Comment entraîner nos futurs champions ?

Publié le : 20 décembre 2020 à 10h58

Article rédigé par Clément Boudot et Thibaut Garçon 

 

Depuis les années 50, nous constatons une diminution du nombre de personnes âgées de moins de 20 ans dans les pays occidentaux. En addition à ce changement démographique, il est également constaté une baisse générale des performances sportives chez cette même tranche d’âge. Les changements ont montré également une diminution du concept de « forme musculaire » comprenant l’endurance musculaire,  la puissance musculaire et la force musculaire chez les moins de 20 ans. Il a également été mis en évidence une baisse de leur capacité d’aérobie.

Ces changements sont des indicateurs de la santé des jeunes dans notre population, mais la « forme musculaire » est aussi révélatrice des capacités athlétiques de ces derniers.

Il est important de développer la capacité aérobique ainsi que la « forme musculaire » de nos jeunes pour leur santé dans un premier temps, mais également dans une démarche sportive à long terme pour augmenter leurs performances.

La « forme musculaire » est quant à elle le pilier des différentes étapes du développement à long terme des athlètes (= DLTA). Le DLTA est un concept qui permet aux entraineurs d’effectuer les bons exercices au bon moment pour les jeunes athlètes dans leur développement physique en fonction de leur âge et de leur croissance.

Le DLTA des athlètes est composé de sept étapes:

 

    1. Début actif
    2. Fondamentaux
    3. Apprendre à s’entrainer
    4. S’entrainer pour s’entrainer
    5. S’entrainer pour la compétition
    6. S’entrainer pour gagner
    7. Actif pour la santé

 

Ainsi les jeunes athlètes, grâce au DLTA, bénéficient d’un suivi au plus près de leurs besoins durant leur croissance. La planification d’exercices permet d’induire des effets bénéfiques à long terme sur leur santé, mais également de leur permettre de tolérer les exigences d'un entrainement et d'une compétition sur le long terme et ainsi de stimuler leur développement sportif/carrière.

Le tableau ci-dessous détaille les étapes du DLTA avec les exercices à réaliser et les adaptations entrainées par ces derniers en fonction de leur tranche d’âge et leur âge biologique grâce à l’échelle de Tanner.

 

Ce tableau du DLTA résume pour les coaches les différents types d’entrainements qui peuvent être réalisables par tranches d’âge. Ces recommandations sont source d’avis d’experts et des études scientifiques disponibles.

 

Comment et à quel âge incorporer des exercices pour les différentes capacités musculaires?

 

  • Force musculaire

La force musculaire peut être définie comme étant la force ou la tension qu’un muscle peut générer à une vitesse spécifique.

Le renforcement musculaire soumis à des charges a en effet fait ses preuves pour l’amélioration de la force musculaire. En effet, un programme sur 2 ans chez les enfants de moins de 13 ans, 15 ans et 17 ans fut réalisé pour observer les effets du renforcement musculaire sur leur force. Sur le 1 RM (Répétition Maximale) au front squat et back squat, toutes les tranches d’âge ont améliorer leurs performances par rapport au groupe contrôle qui lui a réalisé les entrainements de football sans entrainement spécifique de musculation. Le plus intéressant c’est que ce sont les sportifs de moins de 13 ans qui ont le plus bénéficié de ce programme de musculation, car ils ont amélioré leur performance sur le 1RM de 230 à 250% alors que les deux autres tranches d’âges ont amélioré de 56 à 80% leurs 1RM.

Une revue systématique et méta-analyse de Lesinki et al, de 2016 à retrouvé les mêmes résultats et les moins de 13 ans sont ceux qui bénéficie le plus de l’entrainement musculaire pour l’amélioration de la force musculaire. Il se pourrait que l’effet soit dû au fait que les moins de 13 ans possèdent une plasticité cérébrale supérieure, mais aussi un gain de force relatif plus important (les bénéfices de la musculation seront plus importants pour cette tranche d’âge compte tenu de leur faible performance de base).

Il est aussi intéressant de noter que l’entrainement le plus efficace est l’entrainement avec des poids libres.

 

  • Puissance musculaire

Le but de la puissance musculaire est donc de générer le plus de force sur une distance donnée dans un laps de temps le plus court possible.

