Lésion de la syndesmose tibio-fibulaire : l’oubliée des douleurs de cheville

Publié le : 10 octobre 2021 à 11h22

Article rédigé par Thibaut GARÇCON MKDE

 

Lors de traumatismes à la cheville tels que des entorses , les structures ligamentaires les plus couramment touchées sont les ligaments collatéraux (internes et externes) de la cheville. Cependant, lors de la rééducations, de nombreux patients ou sportifs peuvent exprimer des plaintes et des douleurs chroniques ne répondant pas aux critères d’entorses « classique » de la cheville. Et si cela provenait alors d’une atteinte de la syndesmose ?

Les lésions de la syndesmose concernent l'articulation tibio-fibulaire distale et peuvent, selon leur gravité, perturber la stabilité de l'articulation de la cheville. Elles peuvent dans de nombreux cas être associées à des atteintes des ligaments collatéraux de la cheville sur des mécanismes de lésion en pronation ou en supination. Cette instabilité, si elle n'est pas corrigée, peut entraîner une instabilité chronique et des séquelles importantes, conduisant finalement à une arthrose dégénérative.

Dans la littérature, on recense que les blessures de la syndesmose constitueraient 1 % à 18 % de toutes les entorses de la cheville. Au sein de la population sportive, l'incidence de la blessure augmente de 12 % à 32 %. Parmi ces athlètes, la plupart participent à des sports qui impliquent des forces en rotation externe et une flexion plantaire ou une flexion dorsale de la cheville concomitante. Ces blessures sont souvent diagnostiquées à tort comme une entorse latérale classique. Cette erreur de diagnostic peut entraîner une rééducation plus longue et provoquer des atteintes dégénératives osseuses à long terme. En général, les blessures de la syndesmose prennent deux fois plus de temps pour se rétablir que les entorses latérales de la cheville de grade similaire. Avec autant de facteurs qui empêchent un rétablissement réussi, une gestion optimale est essentielle.

 

 

Anatomie et classification

À l'extrémité distale du membre inférieur, deux os (tibia et fibula) sont reliés par quatre ligaments primaires : le ligament tibio-fibulaire antéro-inférieur (LTAI), le ligament tibio-fibulaire postéro-inférieur (LTPI), le ligament interosseux (LIO) (pas visible sur le schéma ci-dessous) et le ligament deltoïde (pas visible sur le schéma ci-dessous). De plus, il est important de savoir que biomécaniquement :

 

  • le ligament tibio-fibulaire antéro-inférieur (LTIA) limite la rotation externe de la fibula.
  • le ligament interosseux (LIO) limite la translation latérale de la fibula. Ce dernier agit comme un ressort pour permettre une légère séparation pendant la flexion dorsale.
  • le ligament tibio-fibulaire postéro-inférieur (LTPI), empêche la translation postérieure de la fibula.
  • le ligament deltoïde a pour fonction d'empêcher l'abduction, la pronation et la rotation externe du talus. Les lésions syndesmotiques avec des dommages associés du ligament deltoïde produisent une instabilité encore plus importante du talus.

 

Anatomie des structures ligamentaires latérales de la cheville, adaptée des travaux de Romero et ses collaborateurs (2017) et adaptée par NeuroXtrain

 

Dans les lésions de la syndesmose, le LTAI et les ligaments deltoïdes antérieurs sont les premiers à se déchirer. Le LTPI est le dernier à se déchirer en raison de sa combinaison de force et d'élasticité et du fait que la force de déformation est la rotation externe.

Les lésions syndesmotiques sont classées en fonction du temps écoulé depuis le traumatisme: aiguës (moins de six semaines), subaiguës (entre six semaines et six mois) et chroniques (plus de six mois), car la prise en charge sera différente selon le délai.

Les lésions aiguës sont dites stables ou instables, les lésions instables pouvant être franches ou latentes. Les lésions subaiguës peuvent être subdivisées en réparables ou non-réparables selon la présence ou l'absence de séquelles de lésion du LTAI, et les lésions chroniques peuvent être subdivisées en fonction de leur association ou non à une modification arthrosique interne de la cheville.

 

Classification des atteintes de la syndesmose, adaptée des travaux de Romero et ses collaborateurs (2017) et adaptée par NeuroXtrain

 

Présentation clinique et test diagnostique


Il est très fréquent de sous-estimer les atteintes de la syndesmose, en appliquant un traitement de kinésithérapie sans avoir procédé à une évaluation réelle et complète. Comme pour la plupart des blessures, une anamnèse et un examen physique soigneux sont très importants pour parvenir à un diagnostic correct et donc à un traitement efficace.

L’interrogatoire doit vous permettre d’identifier certains des points clés ci-dessous :

 

  • Savoir questionner le mécanisme lésionnel. Le mécanisme du traumatisme est généralement une rotation externe forcée de la cheville en flexion dorsale, avec le pied en supination ou en pronation. Un mécanisme lésionnel en supination associé à une rotation externe doit vous alerter sur une possible atteinte du faisceau antérieur de la syndesmose. Si la rotation externe est poursuivie, elle provoque des lésions osseuses malléolaires. Lorsque la blessure est entraînée par une pronation, les lésions atteignent généralement le compartiment médial et peuvent provoquer une fracture de la malléole médiale, et se poursuivent latéralement avec des déchirures simultanées de LTAI, du ligament interosseux et du LTPI.

