Description de la luxation gléno-humérale antérieure

Publié le : 31 mars 2021 à 11h53

Article rédigé par Clément Boudot 

L’articulation gléno-humérale est l’articulation la plus mobile du corps humain. Cette mobilité accrue rend l’épaule plus susceptible aux instabilités. L’épaule est une des articulations les plus touchées par les luxations avec une incidence de 11,2/100 000 par an et une prévalence estimée de 2 à 8 % dans la population générale.

La luxation antérieure représente 96 % des luxations de l’épaule. Elle est le plus souvent provoquée lorsque le bras est dans une position d’abduction et de rotation externe.

La répartition de l’âge des patients ayant subi une luxation de l’épaule se fait de façon bien distincte. Il existe un premier groupe, des jeunes entre 20 et 30 ans, qui ont subi leur blessure principalement dans les sports de contacts.

Et il existe également une seconde tranche d’âge, des personnes âgées, ayant subi leur traumatisme à l’épaule principalement lors de chute.

L’une des préoccupations majeures après la survenue d’un premier épisode de luxation est une instabilité chronique ou alors une luxation récidivante. Le taux moyen d’instabilité récurrente 1 an après une première luxation antérieure de l’épaule est de 39 %. Une prise en charge optimale permettra de baisser ces indicateurs.

 

Facteur de risques : (2)

Il existe différents facteurs de risques pouvant prédisposer aux luxations antérieures de l’épaule.

L’âge est un facteur important pour les instabilités d’épaule. Il a été démontré que les personnes dans la quarantaine ont plus de 13 fois plus de risques de souffrir d’une instabilité récurrente, par rapport aux personnes de plus de 40 ans. Cela peut être dû à des différences de biomécanique, au type de fibres de collagène, à l’élasticité de la capsule ou à des changements du niveau d’activité en fonction de l’âge.

Les hommes sont quant à eux 3,2 fois plus susceptibles que les femmes de souffrir d’instabilité récurrente à la suite d’une première luxation antérieure de l’épaule.

Paradoxalement, les personnes ayant subi une fracture de la tubérosité majeure de l’humérus sont 7 fois moins susceptibles de souffrir d’une instabilité récurrente par rapport aux personnes n’ayant pas de fracture. Ceci peut s’expliquer par une diminution de l’amplitude de la rotation externe en abduction, car ceux qui avaient une perte de rotation externe en position neutre avaient un risque de récurrence plus faible.

Les personnes souffrant d’hyperlaxité sont quant à eux 2,7 fois plus susceptibles de souffrir d’une instabilité récurrente suite à une première luxation antérieure de l’épaule par rapport aux personnes sans hyperlaxité.

Les personnes présentant un arrachement osseux important de la glène ou de la tête humérale, une laxité ligamentaire ainsi qu’une lésion ALPSA (= Anterior Labroligamentous Periostal Sleeve Avulsion) présentent un risque élevé de récidive à la suite d’une première luxation antérieure de l’épaule.

Il fut également retrouvé un risque plus important de luxation gléno-humérale lorsqu’une faiblesse de la coiffe des rotateurs était présente.

Cependant malgré tous ces facteurs de risques, plus le temps passe plus la probabilité d’avoir une seconde luxation antérieure de l’épaule diminue.

 

Traitement 

Opérer ou ne pas opérer ? (1)

La luxation antérieure de l’épaule peut être prise en charge de deux manières différentes, soit par un traitement conservateur ou alors avec un traitement chirurgical. Le but de l’examen clinique et de l’anamnèse sera alors de déterminer quelle prise en charge sera la plus adaptée au patient.

Lors d’un premier épisode de luxation, il est délicat de savoir quelle orientation médicale sera privilégiée, conservatrice ou chirurgicale.

Il fut suggéré qu’une approche conservatrice était à préconiser chez les adultes ayant subi un premier épisode de luxation antérieure de l’épaule.

