Mécanotransduction : le cœur du métier de kinésithérapeute

Publié le : 12 août 2023 à 16h08

Article rédigé par Clément BOUDOT

La mécanotransduction représente l’interaction entre la charge placée sur les tissus, comme la gravité ou le renforcement musculaire, et l’adaptation de ce dernier aux contraintes imposées. La mécanotransduction est généralement divisée en trois étapes : (1) le mécanocouplage, (2) la communication cellule-cellule et (3) la réponse de l'effecteur. Pour simplifier les choses pour les patients, ces mêmes éléments peuvent être considérés comme (1) le déclencheur ou le catalyseur mécanique, (2) la communication à travers un tissu pour distribuer le message de la charge et (3) la réponse au niveau cellulaire pour effectuer la réponse, c'est-à-dire l'usine tissulaire qui produit et assemble les matériaux nécessaires dans l'alignement correct.

La communication à chaque étape se fait par l'intermédiaire de la signalisation cellulaire, un réseau d'information composé de protéines messagères, de canaux ioniques et de lipides.

Mécanocouplage

Le mécanocouplage fait référence à une charge physique provoquant une perturbation physique des cellules qui composent un tissu. Par exemple, à chaque pas, le tendon d'Achille reçoit des charges de traction générées par trois éléments du complexe gastrocnémien-soléaire. Par conséquent, les cellules qui composent le tendon subissent des forces de traction, de cisaillement et de compression. Ces forces provoquent une déformation de la cellule qui peut déclencher un large éventail de réponses en fonction du type, de l'ampleur et de la durée de la charge. La clé du mécanocouplage, comme son nom l'indique, est la perturbation physique directe ou indirecte de la cellule, qui est transformée en une variété de signaux chimiques à l'intérieur des cellules et entre les cellules.

 

Communication cellule-cellule

Les protéines de signalisation de cette étape comprennent le calcium et l'inositol triphosphate. Le point critique est que le stimulus à un endroit (endroit ''1'' dans la figure C) conduit à ce qu'une cellule distante enregistre un nouveau signal (endroit ''2'' dans la figure E) même si la cellule distante ne reçoit pas de stimulus mécanique.

Le tissu tendineux est pris ici comme exemple de communication cellule-cellule.

(A) Le tendon intact est constitué d'une matrice extracellulaire (y compris le collagène) et de cellules tendineuses spécialisées en vert sur le schéma.

(B) Cette figure représente le tendon dont le collagène a été retiré pour révéler le réseau cellulaire interconnecté. Les cellules sont physiquement en contact dans tout le tendon, ce qui facilite la communication cellule-cellule. Les jonctions lacunaires sont des régions spécialisées où les cellules se connectent et communiquent de petites particules chargées. Elles peuvent être identifiées par leur protéine spécifique, la connexine 43.

(C-E) Évolution temporelle de la communication cellule-cellule depuis (C) le début, en passant par (D) le milieu jusqu'à (E) la fin. Les protéines de signalisation pour cette étape comprennent le calcium (sphères rouges) et l'inositol triphosphate (IP3).

 

Réponse des cellules effectrices

Pour illustrer la troisième partie de la mécanotransduction (réponse des cellules effectrices), nous nous concentrons sur la frontière entre la matrice extracellulaire et une seule cellule. Ce processus peut être exploité par la mécanothérapie pour favoriser la réparation et le remodelage des tissus. Les principales étapes de la mécanotransduction dans les tissus conjonctifs ont été essentiellement élucidées pour l'os, mais il reste des éléments inconnus dans les voies de signalisation induites par la charge pour le muscle, le tendon et le cartilage articulaire.

 

 

La charge mécanique stimule la synthèse des protéines au niveau cellulaire. L’image (A) représente à plus grande échelle le réseau cellulaire du tendon afin de mieux s'orienter pour la suite. (B) Un zoom sur cette région révèle la membrane cellulaire, les protéines intégrines (récepteur transmembranaire) qui relient les régions intracellulaires et extracellulaires, et le cytosquelette, qui a pour fonction de maintenir l'intégrité de la cellule et de répartir la charge mécanique. Le noyau cellulaire et l'ADN sont également illustrés. (C) En cas de mouvement (le cisaillement est illustré), les protéines intégrines activent au moins deux voies distinctes. (D) L'une d'elles implique le cytosquelette qui est en communication physique directe avec le noyau (c'est-à-dire qu'une traction sur le cytosquelette envoie un signal physique au noyau de la cellule). Une autre voie est déclenchée par les intégrines qui activent une série d'agents de signalisation biochimiques illustrés schématiquement. Après une série d'étapes intermédiaires, ces signaux biochimiques influencent également l'expression des gènes dans le noyau. (E). Une fois que le noyau de la cellule a reçu les signaux appropriés, les processus cellulaires normaux sont enclenchés. L'ARNm est transcrit et acheminé vers le réticulum endoplasmique dans le cytoplasme de la cellule, où il est traduit en protéine. La protéine est sécrétée et incorporée dans la matrice extracellulaire. (F) En résumé, le stimulus mécanique à l'extérieur de la cellule favorise les processus intracellulaires conduisant au remodelage de la matrice.

