Interview #2 Jacques Jefferies

Publié le : 15 septembre 2019 à 11h21

Présentation :

 

Bonjour Jacques, je te remercie d’avoir accepté cette interview. Peux-tu te présenter sportivement ? (Parcours, sport(s), niveau, etc..) ? 

 

Bonjour Nathan, bien sûr. Je suis né et j'ai grandi dans les Alpes françaises plus précisément en Haute Savoie dans un village touristique appelé St Jean d’Aulps pas loin de Morzine/Avoriaz. Mes parents m'ont initiée au sport dès mon plus jeune âge et j'ai commencé à skier à l'âge de 3 ans. Dès l'âge de 6 ans, j'ai fait partie du club de ski alpin de mon village d’enfance et participé à des courses au niveau local. J'ai vite compris que le ski alpin n'était pas pour moi et en 2011, j’ai basculé du côté alpin au côté nordique pour faire du ski de fond et par la suite du biathlon. Je n'ai pas regardé en arrière depuis. Avec l’aide de mon nouveau club de ski, le club Des Gets Ski Compétition et de mon entraîneur René Coppel j'ai rapidement obtenu des places sur le podium des courses départementales et une troisième place au classement général du Championnat de France des moins de 14 ans en janvier 2016.

 

En mai 2016, j’ai été présélectionné pour faire partie du Comité de ski du Mont-Blanc et, en septembre 2017, j’ai rejoint le Centre interrégional d’entraînement pour le comité Mont-Blanc, une structure qui me permet de combiner ski et travail scolaire. J’ai aussi dû me focaliser sur une seule discipline nordique, le biathlon. En avril 2019, après de nombreux podiums nationaux et quelques courses internationales j'ai été sélectionné pour le groupe d'entraînement français des moins de 19 ans. Je cours maintenant à un niveau national avec l’opportunité de courir plus haut.

 

Je suis fier de représenter Les Gets et d'être un pionnier de mon sport dans ce qui est une station de ski très alpine.

Le haut niveau c’est synonyme de quoi pour toi ? 

 

Pour moi, le haut niveau est synonyme de sacrifices et de plaisir. Un athlète de haut niveau est engagé dans son sport à plein temps, il voit rarement le monde autre que celui du sportif, ces journées sont soit de l'entraînement, sois du repos. Mais d’un autre côté du plaisir vu que l’athlète pratique sa passion tous les jours de l’année, ceci nous permet de voyager durant nos entraînements et nos courses et de rencontrer des personnes incroyables des quatre coins du monde. Les spectateurs ne nous voient que sur nos courses, mais derrière il y a des heures de préparation qui entrent en jeu.

 

Comment arrives-tu à gérer le double cursus sport-études ? Peux-tu nous expliquer comment cela est organisé ? 

 

Heureusement, en France, il y a des structures de doubles cursus qui fonctionnent très bien pour les sports d’hiver à haut niveau. 

Au collège j'étais dans la classe appelée “sport” et j’ai eu trois après-midis libérés par semaine durant l’hiver pour m’entraîner avec le ski club Des Gets, ceci m’a donné un bel avantage sur mes compétiteurs qui étaient dans des classes normales.

Maintenant je suis au Lycée du Mont-Blanc un lycée appelé “CIE” ou Centre Interrégional d'Entraînement, il y en a 5 en France pour les sports de la FFS (Fédération Française de Ski). Dans ce lycée je poursuis un bac général S ou ES, mais étalé sur 4 ans au lieu de 3. J’ai quatre après-midis par semaine libérés pour partir s'entraîner soit en ski roue durant l’automne ou en ski durant l’hiver.

J’ai également 13 semaines complètes libres sur 33 semaines de cours pour mes stages d'entraînement, de courses, ou des semaines à la maison pour m'entraîner avec mon club des Gets. Je passe le même bac de français que les élèves normaux après ma troisième année et mon bac à la fin de la quatrième année. 

 

Blessures et soins :

 

Peux-tu nous parler de ta blessure (type, localisation, durée, etc …), de ses impacts sur tes performances ? 

 

J’ai une maladie de croissance au niveau du dos appelé “Scheuermann” depuis plus d’un an maintenant. La maladie est localisée tout au long de ma colonne vertébrale et elle me gêne dans mes activités du quotidien. Au début les médecins ne comprenaient pas complètement ce qu’il m’était arrivé, je ne suis pas tombé, aucun choc traumatique, et je ne me suis pas fait mal. J’ai donc passé des scans et un IRM au niveau de mon dos et on m’a diagnostiqué ma maladie en octobre dernier. Cette maladie m'a interdit de courir, les impacts au sol sont trop forts pour mes vertèbres et cela crée des pincements sur mes disques. Elle me gêne aussi pendant mon tir, je dois cambrer le dos d’une certaine manière et cette action est pratiquement impossible avec ma maladie. Heureusement, quand je ski je ne ressens pas des douleurs extrêmes et je peux quand même m'entraîner en natation et à vélos. Je n’ai pas d’estimation temporaire pour savoir quand ma maladie partira, différents médecins disent différentes choses, mais une réponse et sur c’est que je vais encore avoir mal pendant beaucoup de mois.

