Syndrome de l’essuie-glace : explication et traitement

Publié le : 26 mars 2024 à 09h35

Article rédigé par Clément BOUDOT - Kinésithérapeute du sport

Introduction

Le syndrome de l’essuie-glace ou de la bandelette ilio-tibiale (ITBS) est l'une des nombreuses causes de douleur latérale du genou chez le sportif. La bandelette ilio-tibiale (ITB) est le prolongement du tenseur du fascia lata et du grand fessier, venant s’insérer sur le tibia au niveau du tubercule de Gerdy.

L'importance mécanique de l'ITB est soulignée par la prévalence des blessures, en particulier chez les coureurs. Les douleurs de l'ITB sont fréquentes chez les coureurs représentant entre 5 et 14 % de toutes les blessures liées à la course à pied.

Le terme de syndrome de l’essuie-glace est de moins en moins utilisé laissant place au syndrome de la bandelette ilio-tibiale. En effet, depuis peu les chercheurs s’accordent à dire que la bandelette ilio-tibiale ne frotte pas sur le condyle fémoral, mais vient plutôt se comprimer sur le tibia créant ainsi les douleurs caractéristiques de cette pathologie. L’image donc de la bandelette ilio-tibiale réalisant des va-et-vient sur le condyle fémoral tel qu’un essuie-glace se délite au fur et à mesure que la physiopathologie de cette blessure est mieux comprise.

Anatomie

La bandelette ilio-tibiale (ITB) est un tissu aponévrotique fibreux et résistant qui s'étend de la crête iliaque au tibia sur le tubercule de Gerdy. L’ITB s’associe également avec deux muscles : le grand fessier et le tenseur du fascia lata.

Les différents rôles fonctionnels de l'ITB semblent dépendre de la position de la jambe en regard de la hanche. Cela peut s’expliquer par sa composition, comme vu précédemment, par deux muscles à l’action opposés ainsi qu'au trajet anatomique de l’ITB qui traverse les articulations de la hanche et du genou.

Cependant, la fonction mécanique précise et même l'anatomie de base de l'ITB sont encore mal comprises. On pense que l'ITB fonctionne comme un stabilisateur durant la marche, agissant à la fois au niveau de la hanche et du genou, principalement dans le plan frontal. Il a également été suggéré qu'elle pouvait emmagasiner des quantités considérables d'énergie élastique pendant la marche.

 

 

Étiologie

Deux mécanismes ont été proposés pour décrire la façon dont le comportement mécanique et la fonction de l'ITB contribuent à l'étiologie du syndrome de l’essuie-glace. Historiquement, il était considéré comme une blessure par frottement de la bandelette. La bandelette se déplace de l'avant de l'épicondyle fémoral latéral en extension complète du genou vers l'arrière de l'épicondyle fémoral latéral lorsque le genou est fléchi à plus de 30°. On pensait que la charge cyclique lors d'activités telles que la course à pied et le cyclisme entraînait la traversée répétée de l'épicondyle latéral par la bande, provoquant une irritation ("friction") du tissu adipeux innervé qui se trouve en dessous.

Plus récemment, le mécanisme de friction proposé pour l'ITBS a été remis en question. Contestant ce point de vue, Fairclough et al., ont d'abord expliqué que la théorie de la friction est une illusion créée par le déplacement séquentiel de la charge des fibres de l'ITB de l'antérieur vers le postérieur au fur et à mesure que la bande est tendue. En fait, l'ITB est attaché au fémur distal, à l'exception de la partie supérieure du condyle fémoral latéral, ce qui empêche la traversée de l'ITB sur le condyle fémoral latéral, comme cela a été proposé précédemment.

Il semble donc impossible que l'ITBS soit induit par un mécanisme de friction. Une nouvelle théorie développée à l'aide de l'imagerie par résonance magnétique (IRM) a montré que lorsque le genou est fléchi à plus de 30°, la bandelette se comprime médialement contre l'épicondyle fémoral latéral lorsque la tension augmente dans les fibres postérieures de l'ITB. Cette compression est supposée provoquer une irritation de la graisse hautement innervée située entre la bande et l'os, ce qui suggère fortement que le syndrome de l'ITBS devrait être classé comme un syndrome de compression.

 

Épidémiologie

L'ITBS est la pathologie la plus courante dans les douleurs latérales du genou chez les coureurs et les cyclistes, mais elle peut également se manifester chez les athlètes pratiquant le tennis, le football, le ski et l'haltérophilie. L'incidence varie de 1,6 % et 12 % chez les coureurs et les autres athlètes effectuant des mouvements répétitifs. Elle est légèrement plus fréquente chez les femmes que chez les hommes et survient rarement dans la population non active. Une étude transversale a démontré que l'incidence de l'ITBS était de 6,2 % chez les recrues militaires. Le corps des Marines des États-Unis a indiqué que les blessures liées à la course à pied et à la surutilisation représentaient 12 % des blessures subies par son personnel.

 

 

Diagnostic et évaluation

Le syndrome de l’essuie-glace est un diagnostic clinique qui nécessite rarement des examens complémentaires. La première étape consiste en un examen physique du genou. Les amplitudes y sont conservées dans cette pathologie. Une douleur est présente sur la face latérale du genou en regard du tubercule de Gerdy. La douleur est présente à l’activité et notamment lors de la descente de marche. Généralement cette douleur apparait dans un cadre d’augmentation de la charge d’entrainement que cela soit en volume ou en intensité.