 

Tendon

Le tendon est un tissu dynamique et mécanosensible. Un tendon sain est composé presque entièrement de tissu conjonctif, avec une prédominance de collagène de type I organisé en fibres disposées parallèlement à l'axe muscle-tendon. Cette organisation est fondamentale pour la transmission de la force et la production du mouvement. Le principal type de cellule dans les tendons est le ténocyte, qui est une cellule de type fibroblastique de faible densité.

Lors d’une tendinopathie, il y’a une augmentation des nouveaux vaisseaux, les densités cellulaires sont complètement modifiées par les cellules inflammatoires qui migrent vers le tissu et par un nouveau type de cellule qui apparaît dans le tissu, la cellule souche du tendon (CST). En conséquence, la matrice extracellulaire (MEC) change sa composition en collagène de type III, avec une désorganisation des fibrilles, une augmentation de la teneur en protéoglycanes et en glycosaminoglycanes et une augmentation de la MEC non collagénique.

L'une des principales réponses induites par la charge, démontrée à la fois in vitro et in vivo dans le tendon, est une augmentation du facteur de croissance analogue à l'insuline (IGF-I). Cette augmentation de l'IGF-I est associée à la prolifération cellulaire et au remodelage de la matrice dans le tendon afin d’inverser ce changement collagénique. Alfredson et al ont examiné la structure du tendon par échographie à échelle de gris dans 26 tendons atteints de tendinose d'Achille, qui avaient été traités par des exercices excentriques. Après un suivi moyen de 3,8 ans, 19 des 26 tendons avaient une structure plus normalisée, comme en témoignent leur épaisseur et la réduction des zones hypoéchogènes. Cette étude montre que les tendons peuvent répondre favorablement à une mise en charge contrôlée après une blessure.

 

Les muscles

Le muscle offre l'une des meilleures possibilités d'exploiter et d'étudier les effets de la mécanothérapie, car il est très sensible aux changements des exigences fonctionnelles par la modulation des voies induites par la charge.

La surcharge entraîne une augmentation locale immédiate de l’hormone de croissance (GH), une variante d'épissage de l'IGF-I aux actions uniques. L'expression de GH entraîne à son tour une hypertrophie musculaire via l'activation des cellules satellites. L'application clinique de la mécanothérapie pour les lésions musculaires est basée sur des études animales. Après une brève période de repos pour permettre au tissu cicatriciel de se stabiliser, une charge contrôlée est mise en place. Les avantages de la mise en charge comprennent un meilleur alignement des myotubes en régénération, une régénération plus rapide et plus complète, et la minimisation de l'atrophie des myotubes environnants.

 

Cartilage articulaire

Comme les autres tissus musculosquelettiques, le cartilage articulaire est peuplé de cellules mécanosensibles, les chondrocytes, qui émettent des signaux par des voies très analogues. Alfredson et al., ont traité 57 patients présentant un défaut cartilagineux isolé de pleine épaisseur de la rotule et des douleurs invalidantes du genou de longue durée par transplantation périostée, avec ou sans mouvement passif continu (CPM). Dans cette étude, 76% des patients utilisant le CPM ont obtenu un résultat "excellent", contre 53% seulement en l'absence de CPM. La réparation tissulaire n'a pas été directement évaluée dans cette série de cas, mais les résultats encouragent à poursuivre les recherches sur la réponse tissulaire sous-jacente et sur l'optimisation des paramètres de charge.

 

Tout le contenu de cet article est présenté à titre informatif. Il ne remplace en aucun cas l’avis ou la visite d’un professionnel de santé.

 

À lire également :

 

Sources:

  • Khan, K. M., & Scott, A. (2009). Mechanotherapy: how physical therapists' prescription of exercise promotes tissue repair.British journal of sports medicine43(4), 247–252. Article sous Creative Commons Attribution Non-commercial License.
  • Soares de Moraes S. A. (2022). Novel insights into the pathogenesis of tendon injury: mechanotransduction and neuroplasticity.Neural regeneration research17(10), 2223–2224. Article sous Creative Commons Attribution-NonCommercial-ShareAlike 4.0 License.

BOUDOT Clément (Rédacteur NeuroXtrain)

 

Kinésithérapeute passionné de sport, ayant pratiqué pendant plusieurs années du foot au FC Saint-Orens, puis du rugby au Rugby Club Quint Fonsegrives, pratiquant maintenant la course à pied et plus particulièrement le trail running.

Diplômé du D.U de kinésithérapie du sport à l'université de Nantes


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