 

Accélérer le retour à la compétition :

 

Quelles stratégies personnelles mets-tu en place pour revenir à ton meilleur niveau ? (sommeil, nutrition, CERS ? …) 

 

Depuis le mois d’octobre où on m’a diagnostiqué je pratique deux à trois séances de kiné par semaine pour essayer de m’assouplir et de détendre les muscles et les articulations présentes dans mon dos. Mais après tout un hiver sans gros progrès au niveau de ma douleur le médecin du sport à Albertville m’a conseillé de me rendre deux semaines au CERS (Centre Européen de Rééducation du Sportif) à Capbreton. Cette visite m’aurait permis de voir des médecins et kinésithérapeutes différents de ceux que je vois au lycée et chez moi. J’ai pris le choix de me rendre au centre pour les deux semaines même si cela me faisait perdre deux semaines d'entraînement en plein été. Je suis maintenant rentré du centre avec beaucoup de positif au niveau de ma douleur et j’ai aussi réussi à gagner au niveau de la mobilité de mon dos.

Physiologie de l’effort :

 

Dans un sport comme le biathlon, un sport alliant tir et ski, en quoi consistent tes séances d'entraînement ? 

 

J’ai l’avantage de pratiquer un sport ou pour s'entraîner il ne suffit pas seulement de faire du biathlon en lui-même. Étant un sport d’endurance je peux varier les sports : du vélo, à la natation en passant par de la course à pied pour accomplir mes séances d'entraînement. Mais une chose est sûre, c'est que dans tous les cas je dois pratiquer le tir à la carabine régulièrement, voire tous les jours pour m'améliorer. En général, mes séances d’entraînement durent 2h, et elles peuvent varier à 2h d’endurance pure, ou de la vitesse. Tout au long de l’année je pratique aussi du ski roue, c’est un moyen idéal pour continuer à faire le geste de ski l’hiver durant les périodes de préparation estivale. 

 

Peux-tu nous expliquer comment arrives-tu à garder la concentration nécessaire pour viser et tirer correctement après avoir parcouru de nombreux éprouvants kilomètres à ski ? 

 

C’est tout un travail de respiration et de contrôle de son arme. 100m ou plus (suivant le lieu de la course) avant le pas de tir je baisse mon allure pour essayer de calmer mon cœur qui bat à plus de 190 bpm. Arrivé sur mon tapis de tir je veux être à 150 voir 140bpm. Puis j’adopte une respiration calme et relâchée qui me permet de me concentrer sur ma visée et mon doigt sur la détente. Pour ceci il faut passer du temps derrière sa carabine à l’entraînement et aussi à la maison en tir à sec pour retrouver les mêmes sensations.

Améliorer la récupération :

 

Comment récupères-tu après une épreuve de biathlon ? (bain froid, décrassage ? etc  …)

 

Après une course de biathlon l’hiver la première chose que je fais après avoir terminé la course c’est de décrasser, ceci me permet d’éliminer les toxines et l’acide tactique qui s’est accumulé dans mes muscles durant l’effort. Pour décrasser je pars skier 20 à 30 min. Rentré à l'hébergement je mange puis je fais une grande sieste. Dans l’après-midi, je repars pour 30 à 45 min de course à pied pour récupérer puis à lieu une grande séance d’étirement avec de l’automassage en utilisant un rouleau ou une boule de massage, pour éviter d’avoir des courbatures le lendemain pour la deuxième course du week-end. Tout au long de la journée, je m’hydrate soit avec de l’eau soit avec de la St Yorre. 

Optimisation des performances :

 

Quels sont tes axes de travail pour la suite ? Tant pour la progression que pour la gestion de ta blessure.

 

Nous arrivons à la fin du mois d’août donc la fin de l’entraînement « volume » et je vais bientôt commencer les séances un peu plus intenses avant mes deux courses de préparation qui ont lieu en septembre et en octobre dans le Jura. Du côté de ma blessure, je continue les séances de kiné à la maison, les étirements et tous les exercices que j’ai appris à faire au CERS.



Quels sont tes objectifs pour la prochaine saison ? 

 

Cet hiver je rentre dans la catégorie U19, je vais donc participer à plus de courses, plus intenses, plus longues et avec plus de tir. Mon grand objectif cet hiver est de me qualifier pour les Jeux Olympique de la Jeunesse qui ont lieu à Lausanne du 9 au 22 janvier. Ce sera ma première grande occasion de briller à l'échelle internationale et je m’entraîne dur toute l’année pour réussir à me qualifier.

Interview réalisée par Nathan Touati.

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