Fracture du scaphoïde: explication et traitement

Publié le : 12 mars 2023 à 17h58

Article rédigé par Clément BOUDOT - Kinésithérapeute du sport

Introduction

Les fractures du scaphoïde sont les fractures du carpe les plus fréquentes et ont tendance à se produire chez des personnes jeunes et actives. Elles représentent 2 à 7 % de toutes les fractures et 60 à 70 % des fractures du carpe. Il n'est pas rare que les fractures du scaphoïde passent inaperçues à l'examen clinique et radiographique. Ces blessures peuvent être diagnostiquées à tort comme une simple entorse du poignet. 

Cette erreur de diagnostic peut entraîner une morbidité accrue pour le patient, car les risques de non-union peuvent être élevés (14 % à 50 % en cas de déplacement). En l'absence de traitement, l'arthrite, la déformation et l'instabilité se développent invariablement dans les cinq ans, ce qui peut entraîner un handicap important. Comme ces blessures surviennent souvent chez des patients jeunes et actifs, la morbidité associée et les implications financières secondaires à l'invalidité sont importantes

Anatomie

Le scaphoïde à une forme de sablier et fais partie des os du carpe. Ces os du carpe sont organisés en deux rangées, une rangée proximale et une rangée distale.

La rangée proximale est composée du scaphoïde, du lunatum, du triquetrum et du pisiforme. La rangée distale est quant à elle composée du trapèze, du trapézoïde, du capitatum ainsi que de l’hamatum.

Le scaphoïde s’articule avec le lunatum, le radius et également le trapèze.

Le scaphoïde est entouré par 80% de cartilage qui rend difficile son irrigation. Cette irrigation précaire du scaphoïde le rend particulièrement prédisposé aux non-unions secondaires aux fractures.

 

 

Étiologie

Les patients présentent généralement une douleur au poignet après une chute sur une main tendue. Une charge axiale du poignet en hyperextension forcée et en déviation radiale peut provoquer la fracture, en venant heurter le bord dorsal du radius. Les sports de contact et les accidents de la route sont également des causes fréquentes de cette fracture. Les tumeurs et les infections sont quant à eux des causes peu fréquentes de fractures pathologiques du scaphoïde.

 

Épidémiologie

Les fractures du scaphoïde touchent principalement les jeunes adultes, l'âge moyen étant de 29 ans. L'incidence est plus élevée chez les hommes. Ces fractures sont inhabituelles dans la population pédiatrique et la population âgée, où l’épiphyse ainsi que le radius distal respectivement, sont plus susceptibles de se fracturer en premier lieu. Les fractures du scaphoïde représentent 15 % des blessures aiguës du poignet.

 

 

Diagnostic et évaluation

Les patients présentent généralement une douleur au poignet après une histoire récente de traumatisme. Souvent, le diagnostic est posé tardivement, car la blessure passe inaperçue sur les radiographies simples.

Les fractures du scaphoïde provoquent le plus souvent une douleur, une perte d’amplitude de mouvement et un gonflement à la base du pouce, dans la tabatière anatomique. La tabatière anatomique est une dépression triangulaire à la base du pouce. Elle est délimitée par le long extenseur du pouce ainsi que du court extenseur et du long abducteur du pouce.

La sensibilité à la palpation se manifeste généralement à l'un des trois endroits suivants :

  • La proéminence palmaire distale au poignet pour les fractures du pôle distal.
  • La tabatière anatomique pour les fractures du milieu du corps.
  • Tubercule de Lister pour les fractures du pôle proximal.

 

 

Le test de compression du scaphoïde est un test sensible et consiste à placer l'index et le pouce de l'examinateur sur chaque pôle du scaphoïde et à le comprimer. Cette manœuvre est susceptible de provoquer une douleur en présence d'une fracture. Une douleur dans la tabatière anatomique lors de la déviation ulnaire du poignetsuggère également une fracture du scaphoïde.

Des clichés radiographiques sont généralement demandés afin de confirmer le diagnostic clinique. L'évaluation commence par des vues postéro-antérieur et latérales du poignet ainsi que des vues du scaphoïde, prises avec le poignet à environ 30 degrés d'extension et 20 degrés de déviation ulnaire. On estime que jusqu'à 25 % des fractures du scaphoïde ne sont pas évidentes sur les radiographies initiales.

