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Syndrome de la bandelette ilio-tibiale : approche pratique pour les coureurs

// RÉÉDUCATION

Lors des épisodes douloureux du syndrome de la bandelette ilio-tibiale, les coureurs adoptent souvent une approche consistant à interrompre temporairement l'activité, ce qui entraîne une amélioration symptomatique à court terme.

Mise en ligne le 13 May 2025
Mise à jour le 13 May 2025
Syndrome essuie-glace Course à pied
Blandine

Blandine

Rappels anatomiques, biomécaniques et physiopathologiques

La bandelette ilio-tibiale est une structure fibreuse s'étendant de la crête iliaque à la tubérosité tibiale. Elle joue un rôle essentiel dans la stabilisation latérale du genou, en particulier lors des mouvements de flexion et d'extension.

Le syndrome de la bandelette ilio-tibiale survient principalement à la suite d'une surcharge mécanique, provoquant une compression du tissu adipeux innervé entre la bandelette et le condyle fémoral latéral. Cette compression est maximale lorsque le genou est fléchi à environ 30°, créant une pression importante sur les tissus environnants et activant les récepteurs nociceptifs, ce qui provoque des douleurs latérales du genou.

La bandelette ilio-tibiale peut aussi être soumise à des forces de friction supplémentaires, notamment lorsque la course est effectuée sur des surfaces inégales ou lorsque le coureur adopte une foulée asymétrique. En particulier, les mouvements de flexion-extension du genou dans des phases d’appui peuvent entraîner des frottements répétitifs entre la bandelette et le condyle fémoral latéral, augmentant la pression sur les tissus adjacents.

Sur le plan biomécanique, la bandelette ilio-tibiale joue un rôle crucial dans le stockage et la restitution de l’énergie élastique pendant la phase d’appui de la course. Elle agit comme un ressort mécanique, emmagasinant de l’énergie lors du contact du pied avec le sol, puis la restituant lors de la phase de propulsion. Ce mécanisme contribue à l’efficacité énergétique du mouvement, ce qui explique son importance dans la performance des coureurs.

Facteurs de risque

L'étiologie du syndrome de la bandelette ilio-tibiale est multifactorielle, impliquant plusieurs éléments qui, combinés, augmentent le risque de développement de la pathologie. Les principaux facteurs de risque comprennent :

  • Une progression excessive ou rapide des charges d’entraînement, que ce soit en volume ou en intensité, ce qui surcharge les tissus et dépasse leur capacité d'adaptation.

  • Des sorties fréquentes en descente, qui entraînent des forces de compression et des contraintes importantes sur la bandelette ilio-tibiale.

  • Une biomécanique de course altérée, caractérisée par une foulée étroite, une adduction excessive de la hanche, où les pieds traversent excessivement la ligne médiane, peut entraîner des forces de cisaillement plus importantes sur la bandelette ilio-tibiale. Ce type de mouvement génère une tension excessive et augmente le risque de compression au niveau du condyle fémoral. Par ailleurs, une cadence lente ou une foulée trop longue amplifie le temps de contact au sol et la charge sur le complexe hanche-genou-tibia, exacerbant les contraintes mécaniques.

  • Des déficits neuromusculaires, tels que la faiblesse ou l’endurance insuffisante des muscles fessiers, compromettent la stabilisation latérale de la hanche.

Ces facteurs, bien qu’indépendants, deviennent problématiques lorsqu'ils entraînent des contraintes excessives qui dépassent la capacité d'adaptation des tissus, augmentant ainsi le risque de développer un syndrome de la bandelette ilio-tibiale.

Mécanismes de douleur et impact sur la performance

Lors des épisodes douloureux du syndrome de la bandelette ilio-tibiale, les coureurs adoptent souvent une approche consistant à interrompre temporairement l'activité, ce qui entraîne une amélioration symptomatique à court terme. Cependant, cette réduction des contraintes peut altérer la capacité d’adaptation des tissus. Une reprise prématurée et mal contrôlée des entraînements peut réactiver les symptômes, engendrant ainsi un cercle vicieux de déconditionnement. Cette dynamique perturbe la capacité du corps à s'adapter aux charges mécaniques, réactivant la douleur dès que les contraintes sont réintroduites.