Cependant depuis une dizaine d’années ces recommandations évoluent. Certaines études ont rapporté que les patients de < 30 ans qui pratiquent des sports de contact, ou ceux qui exigent sur le plan professionnel, l’utilisation du bras au-dessus de la tête de façon intensive, sont plus susceptibles d’avoir une seconde luxation de l’épaule. Il semblerait donc préférable de réaliser une stabilisation chirurgicale immédiate chez les jeunes qui pratiquent des sports de contact, chez les athlètes de haut niveau ainsi que chez les patients utilisant leurs bras de manière fréquente dans leur travail.

Comme vus précédemment, l’âge (inférieur à 40 ans augmente la probabilité de luxation) le sexe (homme plus à risque que les femmes) et les objectifs du patient sont trois aspects importants à prendre en compte lors de l’orientation thérapeutique. Si le patient veut continuer à pratiquer à des sports de contact, il serait préférable alors de l’orienter vers une chirurgie. La réparation arthroscopique de Bankart est la principale opération réalisée.

 

Quel type d’immobilisation privilégiée ? (4)

L’immobilisation après une luxation antérieure de l’épaule dure généralement entre 1 et 3 semaines. Il semblerait exister une légère diminution des taux de récidive de luxation avec une immobilisation en rotation externe par rapport à une position en rotation interne.

Cela peut être dû à des lésions au labrum lors de la luxation, quand l’épaule est en rotation externe. Dans le cadre des lésions de Bankart la force de contact labrum-glénoïde est accrue lorsque l’épaule est maintenue en rotation externe. Ces deux facteurs favoriseraient ainsi la cicatrisation.

Bien que ces résultats soient prometteurs, l’immobilisation en rotation externe peut être une position plus inconfortable pour les patients, posant des difficultés temporaires dans leurs activités quotidiennes. Cet aspect doit être pris en considération lors du choix de la meilleure manière d’immobiliser le patient.

Il fut par ailleurs suggéré que l’immobilisation en rotation externe ne devrait être envisagée que chez les patients très motivés qui sont informés de l’inconfort et des difficultés possibles dans les tâches quotidiennes pendant l’utilisation de l’attelle. Enfin, les athlètes professionnels devraient passer une IRM avant l’immobilisation pour détecter toute blessure potentielle des tissus mous, comme une déchirure du muscle subscapulaire, ce qui empêcherait la possibilité d’une immobilisation en rotation externe.

 

 


Thérapie active et passive :

Le traitement passif appliqué dépendra en majeure partie du bilan qui mettra en évidence les différentes limitations d’amplitude. L’un des objectifs sera de retrouver une épaule avec des amplitudes de mouvements similaires à l’épaule controlatérale.

Le deuxième objectif de la rééducation sera de retrouver une force et endurance de la coiffe des rotateurs. Des exercices de renforcement spécifiques de cette dernière devront être réalisés. Également des exercices de proprioception seront à intégrer à la rééducation.

L’importance des chaines cinétiques est également à prendre en compte dans la rééducation des épaules comme détailler dans un article que nous avons rédigé : "Rééducation des affectations de l’épaule : l’importance de considérer le concept des chaînes cinétiques"

 

 

Return-to-play: (4)

Après un traitement conservateur :

Le délai entre la luxation et le retour au sport est une préoccupation majeure pour les patients, et c’est souvent la première question que pose le patient au professionnel de santé. « Quand est-ce que je vais pouvoir reprendre ? »

Il est intéressant de noter que la plupart des recommandations cliniques à cet égard sont basées sur des expériences individuelles plutôt que sur des directives claires.

Le consensus a déterminé que le patient doit être indolore et avoir une force similaire au côté controlatéral avant de revenir au sport. Ce processus prend généralement 2 à 3 semaines. Cependant, cette notion a été remise en question par une étude qui a montré que les patients qui revenaient en moins de 6 semaines avaient des résultats significativement moins bons que les patients qui attendaient plus de 6 semaines pour revenir.

