Rupture du tendon d’Achille: explication et traitement

Publié le : 14 mai 2023 à 19h19

Article rédigé par Clément BOUDOT - Kinésithérapeute du sport 

Introduction

Le tendon d'Achille est le plus fort et le plus large tendon du corps humain. Malgré sa taille et sa résistance à la traction, le tendon d'Achille est le tendon le plus lésé du corps humain. L'incidence globale des ruptures du tendon d'Achille est en hausse ces derniers temps en raison du vieillissement de la population, de la prévalence croissante de l'obésité ainsi que de l’augmentation de la pratique sportive.

Les ruptures du tendon d'Achille nécessitent une convalescence prolongée. Une réduction de 10 à 30 % de la force et de l'endurance du mollet sont retrouvées malgré une rééducation avec renforcement musculaire accrue. La blessure entraîne des limitations à long terme et de nombreux patients ne parviennent pas à reprendre leurs activités sportives au même niveau de performance qu'avant la blessure. Également, la controverse a entouré le traitement optimal de la rupture aiguë du tendon d'Achille. L’intervention chirurgicale était dans le temps presque systématique malgré les risques de complications comme les infections ou récidives. De nos jours, le choix du traitement est beaucoup plus débattu.

 

Anatomie

Le tendon d'Achille est le tendon le plus gros et le plus résistant du corps humain. Les fibres tendineuses du gastrocnémien provenant du fémur distal et celles du muscle soléaire provenant du tibia proximal se rejoignent au-dessus de l'insertion sur la tubérosité calcanéenne postérieure. Le tendon d'Achille, long d'environ 15 cm, se déplace en direction distale et vient s’insérer, de sorte que les fibres initialement antérieures du gastrocnémien s'insèrent latéralement et que les fibres initialement postérieures du soléaire s'insèrent sur la face médiale du tendon d'Achille. Le coussinet adipeux de Kager, situé en avant du tendon d'Achille, protège les vaisseaux sanguins qui pénètrent dans le tendon.

 

 

Le tendon d'Achille n'a pas de gaine tendineuse, mais un paraténon hautement vascularisé qui agit comme un conduit pour la vascularisation du tendon et facilite le glissement du tendon entre le tissu sous-cutané et le fascia postérieur. Les sections proximale et distale du tendon sont vascularisées par l'artère tibiale postérieure et la section médiane (2 à 6 cm du point d'insertion) est irriguée par l'artère fibulaire. Comme la section médiane est relativement peu irriguée, elle est plus vulnérable à la dégénérescence et à la rupture.

 

Étiologie

La rupture aiguë du tendon d'Achille se produit généralement dans sa partie médiane, entre 2 et 6 cm de l'insertion sur le calcanéum. La faible vascularisation du corps du tendon d'Achille peut jouer un rôle important dans la pathogenèse de la rupture.

La rupture est généralement totale, les véritables ruptures du tendon d’Achille (RTA) partielles sont très rares.

Les RTA aiguës sont classiquement produites par un impact unique à forte charge (par exemple, une RTA associée à une flexion dorsale soudaine ou violente de la cheville lors d’un saut). De plus, un mécanisme d'accélération-décélération a été rapporté jusqu'à 90 % des RTA liés au sport.

 

Épidémiologie

La rupture du tendon d'Achille représente 20 % de toutes les ruptures de tendons. L'incidence estimée varie de 11 à 37 pour 100 000 personnes. Les hommes sont 2 à 12 fois plus sujets à la rupture du tendon d'Achille que les femmes. Dans une méta-analyse réalisée en 2012 par Soroceanu et al., l'âge moyen au moment de la blessure chez 826 patients était de 39,8 ans. Les lésions du tendon d'Achille sont fréquentes dans le football, le tennis, le badminton ainsi que dans tous les sports de saut. Leur prévalence chez les athlètes pratiquant la course à pied est de 11 %.

La RTA présente une distribution bimodale en fonction de l'âge, avec un premier pic chez les patients âgés de 25 à 40 ans et un second pic chez ceux de plus de 60 ans. Les blessures sportives à haute énergie sont responsables du premier pic. Tandis que le second pic survenant chez les personnes âgées est principalement associé à des blessures à faible énergie, telles que la rupture spontanée du tendon d'Achille dégénéré ou la rupture dans le cadre d'une tendinopathie d'Achille chronique. Il est donc important de différencier la rupture aiguë du tendon d'Achille de la rupture du tendon dégénéré.

 

 

Diagnostic et évaluation

Le diagnostic de rupture aiguë du tendon d'Achille repose principalement sur une anamnèse et un examen physique approfondis.

Les patients présentant une rupture aiguë du tendon décrivent souvent un bruit sec à l'arrière de la jambe en flexion dorsale de la cheville ou ils décrivent la sensation de recevoir un coup de pied à l'arrière de la cheville. Les signes d'une rupture du tendon sont une faiblesse de la flexion plantaire, une difficulté à se déplacer associer à une boiterie. Un résultat faussement négatif au test de Thompson peut se produire si la flexion plantaire est produite par des fléchisseurs extrinsèques du pied intacts ; environ 25 % des ruptures aiguës sont initialement négligées pour cette raison.

