Introduction
La douleur ou syndrome fémoro-patellaire (également connu sous le nom de « syndrome rotulien ») est une pathologie musculosquelettique courante se manifestant par une douleur située à l'avant ou derrière la rotule, souvent exacerbée par des activités impliquant une charge sur l'articulation du genou, telles que la course, le saut, la montée ou la descente d'escaliers, l'accroupissement ou la position assise prolongée avec les genoux fléchis.
Dans cet article, nous reviendrons en détails sur les informations d’épidémiologie, de test clinique pour ensuite discuter des ressources thérapeutiques disponible pour les kinésithérapeutes.
Il est important de noter que la qualité des preuves concernant l'efficacité des exercices thérapeutiques pour le syndrome fémoro-patellaire est souvent très faible, ce qui signifie qu'il existe une grande incertitude quant à la fiabilité de ces résultats.
Prévalence et épidémiologie
Prévalence (personnes atteintes à un moment donné) :
Population générale : Environ 23% des adultes peuvent souffrir d’un syndrome fémoro-patellaire au cours de l'année.
Adolescents : La prévalence ponctuelle (à un moment précis) chez les adolescents est estimée à environ 7%. Chez les jeunes athlètes féminines, cette prévalence ponctuelle peut atteindre environ 23%.
Recrues militaires : Environ 13,5% des recrues militaires souffraient d’un syndrome fémoro-patellaire à un moment donné dans leur carrière.
Athlètes : La prévalence varie selon le type de sport. Chez les cyclistes amateurs par exemple, elle peut atteindre 35%. Chez les athlètes féminines, elle se situe entre 17% et 29%.
Incidence (nombre de nouveaux cas sur une période donnée) :
Recrues militaires : L'incidence varie considérablement, allant de 10 à 571 nouveaux cas pour 1000 personnes par an. Adolescents athlètes : L'incidence sur une saison sportive chez les athlètes féminines se situe entre 5% et 15%.
En résumé, le syndrome fémoro-patellaire est un problème fréquent, particulièrement chez les adolescents et les personnes physiquement actives. Les femmes semblent également être plus susceptibles de développer cette condition que les hommes.
Examen et tests cliniques spécifiques
Dans leur revue publiée dans le JOSP et parue en 2019, Richard et ses collaborateurs ont réunis des experts dans le domaine afin de clarifier certains points clés de la rééducation d’un syndrome fémoro-patellaire.
Interrogatoire
Selon les auteurs, les cliniciens doivent poser le diagnostic d’un syndrome fémoro-patellaire en se basant sur les critères suivants :
1 - La présence d'une douleur rétropatellaire ou péripatellaire
2 - La douleur rétropatellaire ou péripatellaire est exprimée par le patient lors de l'accroupissement, de la montée d'escaliers, d'une position assise prolongée ou d'autres activités fonctionnelles mettant en charge l'articulation fémoro-patellaire en position fléchie. En effet, l’interrogatoire montrent souvent des douleurs reportées dans des activités de la vie de tous les jours, il s’agit d’un bon marqueur diagnostique.
3 - L'exclusion de toutes les autres affections pouvant causer une douleur antérieure du genou, y compris les pathologies tibio-fémorales. Nous reviendrons en détails sur les potentiels diagnostics différentiels en fin d’article.
Tests cliniques et fonctionnels
Comme expliqué précédemment, le syndrome fémoro-patellaire est une pathologie dont les symptômes sont souvent rapportés par les patients comme ayant un impact fonctionnel fort dans leurs activités quotidiennes. De ce fait, les cliniciens doivent mettre en place des tests cliniques appropriés qui reproduisent la douleur et évaluent le contrôle moteur des membres inférieurs.
Parmi ces tests on peut citer :
· L’accroupissement
· Les descentes et les accroupissements sur une seule jambe
Ces tests sont positifs si le patient décrit une douleur rétropatellaire ou péripatellaire.
· Le latéral step down (qui consiste en une chute d’une jambe bord de step, les mains sur les hanches) afin de vérifier le manque de contrôle moteur du membre inférieur et du bassin.