Une suspicion clinique persistante après des radiographies répétées négatives justifie une imagerie par résonance magnétique (IRM) ou un scanner. L'IRM est le moyen le plus sensible de diagnostic et peut également identifier toutes lésions ligamentaires associées ou tout œdème/contusion osseuse. Une méta-analyse récente a estimé la sensibilité de l'IRM à 97,7% et sa spécificité à 99,8%. Bien que le scanner ait également une sensibilité et une spécificité élevées, les fractures dont le déplacement est inférieur à 1 mm peuvent passer inaperçues.

 

Facteurs de risques

Les fractures du scaphoïde semblent être plus fréquentes chez les patients entre 20 et 30 ans. Également, les hommes sont plus à risque de cette pathologie. Les sports de contacts ou les sports qui impliquent une vitesse de déplacement élevée (vélo, skate, roller…) sont également plus exposés à ce risque de blessure.

 

Il est important de vérifier si le patient est fumeur, car cela augmente le risque de non-union d'environ 20 %.Chez la population pédiatrique et adulte, il faut également veiller à la prise d’antidouleur. En effet, il semblerait que les opiacés augmentent considérablement le risque de non-union.

 

Traitement et prévention

Les fractures qui ne sont pas déplacées et qui se situent dans le tiers distal de l'os peuvent être traitées de façon non chirurgicale par une immobilisation dans un plâtre. Une interrogation réside encore autour du type de plâtre à utiliser. Le débat persiste donc entre un plâtre à bras long ou court et s'il faut inclure un spica ou non (immobilisation du pouce). Cependant, il n'existe actuellement aucune preuve permettant d'affirmer qu'une option est meilleure que l'autre.

L’immobilisation est généralement nécessaire pendant six semaines et des radiographies répétées sont prises à ce moment-là pour évaluer l'union. Le délai de consolidation varie en fonction de la localisation de la fracture. Le tiers distal devrait guérir en 6-8 semaines, le tiers moyen en 8-12 semaines et le tiers proximal en 12-24 semaines. L'augmentation relative du temps de guérison lors du déplacement du tiers distal vers le tiers proximal est secondaire à l'apport sanguin.

Le traitement de kinésithérapie, en postopératoire ou non, devra se focaliser sur la douleur et les amplitudes articulaires en priorité. La force se développera dans un second temps en fonction des besoins du patient. En effet lors de l’immobilisation, une raideur va s’installer ainsi qu’une diminution de la force. Des mobilisations et des étirements devront être mis en place précocement afin de récupérer une bonne mobilité. Également, du renforcement musculaire progressif devra être réalisé et une remise en charge sur des forces de compression (comme des pompes, des exercices de poussées comme du développé militaire) sera nécessaire, car cette zone du carpe est fortement sollicitée lors de la mise en compression du membre supérieur.

Les indications pour un traitement chirurgical sont les suivantes :

  • Un déplacement supérieur à 1 mm,
  • Un angle intrascaphoïdien supérieur à 35 degrés (déformation en dos d'âne),
  • Un angle radiolunaire de plus de 15 degrés,
  • Dislocation périlunaire transscaphoïdienne,
  • Fractures du pôle proximal,
  • Fractures comminutives,
  • Fractures du corps osseux non déplacées chez les personnes qui doivent reprendre rapidement le travail ou le sport,
  • non-union ou nécrose avasculaire.

 

Diagnostics différentiels

Plusieurs pathologies sont à exclure lors d’une fracture du scaphoïde comme :

  • La fracture distale du radius,
  • La fracture des autres os du carpe,
  • Luxation scapholunaire,
  • Arthrose des os du carpe,
  • Ténosynovite de De Quervain,
  • Entorse du poignet,
  • Fracture du métacarpe.

 

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Tout le contenu de cet article est présenté à titre informatif. Il ne remplace en aucun cas l’avis ou la visite d’un professionnel de santé.

 

Sources:

Zura, R., Kaste, S. C., Heffernan, M. J., Accousti, W. K., Gargiulo, D., Wang, Z., & Steen, R. G. (2018). Risk factors for nonunion of bone fracture in pediatric patients: An inception cohort study of 237,033 fractures. Medicine, 97(31), e11691. Article sous licence CC BY NC ND. 

Hayat, Z., & Varacallo, M. (2022). Scaphoid Wrist Fracture. In StatPearls. StatPearls Publishing. Article sous Licence Creative Commons CC BY. 

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