Carrefour postérieur de la cheville: explication et traitement

Publié le : 10 décembre 2022 à 18h35

Article rédigé par Clément BOUDOT - Kinésithérapeute du sport

 

Introduction

Le syndrome du carrefour postérieur de la cheville (= SCPC) est une pathologie de plus en plus reconnue dans la population sportive, et notre compréhension de l'étiologie, de la physiopathologie et de la présentation clinique continue d'évoluer. Ce syndrome est classiquement décrit chez les danseurs de ballet ainsi que les joueurs de football. Les progrès récents des techniques de diagnostic et de traitement visent à améliorer les résultats.

Le SCPC est causé par un pincement mécanique des structures osseuses ou des tissus mous lors de la flexion plantaire maximale dans la partie postérieure de la cheville. Bien qu'il puisse se manifester de manière aigüe, le SCPC se manifeste le plus souvent par des douleurs chroniques secondaires à des contraintes répétitives dans la partie postérieure de la cheville lors d'activités de flexion plantaire forcée. En raison de la multiplicité des causes (tissus mous, osseux ou les deux) et de l'hétérogénéité des caractéristiques anatomiques pouvant être pathologiques, le diagnostic a été baptisé syndrome de conflit postérieur de la cheville. Ce diagnostic est principalement posé sur la base d'une anamnèse précise et d'un examen clinique détaillé.

 

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Anatomie

L’articulation de la cheville est constituée par le talus qui vient s’articuler avec le tibia ainsi que la fibula en latéral. Le talus va quant à lui s’articuler avec le calcanéum.

Deux tendons passent en rétro-malléolaire au niveau médial. On retrouve le tendon du tibial postérieur ainsi que le tendon du fléchisseur de l’hallux. Le nerf tibial ainsi que la veine et l’artère tibiale postérieures passent également au même endroit que les tendons cités précédemment.

En rétro-malléolaire latéral, on retrouve les tendons court et long fibulaires. En postérieur, le tendon d’Achille qui vient s’insérer sur le calcanéum.

 

 

Étiologie

Le carrefour postérieur de la cheville peut être dû à la fois à des lésions osseuses et/ou des tissus mous et également par des variantes anatomiques.

Les lésions osseuses comprennent le processus de Stieda (protubérance allongée), l'os trigone pathologique (osselet non fusionné que l'on retrouve chez jusqu'à 25 % de la population adulte normale), les ostéophytes, la lésion ostéochondrale, les corps étrangers, la chondromatose et la coalition sous-talienne.

Diverses structures de tissus mous peuvent également provoquer des symptômes de conflit postérieur. Une lésion capsulo-ligamentaire postérieure due à une hyperflexion répétitive peut entrainer une inflammation, une cicatrisation et un épaississement de la capsule, du ligament tibio-fibulaire inférieur postérieur et des fibres postérieures du ligament deltoïde. Le tendon du long fléchisseur de l’hallux (LFH), qui s'étend entre les processus postérieurs médial et latéral du talus, est sujet aux ténosynovites et tendinopathie. La tendinopathie peut résulter d'une surutilisation ou être secondaire à une irritation due à une anatomie osseuse environnante anormale. Des variantes anatomiques des tissus mous, comme le ligament inter-malléolaire postérieur et plusieurs anomalies musculaires, ont été décrites comme d'autres sources de conflit.

 

Épidémiologie

L'incidence globale du conflit symptomatique de la cheville est de 0,03 cas pour 1000 heures et a entrainé en moyenne 0,4 jour d'absence pour 1000 heures de sport. Le SCPC est 1,7 fois plus fréquent que le conflit antérieur de cheville. Il est intéressant de noter que l'incidence est presque cinq fois plus élevée pendant les matchs que pendant l'entrainement. Cela pourrait être attribué au style de jeu plus imprévisible et agressif pendant les matchs, et des résultats similaires ont été décrits par Lubberts et al., qui ont trouvé que les blessures syndesmotiques de la cheville chez les joueurs de football professionnels étaient 13 fois plus fréquentes pendant les matchs que pendant l'entrainement.

 

 

Diagnostic et évaluation

Le syndrome de conflit postérieur se présente généralement comme une douleur peu spécifique et profonde au niveau du tendon d'Achille. Les symptômes peuvent être aggravés par des activités impliquant une flexion plantaire et des manœuvres de poussée répétitives, notamment la course et la marche en descente, la descente d'escaliers et le port de chaussures à talons hauts. Le conflit postérieur se manifeste classiquement chez les danseurs, en particulier ceux qui pratiquent le ballet classique, en raison du support de leur poids de corps répété dans les positions de flexion plantaire en "pointe" et "demi-pointe". Dans une revue systématique récente, les danseurs représentaient 61 % des patients subissant une intervention chirurgicale pour un conflit postérieur.

