Athlète de haut niveau et santé mentale : présentation d’outils diagnostiques

Publié le : 13 février 2022 à 17h18

Article rédigé par Thibaut GARÇON - MKDE

Au travers d’une pratique sportive de haut niveau et notamment au niveau professionnel, certains athlètes peuvent être soumis à des pressions personnelles et collectives pouvant amener à une atteinte de la santé mentale.

Les symptômes et les troubles de la santé mentale regroupent ceux de l’anxiété, de la dépression ou encore de l'abus de substances dangereuses pour la santé (alcool, tabac …). Leur prévalence chez les athlètes de haut niveau reste très importante et globalement similaire à celle de la population générale. Elle varie entre 19 % pour l'abus d'alcool à 34 % pour l'anxiété/la dépression chez les athlètes en activité, de 16 % pour la détresse à 26 % pour l'anxiété/la dépression chez les anciens athlètes d'élite ayant terminé leur carrière.

Lors d'une carrière dans le sport professionnel, les facteurs de stress spécifiques au sport peuvent augmenter le risque de symptômes et de troubles de la santé mentale. Les situations difficiles de la vie, les blessures musculo-squelettiques graves ou à répétitions ainsi que les opérations chirurgicales entraînant de longues périodes de convalescences, sont associées à des symptômes et des troubles de santé mentale (en lien : Le retour à la compétition chez les athlètes : aspects à prendre en compte). Enfin, la fin de carrière et la transition entre le mode de vie professionnel et la « retraite » peut-être également difficile pour de nombreux anciens athlètes.

Dans cet article, nous vous présentons 2 outils d’évaluation et de suivi d’athlètes pouvant présenter des signes de trouble de la santé mentale, comment les accompagner et comment les appliquer. Ces outils ont été approuvés et décidés par les membres du comité international olympique (CIO).

 

 

Le SMHAT-1 (Sport Mental Health Assessment Tool)

Le SMHAT-1 permet d'identifier très tôt les athlètes qui ont besoin d'un traitement de santé mentale. Le SMHAT-1 peut être utilisé par les médecins du sport et d'autres professionnels de la santé autorisés, mais l'évaluation clinique (et la gestion associée) dans le cadre du SMHAT-1 doit être effectuée par des médecins du sport et/ou des professionnels de la santé mentale agrées (par exemple, un psychiatre et un psychologue clinique), y compris des psychologues du sport ayant reçu une formation clinique. Les kinésithérapeutes et les entraîneurs sportifs non cliniquement formés, travaillant avec un médecin du sport peuvent utiliser le SMHAT-1, mais toute orientation ou intervention doit rester sous la responsabilité du médecin du sport.

 

  • Étape 1 : Le triage

Le premier triage s’effectue au travers d’un résultat à l’APSQ. L'APSQ est une brève échelle d'auto-évaluation spécifique au contexte sportif qui repose sur 10 éléments notés sur une échelle en 5 points (de « jamais » (1) à « tout le temps » (5)). Un score de 17 ou plus indique un risque élevé de détresse psychologique. En cas de triage négatif, aucune action supplémentaire n'est nécessaire, tandis qu'un triage positif conduit à l'étape suivante.

 

  • Étape 2 : Le dépistage

En cas de triage positif, les athlètes passent à l'étape 2 et sont évalués à l'aide de six questionnaires de dépistage spécifiques :

  • General Anxiety Disorder-7 (GAD-7) : évalue la présence de symptômes d'anxiété.
  • Patient Health Questionnaire-9 (PHQ-9) : évalue la présence de symptômes de dépression.
  • Athlete Sleep Screening Questionnaire (ASSQ) : évalue la présence de troubles du sommeil.
  • Alcohol Use Disorders Identification Test Consumption (AUDIT-C) : évalue la présence d'un mauvais usage de l'alcool.
  • Cutting Down, Annoyance by Criticism, Guilty Feeling, and Eye-openers Adapted to Include Drugs (CAGE-AID): évalue la présence d'un usage abusif de substances.
  • Brief Eating Disorder in Athletes Questionnaire (BEDA-Q) : évalue la présence de troubles de l'alimentation (en lien : Nutrition et performances chez les sportifs)

 

Si tous les questionnaires de dépistage sont négatifs, l'administrateur passe à l'étape 3a. Si un ou plusieurs questionnaires de dépistage sont positifs (ou si une réponse positive est donnée à l'item 9 du PHQ-9), l'administrateur passe à l'étape 3b.

