groupes, même lorsque des améliorations dans les résultats rapportés par les patients ont été trouvées après des interventions. Les nouvelles avancées en matière de neurophysiologie de la douleur montrent qu’il est difficile d’expliquer la douleur simplement par une entité anatomique précise, et qu’il est temps de visualiser la provocation de la douleur comme un mécanisme individuel et complexe.

Les conclusions établies ici peuvent donc guider la prise en charge des patients atteints de douleurs sous-acromiales, car les résultats suggèrent que la prise en charge ne devrait pas se concentrer uniquement sur la réduction potentielle de l'espace sous-acromial, mais sur l'importance d'autres facteurs biopsychosociaux et musculaires plus généraux.

 

Nouvelle technologie

 

Crédits image: be-bo.ch

 

Développé par la société Bebô, le dispositif SNØ est un appareil portatif, discret déplaçant la chaleur grâce à un système d’échange thermique. Par un effet thermoélectrique, le module de froid va déplacer la chaleur et l’évacuer, pour refroidir significativement une plaque en contact avec la peau. L’effet est immédiat : le corps se refroidit notablement en quelques secondes. En plaçant le produit sur des parties ciblées du corps, il permettra donc de faire ressentir un effet de thermorégulation du corps (baisse ou augmentation de la température corporelle)

Cet appareil est de plus en plus utilisé pour de la récupération post-activité physique du fait de sa simplicité d’utilisation et d’un maintien du froid sur la durée et manière locale et précise.


Tout le contenu de cet article est présenté à titre informatif. Il ne remplace en aucun cas l’avis ou la visite d’un professionnel de santé.

 

Sources

(1) Larsson, R., Bernhardsson, S., & Nordeman, L. (2019). Effects of eccentric exercise in patients with subacromial impingement syndrome : a systematic review and meta-analysis. BMC Musculoskeletal Disorders, 20(1) - Article sous License Creative Commons 4.0

(2) Ravichandran, H., Janakiraman, B., Gelaw, A. Y., Fisseha, B., Sundaram, S., & Sharma, H. R. (2020). Effect of scapular stabilization exercise program in patients with subacromial impingement syndrome : a systematic review. Journal of Exercise Rehabilitation, 16(3), 216‑226 - Article sous License Creative Commons BY-NC 4.0

(3) Shire, A. R., Stæhr, T. A. B., Overby, J. B., Bastholm Dahl, M., Sandell Jacobsen, J., & Høyrup Christiansen, D. (2017). Specific or general exercise strategy for subacromial impingement syndrome–does it matter ? A systematic literature review and meta analysis. BMC Musculoskeletal Disorders, 18(1) - Article sous License Creative Commons BY 4.0

(4) Park, S. W., Chen, Y. T., Thompson, L., Kjoenoe, A., Juul-Kristensen, B., Cavalheri, V., & McKenna, L. (2020). No relationship between the acromiohumeral distance and pain in adults with subacromial pain syndrome : a systematic review and meta-analysis. Scientific Reports, 10(1) - Article sous License Creative Commons BY 4.0

Écrire un message
* informations obligatoires
(ne sera pas publié)