Rupture du ligament croisé antérieur (LCA) : explication et traitement

Publié le : 4 septembre 2022 à 19h40

Article rédigé par Clément BOUDOT - MKDE

DESCRIPTION

Chaque année, plusieurs centaines de milliers de reconstructions du ligament croisé antérieur (LCA) suite à une blessure sportive sont réalisées dans le monde. Rien qu'aux États-Unis, 250 000 personnes subissent chaque année une rupture du ligament croisé antérieur. La rupture du LCA arrive le plus souvent sans contact dans 70 à 75% des cas, notamment lors de la pratique d'un sport de contact avec pivot.

Les pratiques cliniques en matière de gestion des ruptures du LCA diffèrent selon les pays. En Amérique du Nord, les athlètes présentant une rupture du LCA subissent le plus souvent une reconstruction chirurgicale du LCA. Cependant, ce n'est pas la norme de gestion dans tous les pays. Indépendamment de l'intervention chirurgicale ou non, l'accent est mis de plus en plus sur l'importance d'une rééducation fondée sur les preuves scientifiques. L'exercice physique reste à ce jour la méthode de rééducation qui a le plus de preuves scientifiques. L'exercice physique comprend des éléments tels que l'entraînement en résistance, les exercices neuromusculaires, les tâches fonctionnelles dynamiques et l'entraînement spécifique au sport.

 

ANATOMIE

L’articulation du genou est constituée du fémur, du tibia et de la patella. Les ischio-jambiers et le quadriceps sont les principaux muscles qui stabilisent cette articulation. Il existe également des structures passives qui augmentent la stabilité : les ligaments collatéraux médial et latéral, mais il existe aussi des ligaments intra-articulaires comme le ligament croisé antérieur (= LCA) et le ligament croisé postérieur (= LCP). Le LCA est constitué de deux faisceaux, il s’insère sur le tibia au niveau de la surface pré-spinale, et au niveau du fémur il s’insère sur la face axiale du condyle fémoral latéral. Le LCA empêche ainsi le tiroir antérieur du tibia en regard du fémur et joue également un rôle dans la stabilité rotatoire du genou.

 

ÉTIOLOGIE

Le ligament croisé antérieur est le ligament le plus fréquemment lésé dans le genou. L'incidence annuelle rapportée aux États-Unis est d'environ 1 sur 3 500 personnes. La plupart des déchirures du LCA se produisent chez les athlètes par des mécanismes sans contact plutôt que par des mécanismes avec contact, comme des forces de rotation plutôt qu'un coup direct au genou.

La lésion du LCA arrive généralement lors d’un mouvement de valgus du genou avec une combinaison de rotation interne de fémur et rotation externe de tibia. (Le valgus dynamique du genou: comment le repérer? Comment le modifier? )

 

 

ÉPIDÉMIOLOGIE

Selon Chia et al., l'incidence des lésions des lésions du LCA sans contact était de 0,06 pour 1000 heures de jeu.

Dans le football, le rugby et le basket la proportion de lésions sans-contact du LCA par rapport au total des lésions du LCA est sensiblement similaire représentant 53 ± 5% des lésions. Cette proportion de blessures du LCA sans contact est plus élevée chez les athlètes féminins que masculins. (Rupture du ligament croisé antérieur (LCA) chez les athlètes féminines : description du mécanisme de lésion et des facteurs de risques)

Les athlètes masculins et féminins de niveau intermédiaire sont quant à eux plus susceptibles de subir une lésion du LCA sans contact que les athlètes de niveau amateur dans les sports de balle en équipe.

 

 

DIAGNOSTIC & ÉVALUATION

Le diagnostic d’une lésion du LCA peut se faire de manière clinique, cependant une imagerie comme une IRM sera nécessaire pour confirmer le diagnostic ainsi que les lésions associées et permettra également de décider de la prise en charge à venir (si elle sera conservatrice ou chirurgicale).

L’un des signes cliniques rapportés par la plupart des patients est le fait d'entendre et de sentir un "pop" soudain et ont l'impression que leur genou "se dérobe" sous eux au moment de la blessure. Les autres symptômes comprennent une sensibilité le long de la ligne articulaire, une douleur ainsi qu’un gonflement, une diminution ou une perte de l'amplitude des mouvements ainsi qu’une difficulté à la marche.

Plusieurs tests cliniques peuvent être utilisés pour détecter une rupture du LCA. Le test de Lachman est le test le plus précis, avec une sensibilité de 85 % et une spécificité de 94 %.

Le test du tiroir antérieur présente quant à lui une sensibilité et une spécificité élevées pour les ruptures chroniques du LCA (sensibilité de 92 % et spécificité de 91 %), mais une précision moindre pour les cas aigus.

Lorsqu'il est positif, le test du ressaut rotatoire est une indication très claire d'une rupture du LCA (spécificité de 98%). Un test négatif n'est toutefois pas suffisant pour exclure la lésion (sensibilité de 24 %).