· Test de force musculaire global du membre inférieur (au dynamomètre, ou sur des tests d’endurance musculaire) et notamment des muscles stabilisateurs de hanche.
Ces tests permettent d'évaluer l'état de base du patient en ce qui concerne la douleur, la fonction globale du genou et permette de statuer également de l'évolution de l'état du genou tout au long du traitement. En effet, effectuer de nouveaux ces tests ponctuellement pendant votre rééducation peut être un bon marqueur d’évolution pour le thérapeute et le patient.
Il reste important d’évaluer les mobilités du genou, de la rotule mais également du membre inférieur afin d’axer des programmes spécifiques pendant la rééducation. Une vigilance accrue de la flexion dorsale de cheville est importante car une raideur dans cette amplitude peut exacerber les contraintes fémoro-patellaires.
Questionnaires auto-rapportés
Selon Richard et ses collaborateurs, les questionnaires validés sont :
· L'échelle de douleur antérieure du genou ou Anterior Knee Pain Scale (AKPS)
· La sous-échelle « douleur fémoro-patellaire » du Knee injury and Osteoarthritis Outcome Score (KOOS-PF),
· L'échelle visuelle analogique (EVA)
· Le questionnaire Engand Pierrynowski (EPQ) pour mesurer la douleur et la fonction chez les patients souffrant d’un syndrome fémoro-patellaire
Classification
Au travers des différents tests cliniques et indications rapportées par le patient, vous pouvez classifier les différents syndrome fémoro-patellaire comme ceci :
1. Syndrome fémoro-patellaire avec une origine de surutilisation/surcharge, sans autre déficience retrouvée à l’examen clinique = La douleur est provoquée par une augmentation brutale des contraintes sur le genou, et vous ne retrouvez aucun déficit de force, de mobilité et de contrôle moteur
2. Syndrome fémoro-patellaire avec déficit de force musculaire
3. Syndrome fémoro-patellaire avec déficit de contrôle moteur
4. Syndrome fémoro-patellaire avec troubles de la mobilité (hypomobilité ou hypermobilité)
Avec ces classifications, il est facile au clinicien de définir des exercices ciblés en lien avec la classification cité ci-dessus.
Techniques de rééducation
L'exercice thérapeutique est une approche clé. Les revues de la littérature que vous retrouverez en source (Saltychev et al, 2018 / Van der Heijden et al, 2015 / Willy et al, 2019), nous permettent de synthétiser quels sont les éléments les plus importants à mettre en place dans nos processus de rééducation.
Recommandations scientifiques :
Dans les divers programmes d'exercices, il est conseiller d’utiliser les techniques de rééducation suivantes :
Exercices en chaîne cinétique ouverte (le segment distal est libre comme sur le leg extension par exemple) ou fermée (le segment distal est fixe comme sur un squat ou une fente).
Exercices de renforcement musculaire ciblant le genou ET la hanche. De nombreuses études ont comparé des programmes ciblant le genou seul à ceux ciblant à la fois le genou et la hanche. Une approche combinée des 2 renforcements musculaires semblerait plus bénéfique pour les patients.
Exercices de renforcement musculaires isométriques, excentriques ou isotoniques. L’objectif est de travailler sur l’ensemble des capacités musculaires et de faire varier les consignes selon les méthodes de renforcement afin d’obtenir un gain de force significatif et durable.
Exercices fonctionnels et de contrôle moteur spécifiques comme les squats (au mur, mini squat...), les fentes, les step-up et step-down, ou encore d’autres exercices ciblés sur l’articulation fémoro-patellaire comme le sissy squat ou le squat avec talon sur-élevée.
Les experts recommandent donc aux cliniciens d'utiliser des exercices analytiques et fonctionnels ciblant la hanche et le genou en fonction des déficits individuels de chaque patient, et en s'attaquant au contrôle neuromoteur, à l'endurance, à la force et à la puissance musculaire.
Thérapies complémentaires :
· La thérapie manuelle (manipulation/mobilisation lombaire, ou rotulienne). Cependant, elle ne doit pas être utilisée seule.