En parallèle, un mécanisme d’inhibition réflexe peut être impliqué : la douleur induite par la compression de la bandelette ilio-tibiale peut inhiber les muscles stabilisateurs proximaux via des voies neurophysiologiques, modifiant ainsi les schémas moteurs et augmentant les contraintes mécaniques locales. Cette inhibition contribue à la perturbation du contrôle moteur et à l’aggravation de la pathologie.

Un élément clé dans la prise en charge du syndrome est la compréhension des mécanismes de peur-évitement, qui jouent un rôle déterminant dans la récupération. Bien que ce mécanisme soit peu étudié spécifiquement pour cette pathologie, il s’avère être un facteur prédictif de récupération prolongée dans d'autres pathologies du genou non traumatiques, telles que la douleur fémoro-patellaire.

Prise en charge biomécanique et fonctionnelle

Contrairement à une idée reçue, la faiblesse des stabilisateurs latéraux, notamment du moyen fessier, n'est pas systématiquement la cause du syndrome de la bandelette ilio-tibiale. Plusieurs études montrent que cette faiblesse résulte plutôt de l'inhibition musculaire réflexe causée par la douleur (1). Cette inhibition altère la stabilité dynamique de la hanche et du genou, augmentant ainsi les contraintes mécaniques latérales, compliquant la situation.

Selon Friede et al (2), les stratégies actuelles ciblent souvent des déficits de force musculaire, notamment du moyen fessier, sans réelle preuve que ces déficits soient à l'origine de la pathologie. En réalité, ces altérations pourraient n’être que secondaires à la douleur, comme le suggèrent aussi Noehren et al (3). La prise en charge doit donc aller au-delà du simple renforcement des abducteurs. Il s’agit de restaurer un contrôle neuromusculaire dynamique, en tenant compte des stratégies de mouvement globales du coureur.

La course à pied étant une activité à forte répétition, de légères variations biomécaniques peuvent générer des charges cumulatives importantes sur la région latérale du genou. D’où l’intérêt d’une analyse du geste de course individualisée, et de modifications techniques ciblées pour redistribuer les contraintes mécaniques de manière plus favorable.

Analyse et technique de course

Une analyse cinématique chez les coureurs symptomatiques montre fréquemment des signes d'adduction excessive de hanche, de valgus dynamique et de rotation interne du fémur. Des ajustements simples peuvent réduire les contraintes sur la bandelette :

  • Augmenter la cadence de 5 à 10 % par rapport à la cadence de course habituelle, si celle-ci est basse (<160 bpm). Cette augmentation permet de réduire l’amplitude d’adduction de hanche et de limiter le valgus dynamique du genou, tout en réduisant les forces de compression sur la bandelette. Ces ajustements doivent être progressifs et s’étaler sur plusieurs mois afin de permettre une adaptation tissulaire adéquate (2).

  • Élargir la largeur de la foulée peut limiter les mouvements de type « crossover » (lorsque les pieds croisent excessivement la ligne médiane), réduisant ainsi la compression latérale au niveau du genou. Il est essentiel d’éviter une modification brutale de la foulée, car cela pourrait déplacer les contraintes et provoquer des blessures secondaires. Pour corriger un « crossover », un entraînement sur une ligne blanche, où chaque pied reste de son côté respectif, peut être très efficace. Des exercices ciblés, comme les fentes en marchant avec un contrôle précis du placement du pied et du genou, permettent de travailler la posture et la stabilité tout en réduisant la tension sur la bandelette

  • Réduire l’oscillation verticale et améliorer la stabilité pelvienne sont également des éléments cruciaux pour optimiser l'efficacité biomécanique

 

Réentraînement à la course

L’intégration de feedback visuel (miroir, vidéo) ou auditif (métronome) peut aider à optimiser les schémas moteurs dysfonctionnels sans créer de nouvelles contraintes. Ces feedbacks doivent cependant être progressivement retirés pour permettre une adaptation motrice durable.