Les tests spéciaux pour l'ITBS comprennent les tests de Noble et d'Ober. Pour effectuer le test de Noble, le clinicien palpe d'abord l'épicondyle fémoral latéral, puis étend le genou de 90 degrés de flexion à 0 degré d'extension. Une douleur reproductible à 30 degrés de flexion est un test positif.

Le test d’Ober consiste à placer le patient en décubitus latéral, les genoux fléchis à 90°. Le clinicien se tient derrière le patient et réalise une adduction ainsi qu’une extension de hanche tout en soutenant le genou. Un test positif est indiqué par une restriction et une douleur sur la face latérale du genou.

 

Facteurs de risques

Les facteurs de risque modifiables comprennent la course sur une surface inclinée, la course en côte, les erreurs dans la technique d'entraînement et les changements brusques dans l'intensité ainsi que le volume d'entraînement.Des facteurs anatomiques tels que la torsion interne du tibia, la faiblesse des abducteurs de hanche, la pronation excessive du pied et l'arthrite du compartiment médial entraînant un varus de genou peuvent augmenter la tension de l’ITB et provoquer la pathologie. L'ITBS est en corrélation avec le syndrome de la douleur du grand trochanter en raison de l'altération de la biomécanique de la hanche et de la tension du complexe aponévrotique proximal.

 

 

Traitement et prévention

Le traitement de première intention pour la grande majorité des patients souffrant d'ITBS est une prise en charge non chirurgicale.

La kinésithérapie va dans un premier temps se focaliser sur le contrôle de la charge d’entrainement. Le monitoring de la charge placée sur la bandelette ilio-tibiale reste une des clés de la réussite de la prise en charge. Une reprise progressive de l'activité peut commencer dès que le patient ne ressent plus de douleur à l'activité ainsi qu’à la palpation.

Une phase également de renforcement musculaire sera à réaliser en kinésithérapie en se concentrant essentiellement sur le renfoncement des abducteurs ainsi que des rotateurs externes de hanche. Également un contrôle du valgus du genou avec un feedback sera à réaliser afin d’éviter un effondrement du genou lors de la course à pied et ainsi diminuer le phénomène de compression. La cryothérapie intermittente peut quant à elle aider à soulager les poussées aiguës de douleurs.

Les interventions ciblées sur la biomécanique de la course à pieds suspectés d'augmenter la tension de l'ITB, et les charges compressives sur le genou peuvent être une intervention prometteuse. Par exemple, Meardon et al., ont utilisé un modèle musculosquelettique spécifique au sujet pendant la course pour montrer qu'une plus grande largeur de pas réduit la tension de l'ITB. Afin de modifier la largeur de pas, il suffit de fournir un retour d'information à l'aide d'un miroir pendant la course sur tapis roulant. Également courir avec une cadence plus élevée réduit la tension et le taux de tension de l'ITB. Il est facile d'augmenter la cadence de course pendant les entrainements avec l’aide notamment d’un métronome.

La technique de foam rolling sur l’ITB est couramment prescrite aux coureurs souffrant d'un ITBS. Les changements de flexibilité résultant du foam rolling sont de courte durée ou insignifiants. Le soulagement de la douleur résultant du foam rolling n'est que temporaire et ne dure que quelques minutes. Le ITBS étant considéré comme un syndrome de compression, la prescription d'une compression supplémentaire, via le foam rolling, n'est pas justifiée d'un point de vue biologique et mécanique, et risque d'exacerber la pathologie.

 

 

Diagnostics différentiels

Les causes les plus courantes des douleurs latérales du genou sont énumérées ci-dessous :

  • Fracture de stress du plateau tibial latéral
  • Lésion du ménisque latéral
  • Arthrose du compartiment latéral du genou
  • Entorse du ligament collatéral latéral
  • Tendinopathie du biceps fémoral
  • Irradiation d'une pathologie de la hanche
  • Syndrome fémoro-patellaire
  • Tendinopathie poplitée

 

Tout le contenu de cet article est présenté à titre informatif. Il ne remplace en aucun cas l’avis ou la visite d’un professionnel de santé.

 

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Sources :

Hadeed, A., & Tapscott, D. C. (2023). Iliotibial Band Friction Syndrome. In StatPearls. StatPearls Publishing. Article sous Creative Commons Attribution 4.0 International License.

Hutchinson, L. A., Lichtwark, G. A., Willy, R. W., & Kelly, L. A. (2022). The Iliotibial Band: A Complex Structure with Versatile Functions. Sports medicine (Auckland, N.Z.)52(5), 995–1008. Article sous Creative Commons Attribution 4.0 International License.

 

BOUDOT Clément (Rédacteur NeuroXtrain)

Kinésithérapeute passionné de sport, ayant pratiqué pendant plusieurs années du foot au FC Saint-Orens, puis du rugby au Rugby Club Quint Fonsegrives, pratiquant maintenant la course à pied et plus particulièrement le trail running.

Diplômé du D.U de kinésithérapie du sport à l'université de Nantes


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