Une anamnèse et un examen physique complet sont essentiels au diagnostic du SCPC. L'examen physique doit inclure un examen neurovasculaire complet ainsi qu'une évaluation de la force et de l'amplitude des mouvements. Une douleur de l'arrière-pied aggravée par la flexion plantaire de la cheville indique un test de flexion plantaire positif. Un test de flexion plantaire négatif rend le diagnostic du SCPC beaucoup moins probable, mais aucune étude n'a rapporté la spécificité ou la sensibilité du test de flexion plantaire dans le diagnostic du SCPC. Les patients peuvent également être sensibles sur l'aspect postéro médial de la cheville. Un examen neurologique doit être effectué pour exclure le syndrome du tunnel tarsien.

 

L'imagerie d'une cheville suspectée de conflit doit commencer par une série de radiographies simples. Les vues initiales doivent comprendre des projections en appui sur le sol, des projections latérales et des projections de mortaise. Une attention particulière est accordée à la vue latérale, afin d'évaluer la présence d'exostoses sur le tibia antérieur distal et le col talien dorsal et d'anomalies osseuses postérieures, notamment un processus de Stieda ou un os trigone.


L'efficacité de l'IRM pour évaluer les lésions de conflit des tissus mous est variable, avec des sensibilités rapportées de 42 à 89 % et des spécificités de 75 à 100 %. Le scanner a été utilisé dans la définition de la morphologie des lésions osseuses pour la planification des résections chirurgicales.

 

Facteurs de risques

Les danseurs de ballet sont souvent la cible de ce syndrome. De par leur sport ils sont souvent en position de flexion plantaire forcée qui peut donc amener à la création de ce conflit. Des anomalies osseuses ou des tissus mous prédisposent à l’apparition de cette pathologie.

Cependant aucun autre facteur de risque ne fut mis en avant dans la littérature sur ce sujet à ce jour.

 

Traitement et prévention

Le traitement non chirurgical reste l'approche initiale de la prise en charge des syndromes de conflit postérieur, malgré les preuves limitées de son efficacité. Pour les symptômes aigus, une période de repos et d'évitement des activités provocantes est recommandée. Cette approche peut être complétée par de la glace, des anti-inflammatoires ou une immobilisation dans les cas plus graves. Dans les cas chroniques, des modifications du matériel, donc des chaussures, y compris des orthèses, ont été utilisées. Les protocoles de kinésithérapie se concentrent sur l'amélioration de la stabilité de la cheville et l'optimisation de la proprioception. Des auteurs ont fait état d'un soulagement réussi des symptômes grâce à des injections de corticostéroïdes guidées par ultrasons, qui peuvent également avoir une utilité diagnostique.

La prise en charge chirurgicale est indiquée pour les patients dont les symptômes n'ont pas été résolus après 3 mois de traitement conservateur. Cependant, si les patients veulent reprendre rapidement leur activité sportive, une intervention chirurgicale peut être recommandée dès le début du processus de traitement. Les options comprennent une opération à ciel ouvert ou une intervention arthroscopique. Les avantages des procédures arthroscopiques pour le SCPC sont qu'elles sont moins invasives, ont un risque plus faible de complications post-opératoires, sont plus courtes, et le temps de récupération pour reprendre une activité complète est plus court.

 

Diagnostics différentiels

Le SCPC est difficile à diagnostiquer et plusieurs pathologies doivent être éliminées avant. Il faudra donc le différencier des :

  • Tendinopathies d’Achille.
  • Tendinopathies des fibulaires.
  • Tendinopathie du fléchisseur de l’hallux.
  • Tendinopathie du tibial postérieur.
  • Entorse latérale de cheville.
  • Entorse de la syndesmose.
  • Syndrome du tunnel tarsien.
  • Conflit antérieur de la cheville.

 

 

À lire également :

 

Tout le contenu de cet article est présenté à titre informatif. Il ne remplace en aucun cas l’avis ou la visite d’un professionnel de santé.

 

 

Sources :

D'Hooghe, P., Waldén, M., Hägglund, M., Bengtsson, H., & Ekstrand, J. (2022). Anterior ankle impingment syndrome is less frequent, but associated with a longer absence and higher re-injury rate compared to posterior syndrome: a prospective cohort study of 6754 male professional soccer players. Knee surgery, sports traumatology, arthroscopy : official journal of the ESSKA, 10.1007/s00167-022-07004-4. Article sous Creative Commons Attribution 4.0 International License.

Kushare, I., Kastan, K., & Allahabadi, S. (2019). Posterior ankle impingement-an underdiagnosed cause of ankle pain in pediatric patients. World journal of orthopedics10(10), 364–370. Article sous Creative Commons Attribution Non Commercial license (CC BY-NC 4.0).

Yasui, Y., Hannon, C. P., Hurley, E., & Kennedy, J. G. (2016). Posterior ankle impingement syndrome: A systematic four-stage approach. World journal of orthopedics7(10), 657–663. Article sous Creative Commons Attribution Non Commercial license (CC BY-NC 4.0).

Lavery, K. P., McHale, K. J., Rossy, W. H., & Theodore, G. (2016). Ankle impingement. Journal of orthopaedic surgery and research11(1), 97. Article sous Creative Commons Attribution 4.0 International License.

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