Un entrainement de pliométrie sur 8 semaines à raison de 2 entrainements par semaines a déjà montré son efficacité pour développer la puissance musculaire. En effet les performances lors des CMJ (= couter-mouvement jump) ont augmenté de 7,9% et de 10,9% sur la hauteur du saut lors des sauts de haies. Cette fois-ci les effets de l’entrainement pliométrique ont été plus bénéfiques pour les adolescents que pour les enfants. Il se pourrait que les effets de la pliométrie soit moins bénéfiques pour les enfants, car la stabilité/proprioception n’est pas encore complètement développée à cet âge-là comparé aux adolescents. En effet Behm et al., ont décrit que lors d’un entrainement pliométrique la force développée sera moindre si la surface de contacte au sol est instable. Les adolescents ayant une meilleure stabilité produiraient donc plus de force pendant l’entrainement pliométrique comparé aux enfants. Ceci permettrait donc d’expliquer pourquoi les adolescents bénéficieraient plus des avantages induits par l’entrainement pliométrique.

Cependant, les effets sur la puissance musculaire de la pliométrie seraient majorés lorsque du renforcement musculaire avec des poids libres est effectué en parallèle.

 

  • Endurance musculaire

L'endurance musculaire est la capacité de générer volontairement une force sous-maximale constante ou répétée (>30% du 1 RM) en utilisant un seul muscle ou groupe musculaire pendant une période prolongée tout en résistant à la fatigue.

L’effet du renforcement musculaire visant à augmenter l’endurance musculaire est moins étudié que la puissance et la force musculaire vues précédemment. Cependant, les études réalisées semblent toutes positives quant aux effets du renforcement sur l’endurance musculaire. Deux séances par semaines de gainage avec une augmentation progressive de la durée des exercices augmenteraient de 8 à 41% l’endurance des muscles des compartiments ventraux et latéraux. Ces effets ont était également retrouvés dans une autre étude avec une augmentation du temps au prone-bridge test de 9%.

  • Performance athlétique

L’entrainement physique a démontré ses effets sur la force, endurance, mais également la puissance musculaire. Cependant, il reste à savoir si le jeune athlète arrive à mettre ses gains musculaires au service des performances dans leur pratique sportive.

Les performances athlétiques sont des indicateurs spécifiques au sport pratiqué comme la vitesse du service au tennis, ou la vitesse du lancer lors d’un tir au handball.

Il semblerait que l’entrainement en musculation aurait des effets bénéfiques sur les performances athlétiques. Cependant, ces effets bénéfiques ne seraient pas aussi flagrants que sur les mesures lors des tests musculaires. Cela pourrait être en partie expliqué, car lors d’un match, ou d’un entrainement, l’environnement ainsi que les règles du sport peuvent interférer sur les performances (positivement ou négativement).

Par exemple:

  • Lors des tirs au handball, le renforcement musculaire a permis d’augmenter de 4,9% la vitesse de ce dernier.
  • L’entrainement pliométrique à faible volume et grosse intensité chez les footballeurs, a quant à lui permis une augmentation de 14% sur la distance maximale du tir.
  • L’entrainement pliométrique des membres supérieurs et inférieurs a également été bénéfique sur la vitesse du service au tennis, mais n’a eu aucune incidence sur sa précision.

Cela démontre que la musculation permet l’amélioration des performances, mais le renforcement doit être utilisé en complément du sport pratiqué. En effet l’entrainement spécifique au sport et l’expérience sont eux aussi des clés de la réussite du sportif.

On retrouve comme pour l’endurance musculaire des bénéfices plus marqués du renforcement musculaire, chez les adolescents, sur leurs performances athlétiques.

 

  • Implication pratique pour les coaches

L'entrainement de l’équilibre/proprioception est une phase d'entrainement préliminaire importante chez les jeunes.

En effet, les coaches devraient se focaliser sur l’entrainement proprioceptif dès le plus jeune âge (enfant, préadolescents). Ceci permettrait aux jeunes athlètes d’être en mesure de mieux assimiler les effets des entrainements de musculation.

L’entrainement avec des poids libres semble aussi être le moyen de renforcement musculaire le plus efficace, car il permet de travailler dans plusieurs axes et à différentes vitesses, permettant de se rapprocher au mieux de ce qui est demandé dans les sports.

Il n’existe pas qu’un seul plan d’entrainement et l’individualisation de ce dernier est importante. Il est recommandé de commencer les exercices de musculation à 30-60% de leur 1RM, avec 1 à 2 séries par exercices et entre 8 et 12 exercices par session. Les exercices comporteront entre 8 et 15 répétitions et les séances ne devront pas se faire sur 2 jours consécutifs afin de permettre au corps de récupérer.

