Introduction
Le syndrome du défilé thoracique (= SDT) est un groupe de troubles résultant d'une compression du système neurovasculaire sortant du défilé thoracique. Il a été décrit pour la première fois en 1956. Le SDT n'est pas un trouble rare. Plusieurs études ont rapporté une incidence de 3 à 80 pour 1000. Cependant, comme les critères de diagnostic ne sont pas clairs, on ne sait pas si les données épidémiologiques actuelles sous-estiment ou surestiment l'affection.
Le SDT se développe généralement chez les patients entre la troisième et la cinquième décennie de leur vie et plus fréquemment chez les femmes. Les symptômes du SDT peuvent être graves provoquant de fortes douleurs invalidantes ainsi que divers symptômes en fonction de la cause de ce dernier comme des fourmillements ou des pertes de force dans le membre supérieur. Le traitement du SDT varie en fonction des différentes causes. La précision du diagnostic est importante, car un traitement approprié du SDT donne de bons résultats dans de nombreux cas.
Anatomie
Les zones du défilé thoracique où se produit une compression des nerfs ou de la vascularisation sont le triangle interscalénique, l'espace costoclaviculaire et l'espace sous-coracoïdien.
Le triangle interscalénique est le compartiment le plus médial et ses limites sont créées par le muscle scalène antérieur en avant, le muscle scalène moyen en arrière et la première côte en bas. Le plexus brachial et l'artère sous-clavière traversent le triangle interscalénique, mais la veine sous-clavière est antérieure à la loge. Le deuxième compartiment, l'espace costoclaviculaire, est délimité par le muscle sous-clavier en avant et la clavicule en haut. La première côte et le muscle scalène antérieur forment les limites inférieure et postérieure. Le plexus brachial, l'artère sous-clavière et la veine sous-clavière traversent ce compartiment.
Le dernier compartiment, le plus latéral, est l'espace sous-coracoïdien. Cet espace a été alternativement appelé espace rétro-pectoral ou espace sous-coracoïdien du petit pectoral. Le muscle pectoral mineur forme la limite antérieure de cet espace et les côtes en forment la limite postérieure. Comme son nom l'indique, la coracoïde est située au-dessus de cet espace. Le plexus brachial traverse l'espace sous-coracoïdien, et l'artère et la veine sous-clavières s'y prolongent sous forme d'artère et de veine axillaires.
Étiologie
De nombreux mécanismes peuvent être à l’origine du SDT comme les traumatismes, les mouvements répétitifs et les variations anatomiques.
Les traumatismes sont typiquement de haute vélocité, le plus souvent dans le cadre d'un accident de la route. Une hémorragie, un hématome ou une fracture déplacée peuvent comprimer directement les nerfs ou le système vasculaire. La fracture claviculaire médiane, en particulier, est une cause reconnue. Même après l'atteinte initiale, une fibrose peut se développer et produire des symptômes. Les traumatismes dues au coup du lapin sont associés à un SDT, le plus souvent de type neurogène.
Également, les mouvements répétitifs peuvent entraîner une hypertrophie musculaire qui contribue à la compression. Les lésions de surutilisation dans le cadre de mouvements répétitifs peuvent provoquer un gonflement, de petites hémorragies et une fibrose subséquente, ce qui peut également expliquer les symptômes. Un SDT veineux est également possible à la suite de mouvements répétitifs. La maladie de Paget-Schroetter, également appelée « thrombose d'effort », implique une thrombose veineuse axillaire ou sous-clavière à la suite d'une activité répétitive intense avec les bras comme vu récemment (Février 2025) chez Victor Wembanyama.
Une myriade de variations anatomiques sont à l'origine du SDT. L'une de ces variations est la présence d'une côte cervicale supplémentaire. Cette côte supplémentaire est présente dans 1 à 2 % de la population générale, mais reste asymptomatique pour la plupart des gens. Ces patients ont un risque plus élevé de SDT neurogène (SDTn), jusqu'à 20 % des cas de SDTn étant uniquement attribuables à la présence d'une côte cervicale. La présence d'une côte cervicale surnuméraire est également un facteur prédisposant au développement d'un SDT artériel car elle peut comprimer l'artère sous-clavière et provoquer une sténose ou un anévrisme. Des variations congénitales musculaire ont également été signalées comme étant à l'origine d'un SDT. Par exemple, un muscle scalène surnuméraire peut contribuer à la compression dans le triangle interscalénique.
Une tumeur maligne provoquant une compression est une autre étiologie bien documentée du SDT. Les tumeurs de Pancoast, également connues sous le nom de tumeurs du sillon pulmonaire supérieur, peuvent envahir et comprimer le plexus brachial.
Épidémiologie
L'épidémiologie du SDT n'est pas fermement établie, probablement en raison de l'absence d'accord sur les critères diagnostiques universels. Les données existantes suggèrent une incidence moyenne du SDT comprise entre 3 et 80 cas pour 1000 personnes, affectant typiquement les adolescents et les adultes d'âge moyen, en particulier les femmes entre 30 et 50 ans. Comme mentionné ci-dessus, le SDT est généralement sous-classé en SDT nerveux (=SDTn), SDT veineux (=SDTv) et SDT artériel (= SDTa). Le SDTn provient de la compression du plexus brachial et représente la majorité des cas de SDT, soit 95 % de tous les cas diagnostiqués. Le SDTv et SDTa proviennent de la compression des vaisseaux sous-claviers et représentent respectivement environ 4 % et 1 % des cas de SDT.
Diagnostic et évaluation
En cas de suspicion de SDT, l'examen physique général doit se concentrer sur un examen approfondi non seulement de l'épaule et des membres supérieurs, mais aussi de la colonne cervicale.