 

 

 

Conseils d'entraînement dans la gestion du syndrome de la bandelette ilio-tibiale

1.   Variation des surfaces d’entraînement
Afin de limiter les impacts répétitifs sur les structures musculosquelettiques et de réduire la contrainte sur la bandelette ilio-tibiale, il est conseillé de varier les surfaces d'entraînement. L'alternance entre différentes surfaces permet de solliciter les tissus de manière plus homogène, contribuant ainsi à prévenir l'aggravation des symptômes. Cette approche favorise une adaptation progressive et équilibrée des structures concernées.

2.   Limitation des descentes en côte
Les descentes en côte engendrent une tension accrue sur la bandelette ilio-tibiale, en raison de l'augmentation des forces exercées lors de la phase d'impact. Il est donc recommandé de limiter les exercices en descente, particulièrement durant les phases initiales de rééducation. Il est préférable de privilégier des terrains plats ou des surfaces souples, afin de minimiser la sollicitation de l'articulation du genou et réduire le risque de recrudescence des symptômes.

3.   Intégration de périodes de marche entre les intervalles de course
L'incorporation de périodes de marche entre les intervalles de course permet une gestion plus efficace de la charge d'entraînement et favorise une récupération progressive des tissus. Cette approche permet d’éviter des sollicitations excessives des structures musculosquelettiques et facilite l’adaptation progressive du corps aux contraintes liées à la course.

4.   Réduction du volume d'entraînement initial
Lors de la reprise de l'activité physique, il est essentiel de réduire le volume d'entraînement, tout en maintenant une intensité modérée. Cette réduction permet d’éviter des charges excessives sur la bandelette ilio-tibiale, tout en assurant une récupération adéquate des tissus. La progression du volume d'entraînement doit être graduée et s’appuyer sur les réponses cliniques du patient, permettant ainsi une adaptation sécurisée aux contraintes.

5.   Progression graduée de la reprise de la course
La reprise de la course doit suivre une approche graduée. Dans les premières phases de rééducation, il est conseillé d’alterner la marche et la course, en privilégiant des surfaces planes. Les terrains plus exigeants, tels que les côtes, doivent être réintroduits uniquement lorsque la tolérance du patient le permet. Cette progression permet une adaptation des structures musculosquelettiques aux contraintes mécaniques de la course, tout en minimisant les risques de blessure.

Surveillance de la douleur et ajustement de la progression

Il est impératif de surveiller l'apparition de la douleur pendant l'effort. Aucune douleur ne doit être ressentie pendant les séances de rééducation ni lors de la course. Il est essentiel de ne pas dépasser la zone d’irritabilité, et la progression du programme d’entraînement doit être ajustée en fonction des retours cliniques du patient. Cela permet de garantir une récupération efficace, sans aggraver les symptômes.

Tout le contenu de cet article est présenté à titre informatif. Il ne remplace en aucun cas l’avis ou la visite d’un professionnel de santé.

 

Sources

1.   Sanchez-Alvarado, A., Bokil, C., Cassel, M., & Engel, T. (2024). Effects of conservative treatment strategies for iliotibial band syndrome on pain and function in runners: a systematic review. Frontiers in sports and active living6, 1386456. Article sous licence CC BY 4.0

2.   Friede, M. C., Innerhofer, G., Fink, C., Alegre, L. M., & Csapo, R. (2022). Conservative treatment of iliotibial band syndrome in runners: Are we targeting the right goals?. Physical therapy in sport : official journal of the Association of Chartered Physiotherapists in Sports Medicine54, 44–52. Article sous licence CC BY 4.0

3.   Noehren, B., Schmitz, A., Hempel, R., Westlake, C., & Black, W. (2014). Assessment of strength, flexibility, and running mechanics in men with iliotibial band syndrome. Journal of Orthopaedic & Sports Physical Therapy, 44(3), 217–222. Article sous licence CC BY