· Les techniques de « physiothérapie » (ultrasons, cryothérapie, stimulation électrique, laser thérapeutique) ne sont pas recommandées.
· Le dry needling n’est pas recommandé.
Autres interventions possibles avec des faibles niveau de preuve :
· Le taping rotulien, souvent en combinaison avec l'exercice.
· Les orthèses plantaires ou les attelles.
· Le biofeedback afin de corriger le manque de contrôle moteur et de force musculaire.
· L'éducation du patient. Elle peut porter sur la gestion de la charge, la gestion du poids si nécessaire, l'importance de l'adhérence aux traitements actifs comme l'exercice, la biomécanique contribuant à la surcharge, et la kinésiophobie.
· La rééducation à la technique de course (gait retraining), notamment chez les coureurs, mais il n'est pas clair quels patients en bénéficieraient le plus, quelle est l'intervention la plus efficace, ou si elle est supérieure à l'éducation sur la gestion de la charge.
· La rééducation par restriction du flux sanguin (blood flow restriction) en association avec des exercices de genou portant sur un grand nombre de répétutions.
En résumé, il n’existe pas de preuve qu'une seule modalité de traitement fonctionne pour tous les patients atteints d’un syndrome fémoro-patellaire.
Le consensus d'experts suggère l'utilité d'une approche globale et multimodale qui met en œuvre une combinaison d'interventions ciblant le profil de facteurs de risque individuel du patient. La recommandation actuelle est de combiner les interventions de kinésithérapie.
Diagnostic différentiel
L'articulation fémoro-patellaire peut présenter des affections musculo-squelettiques autres d’un syndrome rotulien qui causent des douleurs au genou, qui peuvent être :
· Tendinopathie rotulienne
· Subluxation ou luxation de la rotule
· Apophysite tibiale (lésion d'Osgood-Schlatter)
· Apophysite rotulienne (maladie de Sinding-Larsen-Johansson)
Conclusion
En dépit du grand nombre d'études évaluant l'exercice thérapeutique pour le syndrome douloureux fémoro-patellaire, la qualité globale des preuves disponibles reste très faible pour la plupart des résultats. Bien que l'exercice thérapeutique semble apporter un bénéfice par rapport à l'absence de traitement pour la réduction de la douleur et l'amélioration de la fonction à court et à long terme, la faible qualité des preuves limite fortement la confiance que l'on peut accorder à ces conclusions.
Les comparaisons entre les différents types d'exercices (chaîne cinétique ouverte versus fermée, cibler les muscles du genou versus de la hanche) et l'intensité des exercices n'ont pas permis de dégager de conclusions claires et définitives en raison de la très faible qualité des preuves.
Tout le contenu de cet article est présenté à titre informatif. Il ne remplace en aucun cas l’avis ou la visite d’un professionnel de santé.
Sources
Van Der Heijden, R. A., Lankhorst, N. E., Van Linschoten, R., Bierma-Zeinstra, S. M., & Van Middelkoop, M. (2015). Exercise for treating patellofemoral pain syndrome.
Cochrane Library
Smith, B. E., Selfe, J., Thacker, D., Hendrick, P., Bateman, M., Moffatt, F., Rathleff, M. S., Smith, T. O., & Logan, P. (2018). Incidence and prevalence of patellofemoral pain : A systematic review and meta-analysis. PLoS ONE, 13(1), e0190892 – Article sous License Creative Commons
Willy, R. W., Hoglund, L. T., Barton, C. J., Bolgla, L. A., Scalzitti, D. A., Logerstedt, D. S., Lynch, A. D., Snyder-Mackler, L., & McDonough, C. M. (2019). Patellofemoral pain. Journal Of Orthopaedic And Sports Physical Therapy, 49(9), CPG1‑CPG95
Saltychev, M., Dutton, R., Laimi, K., Beaupré, G., Virolainen, P., & Fredericson, M. (2018). Effectiveness of conservative treatment for patellofemoral pain syndrome : A systematic review and meta-analysis. Journal Of Rehabilitation Medicine, 50(5), 393‑401 – Article sous License Creative Commons NC 4.0