 

  • L'interrogatoire retrouve régulièrement une incapacité fonctionnelle immédiate, des gonflements supramalléolaires et des douleurs pouvant irradier de façon proximale vers le genou. L'amélioration clinique par un strapping serré suggère encore une lésion de la syndesmose. Le saut sur une jambe est généralement impossible et on observe des difficultés importantes à la marche.

 

  • Dans les phases subaiguë (6 semaines à 6 mois) et chronique (> 6 mois), le patient rapporte une douleur persistante après une entorse, déclenchée ou aggravée par la marche sur un sol irrégulier ou l’appui monopodal. Il peut également y avoir une sensation d'instabilité, ou une raideur avec restriction de la flexion dorsale.

 

Cependant dans les cas d’entorses aiguë, la plupart du temps, les athlètes ou les patients sont envoyés pour une suspicion d’entorse de ligaments collatéraux. Il est donc important de définir les critères et tests cliniques vous permettant d’obtenir un diagnostic différentiel des plus fiable :

  • En aiguë, une lésion syndesmotique est suggérée par un œdème antéro-latéral proximal à l'articulation tibio-talaire, souvent augmenté à l'effort. La douleur à la palpation du LTAI présente une bonne sensibilité et une bonne spécificité, respectivement de 92% et 79%.

 

  • De très nombreux tests cliniques sont recensés dans la littérature avec des taux de sensibilité et de spécificité différents entre chaque étude. Le groupe de consensus de « European Society of Sports Traumatology, Knee Surgery and Arthroscopy-Ankle & Foot Associates » (ESSKA-AFAS) recommande une association de test comprenant : une sensibilité à la palpation sur le LTAI et le LTPI, plus la douleur est proximale, plus la lésion est étendue ; le test de « translation fibulaire » et le « Cotton test » (2). D’autres tests tels que le « Stress test » le « Squeeze test » sont également retrouvés dans la littérature, mais leurs vraies valeurs diagnostiques sont moindres. Comme indiqué précédemment, tester le saut unipodal est souvent impossible du fait des douleurs antérieures de la cheville.

 

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Lésion de la syndesmose : prise en charge en kinésithérapie

Les atteintes syndesmotiques sans instabilité de cheville doivent être traitées de manière non chirurgicale, car elles guérissent généralement bien après une prise en charge conservatrice.

La première phase du traitement comprend le repos, la glace, la compression et l'élévation pendant une période d'une à deux semaines, ainsi qu'une immobilisation sans appui et maintenue par une attelle articulée qui maintient une certaine mobilité pour éviter les raideurs. Dans la deuxième phase, la marche avec une orthèse fonctionnelle peut être commencée, ainsi que la kinésithérapie comprenant la mobilisation des articulations ainsi qu’un réentraînement musculaire en force. La phase finale comprend l'entraînement du contrôle neuromusculaire, du renforcement musculaire intensif et de la proprioception jusqu'à la récupération complète. Les blessures stables ont un très bon résultat. Le délai moyen de retour aux activités normales est de quatre à huit semaines.

En cas d’atteintes entraînant une instabilité de cheville, un traitement chirurgical peut être proposé. Différentes modalités de chirurgie existent, mais la rééducation post-opératoire reste dans les grandes lignes la même. Voici en résumé ci-après, un protocole de rééducation issu des travaux de Porter et ses collaborateurs.

 

 

Conclusion

Lors d’une atteinte de la syndesmose, l’objectif prioritaire est le retour à des activités complètes aussi rapidement et sûrement que possible. Cela peut impliquer une prise en charge chirurgicale ou non chirurgicale, suivie d'un programme de rééducation structuré. Après le traitement initial, le patient peut s'attendre à une période de récupération de 2 à 6 mois (fonction du traitement chirurgical ou conservateur) avant de reprendre ses activités d'avant la blessure. Les clés du traitement des lésions de la syndesmose sont :

  • la reconnaissance appropriée de la lésion et de sa gravité,
  • l'évaluation du degré d’instabilité
  • la réduction et la stabilisation de l'articulation de la cheville
  • la rééducation progressive axée sur l'amplitude

 

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Tout le contenu de cet article est présenté à titre informatif. Il ne remplace en aucun cas l’avis ou la visite d’un professionnel de santé.

 

Sources

(1) Porter, D., Rund, A., Barnes, A. F., & Jaggers, R. R. (2014). Optimal management of ankle syndesmosis injuries. Open Access Journal of Sports Medicine, 173 - Article sous License Creative Commons BY-NC 3.0

(2) De-las-Heras Romero, J., Alvarez, A. M. L., Sanchez, F. M., Garcia, A. P., Porcel, P. A. G., Sarabia, R. V., & Torralba, M. H. (2017). Management of syndesmotic injuries of the ankle. EFORT Open Reviews, 2(9), 403‑409 - Article sous License Creative Commons BY-NC 4.0 

(3) Tourné, Y., Molinier, F., Andrieu, M., Porta, J., & Barbier, G. (2019). Diagnosis and treatment of tibiofibular syndesmosis lesions. Orthopaedics & Traumatology : Surgery & Research, 105(8), S275‑S286

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