 

  • La spécialisation sportive

Comme pour les adultes, certains enfants ou adolescents sortent du lot grâce à leurs capacités intrinsèques et leurs facilités (talent) dans certaines disciplines. Les premiers modèles de spécialisation sportive juvénile sont venus d’Europe de l’Est dans les années 50 à 80 avec une envie forte de promouvoir les performances des jeunes athlètes à haut niveau et de montrer au monde leur supériorité. On trouve toujours aujourd’hui une volonté de performance à haut niveau chez cette population d’athlète, les enjeux économiques et financiers représentant un réel objectif.

En effet, les exemples sont de réussite précoce sont nombreux comme Pelé au football ou encore Shaun White au snowboard.

Il n’existe pas à l’heure actuelle de consensus sur la définition de la spécialisation sportive, mais on peut la trouver décrite comme étant « un entrainement intense, tout au long de l’année, dans un seul sport, à l’exclusion des autres sports » (Gould et al., 2009). La pratique prolongée d’une seule activité physique est donc une caractéristique majeure pour décrire cette spécialisation.

La définition peut être rallongée avec une notion d’âge, sachant qu’une spécialisation sportive précoce est définie pour une spécialisation avant l’âge de 12 ans (LaPrade et al., 2016).

De plus, il existe d’autres paramètres qui nous permettent de l’identifier chez l’enfant :

 

    1. Volume important et haute intensité de la pratique
    2. Débute à un âge précoce, généralement à l’école primaire.
    3. Se concentre sur une activité spécifique, à l’exclusion des autres.
    4. Souvent (mais pas toujours) initié par des adultes (coach ou entourage)
    5. But principal au-delà de l’épanouissement: atteinte et excellence des performances au niveau élite.

 

Le consensus concernant l’âge pour commencer une spécialisation se situerait dans la fin de l’adolescence vers 16 ans environ. Il est aussi à préciser que certaines pratiques, qui exigent le développement de compétences et des performances de pointe avant la fin de la puberté, sont des exceptions et peuvent être associées à une spécialisation dès le plus jeune âge. Ces sports sont, selon l’Académie américaine de pédiatrie, la Société médicale américaine pour la médecine du sport et la Société américaine d’orthopédie pour la médecine du sport :

 

  • La danse
  • Le plongeon
  • Le patinage artistique
  • La gymnastique

 

Conclusion:

Le sport fait partie du développement moteur de l’enfant, mais aussi social. Dans certaines disciplines comme le football les talents sont détectés de plus en plus tôt pouvant mettre une pression aux enfants pour le sport/passion qu’ils exercent. Il ne faut cependant pas oublier la base du sport qui est un moment de socialisation et contribue à la bonne santé des enfants. Le plaisir de jouer doit être au centre de leur pratique et les performances en découleront naturellement.

 

Nouvelle technologie

Crédits : assests.firstbeat

 

« Coach me plus » est une application permettant au coach de collecter des datas sur leurs athlètes ou équipes afin de contrôler la charge d’entrainement. Elle est utilisée notamment par l’équipe de basket des Chicago Bulls, mais également par l’équipe de baseball des Chicago White Sox.

 

Tout le contenu de cet article est présenté à titre informatif. Il ne remplace en aucun cas l’avis ou la visite d’un professionnel de santé.

 

Sources:

Granacher, U., Lesinski, M., Büsch, D., Muehlbauer, T., Prieske, O., Puta, C., Gollhofer, A., & Behm, D. G. (2016). Effects of Resistance Training in Youth Athletes on Muscular Fitness and Athletic Performance: A Conceptual Model for Long-Term Athlete Development. Frontiers in physiology, 7, 164. Article sous Creative Commons Attribution License (CC-BY).

LaPrade, R. F., Agel, J., Baker, J., Brenner, J. S., Cordasco, F. A., Côté, J., Engebretsen, L., Feeley, B. T., Gould, D., Hainline, B., Hewett, T. E., Jayanthi, N., Kocher, M. S., Myer, G. D., Nissen, C. W., Philippon, M. J., & Provencher, M. T. (2016). AOSSM Early Sport Specialization Consensus Statement. Orthopaedic Journal of Sports Medicine – Article sous Licence Creative Commons 3.0 CC-BY-NC-ND.

Gould, D., Carson, S., Fifer, A., Lauer, L., & Benham, R. (2009). Stakeholders’ Perceptions of Social-Emotional and Life Skill Development Issues Characterizing Contemporary High School Sports. Journal of Coaching Education, 2(1), 20‑44. https://doi.org/10.1123/jce.2.1.20

Behm, D. G., Drinkwater, E. J., Willardson, J. M., & Cowley, P. M. (2010). The use of instability to train the core musculature. Applied physiology, nutrition, and metabolism = Physiologie appliquee, nutrition et metabolisme, 35(1), 91–108.

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