Bien que les lésions du LCA puissent être diagnostiquées cliniquement, l’IRM est souvent utilisée pour confirmer le diagnostic. L'IRM est la principale modalité d’imagerie pour diagnostiquer une pathologie du LCA avec une sensibilité de 86% et une spécificité de 95%.

L'arthrographie est considérée comme le gold standard, car sa sensibilité est de 92 % à 100 % et sa spécificité de 95 % à 100 % ; cependant, elle est rarement utilisée comme étape initiale du diagnostic, car elle est invasive et nécessite une anesthésie.

 

 

FACTEURS DE RISQUES

 

 

TRAITEMENTS & PRÉVENTION

Les ruptures du LCA peuvent avoir de graves conséquences à long terme. Le choix du traitement doit donc être une décision partagée entre le patient et les professionnels de santé. C’est pour cela qu’il faut bien expliquer les différentes possibilités dans le parcours de soin, ici le choix étant de se faire opérer ou non d’une plastie du LCA.

De nos jours, le choix le plus courant est de se faire opérer du LCA plutôt que d’opter pour un traitement conservateur. En effet, il semble important de passer par l’opération si le patient veut reprendre des sports à pivots avec des changements de direction, car le genou sera plus stable si le patient opte pour un traitement conservateur.

 

La rééducation du ligament croisé a drastiquement changé au cours de ces dernières années. Il fut largement accepté de reposer la rééducation sur des protocoles qui se basaient sur le temps et ne prenaient que très peu en compte les signes cliniques du patient. La rééducation est maintenant est découpé en 5 phases bien distinctes :

  • La phase pré-opératoire,
  • La phase aiguë,
  • la phase intermédiaire,
  • La phase avancée et,
  • La phase de prévention continue.

 

La phase pré-opératoire :

 

On recherche :

  • Pas d'épanchement dans l'articulation du genou,
  • Amplitude de mouvement active et passive complète,
  • Symétrie de la force du quadriceps à 90 %.

 

Pour les patients qui prévoient de subir une intervention du ligament croisé antérieur, une rééducation pré-opératoire doit être effectuée pour améliorer les résultats post-chirurgicaux. La rééducation doit commencer le plus tôt possible après le diagnostic. La rééducation pré-opératoire suit les principes de la rééducation en phase aiguë et intermédiaire (décrits ci-dessous), mais les déficits de l'amplitude d'extension passive du genou et de la force du quadriceps doivent être spécifiquement ciblés, car ces facteurs sont associés à de mauvais résultats post-chirurgicaux. Chez les patients dont l'amplitude de mouvement est complète, qui n'ont pas d'épanchement et qui sont capables de sauter sur une jambe, la réadaptation préopératoire avec un entraînement de force en résistance lourde et des exercices pliométriques est sûre (3,9 % d'événements indésirables) et présente des avantages qui se prolongent au moins deux ans après la reconstruction du LCA (=RLCA).

 

La phase aiguë :

 

On recherche :

  • Pas d'épanchement dans l'articulation du genou,
  • Amplitude complète des mouvements actifs et passifs,
  • Straight leg raise identique au côté sain,
  • Lever l’AMI (= Arthrogenic Muscle Inhibition).

 

Les techniques qui visent l'extension passive complète et la fonction musculaire du quadriceps doivent commencer dès le premier jour après la rupture ou la reconstruction du LCA. Les exercices actifs et passifs d'amplitude de mouvement et la gestion de l'épanchement par ajustement de la charge sont préconisés dans cette phase. La cryothérapie peut être utilisée pour gérer la douleur, mais elle n'est pas efficace pour réduire l'épanchement de l'articulation du genou. En complément des exercices actifs, la stimulation électrique neuromusculaire (NMES) de haute intensité est efficace pour améliorer la force du quadriceps après une RLCA.

Afin de contrer l’AMI post-opératoire l’utilisation de la cryothérapie semble efficace ainsi que les exercices visant à fatiguer les ischio-jambiers.

 

 

La phase intermédiaire :

  • Contrôle de la fin d'extension du genou lors de la mise en charge,
  • Symétrie de 80 % de la force des quadriceps,
  • Symétrie de 80 % du test de saut avec une qualité de mouvement adéquate.

 

Cette phase intégrera à la fois un entraînement neuromusculaire et un entraînement de la force musculaire. L'entraînement neuromusculaire vise à améliorer la stabilité dynamique du genou en établissant des stratégies de proprioception et de contrôle moteur plus bénéfiques. L'entraînement neuromusculaire est un terme générique qui inclut l'entraînement par perturbation, l'entraînement de l'équilibre, les exercices d'agilité et de pliométrie. Une approche multimodale est généralement utilisée et les preuves sont insuffisantes pour suggérer qu'un type d'entraînement est supérieur à un autre.