 

Bien qu’il n’existe pas actuellement de critères fondés sur des preuves concernant la force de la coiffe des rotateurs avant la reprise du sport, une étude récente a montré qu’une faiblesse de la force des rotateurs internes et externes était associée à une instabilité antérieure récurrente de l’épaule. Ceci suggère que la symétrie de la force de la coiffe des rotateurs entre les deux épaules pourrait être une recommandation avant d’autoriser un retour complet au sport après une prise en charge conservatrice.

 

Après un traitement chirurgical :

Les patients peuvent généralement reprendre le sport entre 4 et 6 mois après la chirurgie suite à une luxation antérieure de l’épaule et la plupart d’entre eux peuvent retrouver le niveau d’activité qu’ils avaient avant la blessure.

Le moment approprié pour le retour au sport est déterminé par le degré de symétrie d’abduction et de rotation externe au côté opposé de l’articulation gléno-humérale. La progression entre les différentes étapes post-opératoire varie selon les préférences du chirurgien, mais l’approche suivante est la plus courante.

La phase 1 comprend une immobilisation en écharpe pendant 4 semaines avec un travail de renforcement à base de contractions isométriques.

La phase 2 consiste à limiter l’amplitude active des mouvements de l’articulation gléno-humérale à 45° de rotation externe pendant 4 semaines. Le patient n’est plus immobilisé et reprend très progressivement des exercices du deltoïde ainsi que de la coiffe des rotateurs.

La phase 3 consiste à autoriser une amplitude de mouvement actif complète tout en utilisant un entraînement en résistance et en pliométrie pour renforcer l’épaule. Il faudra rétablir une amplitude de mouvement actif et passif complète et améliorer le retour proprioceptif avant de permettre au patient de reprendre une activité d’intensité égale à celle antérieure à la blessure. Dans l’ensemble, les méthodes actuellement utilisées en rééducation postopératoire de la luxation antérieure de l’épaule semblent très bien fonctionner et fournir des résultats satisfaisants.

 

Nouvelles technologies 

 


Crédit image : leisureopportunities.co.uk

 

La machine de musculation MUJO a été construite par un ingénieur spécialisé dans les troubles musculo-squelettiques Douglas Higgins. Elle permet de réaliser des exercices multi-axiaux dans des amplitudes choisis par le kinésithérapeute. Un écran est intégré à l’appareil afin d’avoir un feedback visuel en temps réel sur le mouvement effectué par le patient.

L’appareil permet de récolter des données sur les exercices effectués par le patient et permet ainsi au kinésithérapeute de personnaliser au mieux les exercices. L’équipe de rugby des Wasps en Angleterre se sert du MUJO dans la rééducation post-opératoire de leur joueur afin de contrôler et d’optimiser au mieux leur progression.

 

Tout le contenu de cet article est présenté à titre informatif. Il ne remplace en aucun cas l’avis ou la visite d’un professionnel de santé.

 

Sources :

(1) Wang S. I. (2018). Management of the First-time Traumatic Anterior Shoulder Dislocation. Clinics in shoulder and elbow, 21(3), 169–175. Article sous Creative Commons Attribution Non Commercial License (CC BY-NC 4.0).

(2) Olds, M., Ellis, R., Donaldson, K., Parmar, P., & Kersten, P. (2015). Risk factors which predispose first-time traumatic anterior shoulder dislocations to recurrent instability in adults: a systematic review and meta-analysis. British journal of sports medicine, 49(14), 913–922. Article sous Creative Commons Attribution Non Commercial license (CC BY-NC 4.0).

(3) Kavaja L, Lähdeoja T, Malmivaara A, et al., Treatment after traumatic shoulder dislocation: a systematic review with a network meta-analysis. British Journal of Sports Medicine 2018; 52:1498-1506. Article sous Creative Commons Attribution Non Commercial license (CC BY-NC 4.0).

(4) Hasebroock, A. W., Brinkman, J., Foster, L., & Bowens, J. P. (2019). Management of primary anterior shoulder dislocations: a narrative review. Sports medicine – open, 5(1), 31. Article sous Creative Commons Attribution Non Commercial license (CC BY-NC 4.0).

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