 

  • Étape 3a : Intervention brève et suivi

Sur la base du dossier de l'athlète et des informations fournies aux étapes 1 et 2, l'administrateur peut orienter l'athlète vers une intervention brève telle que la psychoéducation, la pleine conscience, la méditation, l'entraînement aux habiletés mentales ou le contrôle du stress. En fonction des progrès de l'athlète et après la fin de la ou des interventions brèves, l'administrateur devrait envisager de reconduire une évaluation à l'APSQ. Dans le cas d'un APSQ négatif, aucune autre action n'est nécessaire, tandis qu'un autre APSQ positif conduit à l'étape 3b (évaluation et gestion).

 

  • Étape 3b : Évaluation et prise en charge cliniques

Compte tenu des résultats précédents (étapes 1 et 2), une évaluation clinique complète est réalisée par un médecin spécialiste de la médecine du sport et/ou un professionnel de la santé mentale agréé afin d'obtenir des informations supplémentaires pertinentes (par exemple, la présence de harcèlement/abus dans le cadre ou en dehors du sport) afin d'établir un diagnostic clinique. Pour chacun de ces diagnostics, la gravité et la complexité, ainsi que l'incertitude diagnostique et la non-réponse à un traitement antérieur, sont évaluées. Sur la base de toutes les informations disponibles, le médecin du sport et/ou le professionnel de la santé mentale choisissent l'une des trois actions suivantes :

 

  1. Dans les cas qui ne sont ni graves ni complexes et où il n'y a pas d'incertitude diagnostique ni d'antécédents de non-réponse au traitement, le traitement ou le soutien peut être fourni par un médecin de médecine sportive. Le médecin doit se référer à la déclaration de consensus du Comité international olympique sur la santé mentale des athlètes d'élite pour des conseils spécifiques sur les modalités de traitement (2).
  2. En cas d'incertitude diagnostique ou lorsque des informations supplémentaires peuvent être utiles, des questionnaires de dépistage supplémentaire pour d'autres symptômes et troubles de santé mentale, y compris, mais sans s'y limiter, le trouble de déficit de l'attention/hyperactivité, le trouble bipolaire, le trouble de stress post-traumatique, le trouble du jeu et/ou la psychose, peuvent être envisagés avant le diagnostic définitif et la création d'un plan de gestion.
  3. Dans les cas complexes, dont le diagnostic est incertain même après un dépistage supplémentaire et/ou qui ne répondent pas au traitement, nous recommandons d'adresser l'athlète à un professionnel de la santé mentale.

 

Le SMHAT-1 devrait être intégré :

  • À la période de précompétition (idéalement quelques semaines après le début de l'entraînement sportif)
  • Aux périodes de mi-saison
  • En fin de saison

Le SMHAT-1 peut également être utilisé lorsque l'athlète vit un événement important dans sa vie, comme une blessure ou une maladie grave, une intervention chirurgicale, un problème de performance inexpliqué, une suspicion de harcèlement ou d'abus par exemple. Le SMHAT-1 peut être librement copié dans sa forme actuelle pour être distribué aux individus, équipes, groupes et organisations (en lien : Considérations pour la santé physique et mentale du jeune athlète)

 

 

Le SMHRT-1 (The Sport Mental Health Recognition Tool 1) 

L'entourage de l'athlète (amis, collègues, famille et entraîneurs) étant souvent identifié comme un soutien essentiel à la santé mentale des athlètes, le groupe de travail sur la santé mentale dans le sport du CIO a mis au point cet outil, adressé aux entraîneurs, aux membres de la famille et de tous les autres membres proches de l'entourage de l'athlète.