Blanchard et al., ont décrit un modèle théorique qui peut être utilisé pour faire progresser les exercices neuromusculaires. Un exercice commence par un focus interne. Cela signifie que l'accent est mis sur la réalisation de schémas de mouvement sains dans l'exercice. Les caractéristiques de l'exercice, telles que la durée, la vitesse, la distance ou les répétitions, sont ensuite manipulées pour augmenter la difficulté de l'exercice. Des facteurs externes, tels que des perturbations, des haies ou des surfaces instables, sont également ajoutés pour faire progresser l'exercice. Pour permettre le transfert des compétences vers le sport, il est recommandé d'adapter le type d'exercices au patient en introduisant progressivement des compétences spécifiques au sport. L'objectif d'un programme de renforcement musculaire est de restaurer la force et la puissance musculaires nécessaires à la participation du patient à son sport et aux activités de loisirs souhaitées. Les exercices de renforcement musculaire commenceront par une période d'adaptation comportant des charges légères et un nombre élevé de répétitions, puis passeront progressivement à des charges lourdes avec un nombre plus faible de répétitions. Le " principe +2 " peut être utilisé pour la progression de la charge : une fois que le patient peut effectuer deux répétitions de plus que le nombre de répétitions cible, la charge est augmentée lors de la séance suivante.

 

La phase avancée :

  • Symétrie de la force des quadriceps à 90 %,
  • Symétrie du test de saut à 90 % avec une qualité de mouvement adéquate,
  • Maintien et renforcement de la confiance des athlètes,
  • Progression des compétences sportives spécifiques,
  • Des compétences fermées avec une concentration interne aux compétences ouvertes avec un focus externe.

 

La rééducation de la phase avancée doit être personnalisée en fonction des objectifs spécifiques et des exigences sportives du patient. Le type de sport et l'activité physique que les patients souhaitent pratiquer peuvent varier considérablement. L'évaluation de ces exigences sportives est donc essentielle pour adapter un plan de rééducation qui mène à un retour réussi au sport ou à l'activité. En général, cette phase comprend un entraînement musculaire lourd spécifique à la déficience, des exercices de puissance et d'agilité, et des exercices spécifiques au sport.Après avoir satisfait aux critères d'une batterie de tests de retour au sport basés sur la performance, l'athlète reprend progressivement sa participation à une pratique sportive sans restriction. Cela se fait par une progression par étapes, de l'entraînement modifié, à l'entraînement complet, à la participation restreinte à la compétition pour finir par la participation sans restriction à la compétition.

 

La phase de prévention continue :

  • Maintenir la force musculaire et la stabilité dynamique du genou, gérer la charge.

 

Un programme de prévention des blessures doit être exécuté au moins deux fois par semaine pendant que le patient reprend progressivement le sport, et ce programme doit être maintenu après le retour du patient à une participation sportive complète. (Prévention des blessures au ligament croisé antérieur (LCA) : une nouvelle approche du contrôle moteur) Des programmes efficaces de prévention des blessures existent pour une variété de sports de pivot, et comprennent des exercices de renforcement des membres inférieurs et l'entraînement de schémas de mouvements à faible risque.

Le risque de blessures sportives augmente avec les pics soudains de charge (la combinaison de l'intensité et de la fréquence de la participation). Une gestion appropriée de la charge peut également être utilisée pour réduire le risque de nouvelle blessure au genou et de blessures à d'autres parties du corps.

 

DIAGNOSTICS DIFFÉRENTIELS

Lors du diagnostic il faudra bien entendu être attentif à éliminer toutes les pathologies osseuses telles que les fractures du plateau tibial, les factures du tiers distal du fémur, mais également les fractures ostéochondrales. Les pathologies du ménisque souvent associées aux ruptures du LCA doivent également être au centre de l’attention tout comme les pathologies des ligaments collatéraux.

 

 

Tout le contenu de cet article est présenté à titre informatif. Il ne remplace en aucun cas l’avis ou la visite d’un professionnel de santé.

 

Sources:

Chia, L., De Oliveira Silva, D., Whalan, M., McKay, M. J., Sullivan, J., Fuller, C. W., & Pappas, E. (2022). Non-contact Anterior Cruciate Ligament Injury Epidemiology in Team-Ball Sports: A Systematic Review with Meta-analysis by Sex, Age, Sport, Participation Level, and Exposure Type. Sports medicine (Auckland, N.Z.), 1–21. Article sous Creative Commons Attribution 4.0 International License.

Dauty, M., Crenn, V., Louguet, B., Grondin, J., Menu, P., & Fouasson-Chailloux, A. (2022). Anatomical and Neuromuscular Factors Associated to Non-Contact Anterior Cruciate Ligament Injury. Journal of clinical medicine, 11(5), 1402. Article sous Creative Commons Attribution license (CC-BY).

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Smith, H. C., Vacek, P., Johnson, R. J., Slauterbeck, J. R., Hashemi, J., Shultz, S., & Beynnon, B. D. (2012). Risk factors for anterior cruciate ligament injury: a review of the literature - part 1: neuromuscular and anatomic risk. Sports health, 4(1), 69–78.

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Evans, J., & Nielson, J. l. (2022). Anterior Cruciate Ligament Knee Injuries. In StatPearls publishing. Article sous Creative Commons Attribution 4.0 International License.

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