Les symptômes cliniques des patients atteints du SDT varient en fonction de leur pathologie. Les symptômes du SDT neurogène comprennent une douleur neuropathique, un engourdissement et une paresthésie dans les doigts, ainsi qu'une faiblesse des membres supérieurs. À l'examen physique, la douleur est induite par la palpation au-dessus du site piégé, comme le plexus brachial, les muscles scalènes et la paroi thoracique antérieure. Les symptômes d'un SDT neurologique s'aggravent généralement à l'effort, par exemple en cas de surcharge des membres supérieurs ou d'extension excessive.
Dans le cas d'un SDT veineux, l'œdème du membre supérieur est le symptôme le plus typique, tandis qu'une douleur sévère non radiculaire peut survenir quelques jours plus tôt. L'examen physique peut révéler une coloration cyanosée du membre supérieur et des veines superficielles dilatées dans le membre supérieur et le cou.
En revanche, les patients souffrant d'un SDT artériel peuvent ressentir une douleur, un engourdissement et une gêne non radiculaire au niveau des membres supérieurs, qui augmentent avec l'exercice physique et sont soulagés par le repos.
Alors que l'utilisation de manœuvres provocatrices individuelles pour le diagnostic du SDT a conduit à un nombre élevé de faux positifs, des études indiquent que l'utilisation conjointe de plusieurs tests peut augmenter la spécificité de l'identification du SDT. Une étude de Gillard et al., a démontré que la combinaison des tests d'Adson et de Roos augmentait la spécificité de 76 à 30 % lorsqu'ils étaient utilisés seuls, et de 82 % lorsqu'ils étaient tous deux positifs.
Facteurs de risques
Plusieurs facteurs de risques sont décrits dans la littérature. Il existe des facteurs de risques congénital :
· Côte cervicale surnuméraire,
· Pseudarthrose de la clavicule,
· Variation de la première côte (largeur accrue, malformation congénitale),
· Insertion ectopique du petit pectoral,
· Variations morphologiques des muscles scalènes,
· Présence du muscle accessoire sous-clavier,
· Variation du plexus brachial,
· Présence du sinus pleural supérieur,
· Ligaments et bandes congénitaux,
· Apophyse transverse allongée de C7.
Des facteurs de risques acquis :
· Hypertrophie des muscles scalènes antérieur et moyen et sous-clavier,
· Mouvements répétitifs de l'épaule au-dessus de la tête,
· Sports associés au risque de SDT (basketball, baseball, natation, water-polo, judo, escalade),
· Position basse de la ceinture scapulaire,
· Hypermobilité de l'articulation de l'épaule,
· Professions avec mouvements au-dessus de la tête ou de travail sédentaires (par exemple, utilisateurs d'ordinateurs ou musiciens)
Ainsi que des facteurs de risques traumatiques :
· Coup du lapin accident de voiture/moto,
· Arthrite de la première articulation costo-vertébrale et injection d'hydrocortisone dans l'articulation costo-vertébrale,
· Névrite du plexus brachial.
Traitement et prévention
Les stratégies de prise en charge dépendent de l'étiologie sous-jacente du SDT. Le traitement initial du SDTn consiste en une prise en charge conservatrice, tandis que le SDTv ou le SDTn avec des symptômes réfractaires peuvent faire l'objet d'une prise en charge chirurgicale.
Le consensus sur le traitement conservateur approprié pour le SDTn reste controversé. Cependant, une approche thérapeutique multimodale comprenant l'éducation du patient, une rééducation spécifique au SDT et une prise en charge pharmacologiques a donné des résultats positifs. La rééducation est recommandée en tant que traitement initial non chirurgical du SDTn et devrait inclure l'éducation du patient (mécanique posturale, contrôle du poids, techniques de relaxation), la modification de l'activité ainsi qu’une rééducation axée sur le SDT en tentant de modifier les symptômes du patient par diverses techniques de kinésithérapies comme les étirements actifs/passifs, le renforcement musculaire ciblé, les mouvements répétés en visant à modifier les symptômes etc. Une étude a démontré un soulagement des symptômes chez 25 des 42 patients atteints de SDTn après 6 mois de thérapie physique.
Les interventions pharmacologiques apportent souvent un soulagement symptomatique et comprennent principalement des analgésiques (AINS et/ou opioïdes) pour la douleur neuropathique, ainsi que des relaxants musculaires en tant qu'adjuvants. Également, l'injection d'anesthésiques locaux, de stéroïdes ou de toxine botulique de type A dans le muscle scalène et/ou pectoral antérieur a donné des résultats variables dans des études d'observation, bien que l'utilisation de la toxine botulique de type A n'ait pas donné de résultats significatifs dans un essai randomisé.
Diagnostics différentiels
Le SDTest souvent mal diagnostiqué car d'autres troubles présentent des symptômes similaires. Par conséquent, pour confirmer le diagnostic de SDT, il faut exclure d'autres troubles tels que la radiculopathie cervicale, la neuropathie inflammatoire et d'autres syndromes de piégeage nerveux. Les troubles qu'il convient d'exclure avant de confirmer le diagnostic de SDT (avec leurs caractéristiques cliniques distinctives) sont les suivants :
· Rupture de coiffe,
· Radiculopathie cervicale,
· Tumeur,
· Thrombose veineuse,
· Compression du nerf cubital,
· Syndrome du canal de Guyon,
· Vascularite,
· Tendinopathie de la coiffe des rotateurs.
Tout le contenu de cet article est présenté à titre informatif. Il ne remplace en aucun cas l’avis ou la visite d’un professionnel de santé.
Sources :
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