L'objectif du SMHRT-1 est de faciliter la détection précoce des symptômes de santé mentale chez les athlètes d'élite (professionnels, olympiques, paralympiques ou collégiaux ; âgés de 16 ans et plus) afin de promouvoir la recherche d'aide pour les athlètes qui ont besoin de l'aide d'un médecin du sport ou d'un autre professionnel de la santé et de faciliter une évaluation plus approfondie et un traitement ultérieur, le cas échéant.

Le SMHRT-1 repose sur l'observation de pensées, sentiments, comportements et/ou des changements physiques significatifs et/ou persistants chez les athlètes. Dans les cas où ces éléments sont observés, les athlètes doivent être dirigés vers un médecin spécialiste de la médecine sportive ou un professionnel de la santé agréé pour un dépistage de la santé mentale à l'aide du SMHAT-1. Dans le SMHRT-1, plusieurs éléments constituant des signaux d'alarme ont également été identifiés (par exemple, des commentaires relatifs au fait de se faire du mal à soi-même ou à autrui), ce qui justifie la recherche immédiate d'une aide et une éventuelle gestion de crise. Le SMHRT-1 est disponible en format papier et peut être librement copié dans sa forme actuelle pour être distribué aux individus, équipes, groupes et organisations.

 

Conclusion

L’impact d’une mauvaise santé mentale dans le monde du sport professionnel peut être un facteur néfaste dans la carrière de sportif de haut niveau. Les conséquences à long terme pour une carrière professionnelle représentent une réelle menace pour les clubs, entraîneurs et coach dans les performances individuelles ou collectives et surtout pour la santé du sportif. Le comité international olympique a donc mis au point 2 outils permettant de pouvoir mettre en évidence un trouble de la santé mentale et de pouvoir rediriger l’athlète vers le soutien médical et personnel dont il a besoin.

Ces outils peuvent donc être implantés dans les clubs ou les structures sportives afin de surveiller les athlètes à risque. Nous vous proposons en source les liens vers les versions officielles des 2 outils diagnostiques en version originale anglaise (3) et (4).

 

Tout le contenu de cet article est présenté à titre informatif. Il ne remplace en aucun cas l’avis ou la visite d’un professionnel de santé.

 

À lire également :

 

 

Sources

(1) Gouttebarge, V., Bindra, A., Blauwet, C., Campriani, N., Currie, A., Engebretsen, L., Hainline, B., Kroshus, E., McDuff, D., Mountjoy, M., Purcell, R., Putukian, M., Reardon, C. L., Rice, S. M., & Budgett, R. (2020). International Olympic Committee (IOC) Sport Mental Health Assessment Tool 1 (SMHAT-1) and Sport Mental Health Recognition Tool 1 (SMHRT-1) : towards better support of athletes’ mental health. British Journal of Sports Medicine, 55(1), 30‑37 – Article sous License Creative Commons CC-BY-NC 4.0

(2) Reardon, C. L., Hainline, B., Aron, C. M., Baron, D., Baum, A. L., Bindra, A., Budgett, R., Campriani, N., Castaldelli-Maia, J. M., Currie, A., Derevensky, J. L., Glick, I. D., Gorczynski, P., Gouttebarge, V., Grandner, M. A., Han, D. H., McDuff, D., Mountjoy, M., Polat, A.,. . . Engebretsen, L. (2019). Mental health in elite athletes : International Olympic Committee consensus statement (2019). British Journal of Sports Medicine, 53(11), 667‑699.

(3) bjsports-2020-102411supp002.pdf  (SMHAT-1)

(4) bjsports-2020-102411supp003.pdf  (SMHRT-1)

 

 

 

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