 

Selon les guidelines de pratique clinique de l'American Academy of Orthopaedic Surgeons, le diagnostic de rupture aiguë du tendon d'Achille peut être établi par au moins deux des tests d'examen physique suivants :

  • Un test de Thompson positif
  • Une diminution de la force de flexion plantaire
  • La présence d'un défaut palpable
  • Une augmentation de la flexion dorsale passive de la cheville avec une manipulation douce

Lors du diagnostic, il est important de différencier les blessures sportives traumatiques des blessures à faible énergie. Ces dernières sont souvent associées au processus dégénératif du tendon, à une tendinose chronique, à des antécédents d'injection de stéroïdes ainsi qu’à un âge avancé.

 

Facteurs de risques

Plusieurs facteurs jouent un rôle dans la pathogenèse de la RTA, notamment : unité musculo-tendineuse dont la condition n'est pas optimale (force), l'âge, le sexe (homme plus à risque), les changements dans le schéma d'entraînement (augmentation brutale de la charge d’entrainement), un antécédent de RTA ainsi qu’une mauvaise vascularisation du tendon.

Diverses conditions pathologiques telles que les maladies infectieuses, les conditions neurologiques, l'hyperthyroïdie, l'insuffisance rénale, le diabète, l'artériosclérose, les conditions inflammatoires et auto-immunes, l'hyperuricémie, les anomalies du collagène déterminées génétiquement et une concentration élevée de lipides sériques influent sur l’apparition de RTA.Les médicaments tels que les stéroïdes anabolisants et les fluoroquinolones provoquent une dysplasie des fibres de collagène, ce qui diminue la résistance à la traction du tendon et augmente le risque de RTA.

 

 

Traitement et prévention

La controverse persiste quant à savoir quel traitement, conservateur ou opératoire, est le plus efficace en cas de rupture aiguë du tendon d'Achille. Le problème lié à la prise en charge conservatrice est de savoir si la cicatrisation d'un tendon rompu est possible sans contact direct avec les structures environnantes. Une cicatrisation retardée peut entraîner une faiblesse du mollet et une cicatrisation incomplète peut augmenter le risque de rupture. Bae et al., ont déjà rapporté que le tendon a cicatrisé sans contact direct avec les extrémités rompues malgré la présence d'un large défaut.

Le traitement conservateur classique comprend 6 à 8 semaines d'immobilisation plâtrée. La cheville est placée dans un plâtre en position de flexion plantaire pendant les 4 premières semaines et en position neutre pendant les 2 à 4 semaines suivantes. La prise en charge conservatrice a été associée à un taux de rupture plus élevé que la réparation chirurgicale (12,6 % contre 3,5 %). Cependant, des études récentes ont suggéré que les taux de rupture peuvent être réduits en diminuant la période d'immobilisation par plâtre et en recourant à une rééducation fonctionnelle précoce.

La rééducation de la rupture du tendon d’Achille qu’elle soit conservatrice ou chirurgicale devra être progressive. Le renforcement occupera une place prépondérante de la prise en charge avec des techniques manuel permettant de retrouver la mobilité de la cheville.

Généralement la difficulté réside à retrouver l’amplitude en flexion dorsale, notamment après une opération où des raideurs importantes peuvent apparaitre. Également, il faudra être particulièrement vigilant lors de la phase de reprise de la pliométrie. En effet, les sauts exercent une tension et une contrainte très importante sur le tendon qui n’est pas reproductible lors du renforcement analytique.

 

Diagnostics différentiels

Le diagnostic différentiel de la RTA comprend :

  • Lésion du muscle soléaire
  • Lésion du muscle plantaire
  • Lésion du muscle gastrocnémien
  • Thrombose veineuse profonde
  • Tendinopathie d’Achille
  • Rupture du fascia plantaire

 

Tout le contenu de cet article est présenté à titre informatif. Il ne remplace en aucun cas l’avis ou la visite d’un professionnel de santé.

 

Sources :

Park, S. H., Lee, H. S., Young, K. W., & Seo, S. G. (2020). Treatment of Acute Achilles Tendon Rupture. Clinics in orthopedic surgery, 12(1), 1–8. Article sous Creative Commons Attribution Non-Commercial License (CC-BY-NC 4.0).

Tarantino, D., Palermi, S., Sirico, F., & Corrado, B. (2020). Achilles Tendon Rupture: Mechanisms of Injury, Principles of Rehabilitation and Return to Play. Journal of functional morphology and kinesiology, 5(4), 95. Article sous Creative Commons Attribution license (CC-BY).

Meulenkamp, B., Stacey, D., Fergusson, D., Hutton, B., Mlis, R. S., & Graham, I. D. (2018). Protocol for treatment of Achilles tendon ruptures; a systematic review with network meta-analysis. Systematic reviews, 7(1), 247. Article sous Creative Commons Attribution 4.0 International License CC-BY 4.0.

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